La société du court-circuit

Acheter local, privilégier les circuits courts... Les Français plébiscitent l'achat raisonné et responsable. Exit la consommation de masse, le consommateur exige davantage de transparence.

L’économie du partage fait de plus en plus l'actualité. Le succès spectaculaire de sites comme leboncoin.fr ou Airbnb, l'essor de Blablacar ou de Zilok montrent que cette nouvelle façon de consommer à des adeptes.

Si certaines activités sont encore minoritaires, comme la location ou le covoiturage, le regard que l'on porte sur elles évolue. L'idée d'acheter, de louer un bien à un particulier ou d'échanger s'impose de plus en plus comme une alternative pertinente.

Derrière cet intérêt, il y a bien sûr une motivation liée à une conjoncture économique difficile. En France, l'avenir reste marqué par une très forte incertitude. Nombreux sont ceux qui continuent à faire attention à leurs dépenses. Dans ce contexte, s'adresser à un particulier plutôt qu'à un professionnel, c'est avoir la garantie d'obtenir de meilleurs prix.

La deuxième raison à cette tendance grandissante est technologique. Il est aujourd'hui devenu extrêmement simple de prendre contact avec un inconnu. En l'espace d'une décennie, les réseaux sociaux ont créé une véritable culture de l'échange. Quand un individu se pose une question ou cherche une solution à un problème, il est devenu naturel pour lui de s'adresser aux membres de sa communauté.

Très souvent, il existe une réponse ou une solution chez un ami ou l'ami d'un ami. Et le chemin pour les atteindre, grâce aux réseaux, s'apparente à un jeu d'enfant.

Le court-circuit contre la méfiance

Ces nouvelles pratiques font entrer le consommateur dans la "société du court-circuit". À savoir : le circuit le plus court n'est pas seulement considéré comme le plus rapide, mais aussi comme le plus fiable. C'est probablement une des raisons majeures du développement des solutions dites "collaboratives". Dans un contexte de méfiance persistante à l'égard des grandes institutions, de plus en plus de Français n'hésitent pas à se tourner vers leurs pairs. De fait, un particulier n'est a priori pas assujetti à une stratégie ou à une organisation globale. Il ne brasse pas de grands moyens. Il est tout seul. On peut donc lui faire confiance. Une enquête récente menée par Ipsos dans 24 pays montre qu'en la matière, les Français, d'ordinaire si prompts à se méfier de tout, ne se démarquent pas de leurs homologues occidentaux. Plus de la moitié des internautes interrogés en France dit avoir confiance dans l'exactitude de l'information que les particuliers lui fournissent sur un produit ou un service. La même proportion pense que son interlocuteur lui livrera des produits conformes à ses attentes et qu'il effectuera la transaction comme convenu.

Même s'il subsiste des doutes sur le respect de la confidentialité de leurs données personnelles, le constat est là, et d'autant plus frappant que les réponses obtenues en France sont très proches de celles mesurées en Grande-Bretagne, en Allemagne ou aux États-Unis. Seul le Nord, avec la Suède ou la Norvège, montre une confiance plus franche entre particuliers. "La confiance, c'est la nouvelle monnaie. L'enjeu ? Se construire une bonne réputation en accueillant les gens chez soi, dans de bonnes conditions", indique un utilisateur régulier de ce type de services.

D'une manière générale, le "court-circuit" est de plus en plus valorisé. L'éloge des productions locales, l'apologie du "madein local" vont également dans ce sens. Partout où le manque de transparence prévaut, la philosophie du court-circuit séduit. Et nous n'en sommes qu'au début..

Tribune publiée dans Marketing Magazine, le 1er octobre 2013.

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