La surprenante hausse de popularité de Lionel Jospin

Le dernier baromètre Ipsos-le Point fait état d'une hausse de la cote du Premier ministre malgré le scandale qui touche l'Etat en Corse. Pierre Giacometti, directeur général d'Ipsos Opinion, explique cet étonnant phénomène d'opinion.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
Get in touch

Au lendemain de "l'affaire corse" et de la mise en examen de préfet Bernard Bonnet, la cote de popularité de Lionel Jospin augmente de trois points, atteignant à nouveau un niveau exceptionnel de 68% d'opinions favorables. Comment expliquer ce phénomène ?

Pierre Giacometti - Le baromètre Ipsos / Le Point mesure une progression de la popularité du Premier ministre remarquable à trois titres. Elle se produit, d'une part, pendant une crise où Lionel Jospin a été politiquement très exposé. D'autre part, elle survient alors que le niveau de popularité était déjà très élevé, ce qui rend encore plus significatif ce niveau de progression. Enfin, elle est d’autant plus remarquable qu’elle s’accompagne d’une diminution parallèle des opinions défavorables, qui passent de 29 à 25%.

La première raison est liée à la performance de communication du Premier ministre. Le baromètre Ipsos a été réalisé quelques jours après son interview au journal de 20 heures de TF1 mardi 4 mai. Au cours de cette intervention, Lionel Jospin a essentiellement joué sur les dimensions personnelles qui contribuent beaucoup à son capital d’image actuelle dans l’opinion : image d'honnêteté et de sincérité. La thématique " morale " du Premier ministre, sa volonté de ne pas cacher le sentiment d’avoir été "blessé" par cette affaire, le fait de reconnaître qu’elle représentait un coup dur pour un gouvernement qui, malgré tout, réussit dans ce qu’il entreprend explique en grande partie la progression de sa popularité au sein de l'électorat UDF (+12) et même RPR (+4). Jamais un chef du gouvernement n’était parvenu autant à casser les réflexes partisans. Il n'y a guère qu’au sein de l’électorat du Front national qu’on note une réaction négative.

Il faut également insister sur la forte mobilisation de l’électorat de gauche : c’est une illustration de la très bonne capacité de défense de son leader lorsqu’il est face à l’adversité politique. C’est, à terme, pour le chef du gouvernement, un excellent indice de potentiel de mobilisation électorale. Lionel Jospin atteint une popularité maximum dans l'électorat socialiste (89%), il retrouve des hauts niveaux de popularité parmi l'électorat communiste (+12 points) et écologiste(+ 4).

En revanche, le ministre de l’intérieur ne bénéficie pas de la même indulgence. La chute de onze points de la popularité de Jean-Pierre Chevènement signifie-t-elle que les Français le jugent responsable des écarts du préfet ou lui reprochent-ils ses interventions médiatiques ?

P.G. - Il n'y a pas forcément d'automatisme entre une prestation télévisée, surtout lorsqu’elle a comme théâtre l'Assemblée, et une évolution de popularité. Jean-Pierre Chevènement a développé une argumentation plus classique dans ce type de contexte, consistant à intégrer dans sa défense une attaque de l’opposition. Cela peut justifier cette évolution beaucoup plus négative. Au-delà de l’examen de la performance médiatique, les Français considèrent sans doute que le premier des ministres concernés par cette affaire est celui qui a autorité sur le préfet, à savoir le ministre de l'Intérieur. Pour autant, cette évolution de popularité est loin d'être dramatique. La cote de popularité de Jean Pierre Chevènement était exceptionnellement élevée ces derniers mois suite à l’émotion provoquée par de son accident opératoire. Avec 46% d'opinion favorables, on retrouve une cote normale pour le ministre de l'intérieur, et même plutôt élevée en pareille occasion.

Les opinions favorables en faveur du PS chutent de 2 points pour atteindre 56% d'opinions favorables. Le soutien envers le Premier ministre tient-il plus à sa personnalité qu'à son action ?

Cela reste un très bon indicateur d’image pour le PS même si on en connaît les limites en matière de garantie de performance électorale ! Il y a effectivement une fois de plus un vrai phénomène de déconnexion entre le jugement des Français sur les deux têtes de l'exécutif et les autres protagonistes de la vie politique, personnalités ou partis. Jacques Chirac dépasse même à nouveau la barre exceptionnelle de 70% des Français satisfaits de son action. Sa popularité progresse au sein de l'électorat socialiste (+10), ce qui semblerait démontrer que la modération de sa réaction dans à l'affaire Bonnet a été jugée très positivement à gauche. Le président et le Premier ministre jouissent toujours d’un contexte d’union nationale très favorable qui efface momentanément les éléments d’humeur liés à la situation intérieure.

Que peut-on enfin dire de l'évolution des cotes de popularité des autres leaders politiques ?

A un mois des élections européennes, on pourrait s'attendre à un climat politique beaucoup plus tendu. C'est loin d'être le cas et cela ne présage pas d’une dynamique favorable à la participation électorale. La démission de Philippe Séguin n’a pas modifié considérablement sa position dans l’opinion : La baisse de sa popularité enregistrée ce mois-ci est modeste (moins 3 points). Dans un paysage dominé par le contexte international, de nombreux indicateurs de popularité connaissent une forte progression de l’indécision. Deux exceptions notoires : Les progressions de 4 points de François Bayrou ou celle de Nicolas Sarkozy, qui parviennent à reconquérir une part importante de leur déficit d’image auprès de l'électorat de droite.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

Société