L’alcool, casse-tête des médecins

Face aux enjeux de la prévention, du dépistage et de la prise en charge des patients ayant un problème avec l'alcool, Ipsos, à l'initiative du Quotidien du médecin, a mené une enquête auprès de 205 médecins (103 généralistes et 102 spécialistes)*. Les résultats apportent un éclairage intéressant sur la pratique des médecins face au mésusage d'alcool, soulignant leurs difficultés, leurs besoins et leurs attentes.

Les patients ayant un problème avec l'alcool constituent une problématique courante : les médecins généralistes (MG) déclarent en moyenne 39 patients en file active (suivis actuellement en patientèle) avec des problèmes d'alcool ; les spécialistes en déclarent 51 en file active.  Quelle est la place du « sujet alcool » dans les consultations ? Les MG abordent le sujet dans 22 consultations sur 100 en moyenne et sur ces 22 consultations, 17 sont à l'initiative du médecin et 5 sont à l'initiative du patient. Sur les 17 consultations où le problème alcool est abordé à l'initiative du médecin, le dépistage et la prise en charge sont plus souvent l'objet de la consultation que la prévention. Quant aux spécialistes (spé), le problème est abordé dans 52 consultations sur 100 par les gastro-entérologues (GE)  et 37 sur 100 par les psychiatres et les addictologues (P+A)

 

Prévention et dépistage ne sont pas systématiques

Il apparaît que 62% des MG disent délivrer des messages de prévention auprès des patients qui présentent des signes évocateurs et 23% de façon systématique à tous les patients. Ce qui suggère plutôt une prévention ciblée secondaire qu'une prévention primaire. Ces chiffres sont de 67% et 30% chez les spé.

Pour ce qui concerne le dépistage, la majorité des MG (88%) et des spé (84%) déclarent dépister un problème d'alcool suite à des signes cliniques évocateurs ; respectivement 84%  et 83% en questionnant sur le mode de vie ; 74% et 56% parce que le patient l'a évoqué lui-même ; 67% et 41% par l'alerte d'un membre de l'entourage.

Un autre aspect du processus de dépistage est qu'il a lieu : d’un côté à la suite de problèmes physiologiques (96% des MG, 98% des GE, 71% des P+A), dont la découverte fortuite d'une anomalie biologique (83% des MG, 89% des GE, 45% des P+A ) ; de l’autre en raison de problèmes psychologiques (82% pour les MG, 99% pour les P+A mais seulement 35% des GE). Pour les MG, il s’agit notamment de troubles anxiodépressifs, irritabilité/agressivité, de problèmes au travail et de difficultés conjugales. Pour les P+A, dépression et troubles anxieux arrivent nettement en tête (81%) devant irritabilité et agressivité (60%).

Un MG sur deux (55%) interroge « fréquemment » ses patients sur leur consommation d’alcool et 41% les interrogent « parfois ». Ces chiffres sont de 83% et 17% chez les spé. Leurs investigations concernent principalement le niveau de consommation (quantités, fréquences et types de boissons), alors que pour un médecin généraliste sur deux, les investigations sont moins courantes sur le contexte (53%) et les raisons (56%) de cette consommation excessive d'alcool.

Par ailleurs, la majorité des médecins demandent des examens biologiques, notamment en moyenne un dosage des gamma GT (63% des MG, 57% des GE, 62% des P+A),  la mesure du VGM (23%, 28%, 17%) et un dosage de la CDT (11%, 10%, 16%) pour compléter leur diagnostic.

 

Une prise en charge assumée dans deux tiers des cas

Côté prise en charge des patients alcoolodépendants, deux tiers des MG déclarent prendre en charge eux-mêmes les patients alcoolodépendants et recourent beaucoup moins souvent à l'hospitalisation (12%).

En revanche, deux tiers des MG déclarent prendre en charge eux-mêmes les patients alcoolodépendants avec les modalités suivantes de prise en charge : 87% proposent des consultations régulières ; 80% prescrivent des médicaments ; 62% conseillent l'entraide d'associations de patients et 55% l'aide d'un psychologique. Les chiffres sont du même ordre pour le spé.

Parmi les médecins qui prescrivent des médicaments, la majorité citent les benzodiazépines  (73% des MG, 80% des P+A) et les antidépresseurs (61% des MG, 80% des P+A)) comme traitements les plus prescrits ; puis viennent le baclofène (59% des MG, 63% des GE et 55% des P+A), la naltrexone (38% des MG), le disulfirame (31% des MG). Le baclofène est prescrit en renouvellement d'une ordonnance par 15% des MG (6% des spécialistes) ; à la demande du patient par 11% des MG (15% des spécialistes).

Compte tenu des enjeux de la prise en charge de l'alcoolodépendance, un élément important concerne le ressenti des médecins : 57% de MG et 46% des spécialistes déclarent se sentir démunis face au patient alcoolodépendant.

 

Une bonne perception des facteurs de risque

Concernant le niveau d'information des médecins généralistes sur la prévention et la prise en charge, ils semblent majoritairement bien informés (95%) sur les risques liés à la consommation excessive d'alcool et sur les facteurs de risque classiques : autres problèmes d'addiction (73%), troubles psychiatriques (68%), difficultés au travail (67%), problèmes familiaux (66%). En outre, 77% ont le sentiment d'être bien informés par rapport au dépistage, 63% par rapport à la prévention et 59% par rapport à la prise en charge.

 

Un soutien dans la prise en charge est attendu par les médecins

Les attentes des médecins qui se déclarent démunis face à un patient présentant des signes de dépendance à l'alcool concernent principalement de la formation en addictologie (76% des MG et 60 des spécialistes), mais aussi des médicaments plus efficaces (55% des MG et 61% des spécialistes), de la formation en psychologie (45% des MG et 27% des spécialistes) et  des informations sur les médicaments existants (31% des MG et 16% des spécialistes). Enfin, parmi les attentes des médecins généralistes en termes de moyens, on peut noter le souhait de réunions entre confrères (14 MG sur les 31 ayant déclarés ne pas avoir les moyens nécessaires) et de sites internet spécialisés dédiés aux médecins (11 MG sur les 31 ayant déclarés ne pas avoir les moyens nécessaires).

Source : Le Quotidien Du Médecin, Dr Martine ANDRE, 12/12/2013


Fiche technique :

Cette enquête a été réalisée en ligne du 3 au 9 avril 2013 auprès personnes utilisatrices de parfum (1015 personnes en France et 1061 personnes en Allemagne), constituant un échantillon national représentatif de la population âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas (sexe, âge, statut social, activité).

Articles liés

  • Ipsos | Sun'Agri | Agrivoltaïsme
    Energie Evènements

    Événement 24/02 | Ipsos et Sun'Agri au Salon de l'Agriculture 2025

    A l'occasion du Salon de l'Agriculture, Ipsos et Sun'Agri présenteront les résultats du Baromètre Agrivoltaïsme 2025.
  • Ipsos partenaire du Forum du Commerce Durable
    Société Evènements

    ÉVÉNEMENT - 21/01 | Ipsos partenaire du 1er Forum du Commerce Durable 2025

    Le mardi 21 janvier, le Palais de la Bourse à Lyon accueillera la première édition du Forum du Commerce Durable. Cet événement rassemblera 250 marques et plus de 50 experts du commerce durable. Ipsos, partenaire de l'événement, tiendra à cette occasion une conférence sur l'accompagnement stratégique en matière de développement RSE et business.
  • Ipsos Médias en Seine
    Société Evènements

    ÉVÉNEMENT - 14/01 | Ipsos partenaire de Médias en Seine 2025

    Ipsos participe à la 7ème édition de Médias en Seine qui se tiendra le 14 janvier à la Maison de la Radio et dans les locaux des Echos-Le Parisien. Cet événement rassemble experts, journalistes et spécialistes des médias pour débattre autour des enjeux du secteur. Cette année, le thème "Médias : l'ère des défis" interroge ses acteurs sur le rôle qu'ils jouent dans les dynamiques démocratiques, économiques et technologiques.