Le bien-être à la lumière du fard

Apparence et estime de soi... Les deux vont de pair, nous instruit l'Observatoire des Bien-Être(s) d'Ipsos. De quoi nourrir les réflexions de Germaine Gazano, la responsable Market & Consumer Intelligence de LVMH Parfums et Cosmétiques. « Le maquillage, n'est-ce pas justement ce qui module l’apparence ? »

Quels sont les facteurs clés du bien-être pour une activité comme le maquillage ?

L’importance de l’apparence et l’implication dans la séduction ont toujours été pris en compte. Comme le suggérait Ovide, il y a 2000 ans, à travers son traité sur « l’Art d’aimer », rien n'est moins anodin ou futile. Il faut voir que l'attrait pour les cosmétiques ne s'est jamais démenti, y compris dans les pires heures de l'histoire. C'est le fameux "lipstik effect", ce mécanisme de compensation bien connu. On sait aussi, à travers notamment l'action du CEW (1), qu'en amenant des femmes sous chimiothérapie à prendre soin d'elles-mêmes et à se regarder, on augmente leurs chances de guérison.

Se maquiller, c'est donc aller mieux ?

C’est une des questions auxquelles j'essaie de répondre depuis huit ans au sein de LVMH Recherche. Comprendre notre relation au maquillage et ses implications. « Ce qu'il y a de plus profond en l'homme, c'est la peau », a écrit Paul Valéry. Ce qui est en jeu n’est pas simplement d'ordre esthétique mais de biologie profonde. Pour les femmes, se maquiller est une façon de se recréer elle-même en mieux. Le maquillage a pour fonction de structurer leur image à la fois d’un point de vue  physique et identitaire. Nos recherches chez LVMH ont clairement montré que lorsqu'une femme améliore son apparence physique par du maquillage, il se produit des variations dans les dosages de certains neuromédiateurs comme le cortisol ou la DHEA. Or on sait qu'en diminuant le stress, on améliore la confiance en soi, sa propre image et l'estime de soi.

Dans quelle mesure les résultats de l’Observatoire des Bien-Être(s) confortent-ils votre approche ?

L’Observatoire Ipsos montre bien, lorsqu'on regarde les raisons de se maquiller, que l'on est dans un rapport à soi et dans un rapport aux autres. Or l’étude d'Ipsos place justement l'estime de soi dans le socle des valeurs essentielles du bien-être. Nous avons pour notre part beaucoup travaillé chez LVMH à partir de différentes grilles d'étude comme celle de Rosenberg, en collaboration avec le psychiatre Christophe André (2). Pour constater quoi ? En deux mots, que l’apparence est l'un des traits principaux, sinon le premier qui contribue à stabiliser cette estime de soi. De la même manière, en examinant les facteurs qui sur-expriment ce que sont les gens heureux dans la segmentation de l'étude Ipsos, on constate que l’estime de soi en fait partie et que les gens se déclarant plus heureux que les autres, sont plus satisfaits de leur apparence que les autres. Le chaînage avec l’usage de cosmétiques est évident. L’autre grand intérêt de l’étude Ipsos est de mettre en lumière le rôle des peurs et des frustrations dans le façonnage de l’estime de soi. On mesure alors toute l’importance du vieillissement et de la crainte qu'il suscite et donc toute la contribution des cosmétiques dans ce domaine

La peur de vieillir attise donc l'emploi des produits de beauté et de soin qui concourent ainsi directement au bien-être des femmes ?

Oui et en dépit du recours possible à la chirurgie plastique ou à d'autres techniques moins invasives comme la mésothérapie ou l'injection de botox®, nous observons que l'usage de cosmétiques continue de progresser. L’appétence et la curiosité des consommatrices restant extrêmement fort. Quand on interroge les femmes, on voit que tout ce qui va être lié à la sensorialité des produits, à la douceur de la peau, au parfumage, au confort à travers le fait d’oublier une peau qui tire ou de lui trouver plus d’éclat, tout cela permet de rassurer l'utilisatrice et de la réconcilier avec un processus de vieillissement dont elle ne peut que retarder les effets.

Ces motivations varient-elles selon les régions du monde ?

Ce que nous pouvons considérer à travers nos études, c’est que la Française se situe entre ce qui s'observe aux Etats-Unis et ce qui se voit en Asie, en particulier au Japon. Là, le rapport aux soins et à l’apparence, est avant tout d'ordre social. Cela explique que l’on ait des routines extrêmement longues et sophistiquées pour construire une peau et un teint parfaits. Au Japon et en Corée du Sud, une femme peut aller jusqu’à superposer 8 à 9 produits successifs ! Il s'agit pour elle de ne pas offusquer le regard de l’autre en lui donnant à voir quelque chose qui ne serait pas « nickel ». On est donc d'abord dans un souci de rapport à l’autre. Les Américaines sont plus dans un désir de performance. Elles vont soigner de la même façon le teint pour cacher les petites imperfections, mais elles sont moins investies dans le soin de la peau. Chez elles, il ne s'agit que d’un « support ». La Française est plus mesurée, dans un rapport plus équilibré et décomplexé par rapport à son apparence Elle peut d'ailleurs tout aussi bien sortir sans maquillage.

Est-elle mieux dans sa peau pour autant ?

Peut-être que chez elle, l'estime de soi est moins friable ou moins sensible au regard extérieur. Comme l'explique le psychiatre Christophe André, l’estime de soi est une chose fragile qui se réajuste en permanence. Dans le rapport au maquillage, les Françaises semblent avoir une estime d’elle-même qui est plus centrée sur le rapport à soi et moins sensible au regard des autres.

N’assiste-t-on pas à une uniformisation sur ce plan ?

Je ne pense pas. Les cultures continuent de peser énormément. Cela évolue sans doute mais pas tant que cela. Pour le Japon, par exemple, nous venons de faire une étude qui montre clairement que les motivations des femmes dans leurs luttes contre le vieillissement restent profondément ancrées mais que certaines attitudes peuvent évoluer.

Il y a donc en la matière plusieurs manières de "bien-être" ?

Oui, ce n’est pas quelque chose de stable. C'est une question de curseur. Le fait d'utiliser des produits cosmétiques traduit en revanche un plaisir commun à toutes les femmes. Dior est une des marques emblématiques de l’univers du Luxe et Monsieur Dior avait pour habitude de dire qu'il ne cherchait pas uniquement à rendre les femmes plus belles mais surtout à les rendre  heureuses. C'est dans les racines de cette marque : faire du bien (do good) et se sentir bien (feel good). Le luxe comme une promesse de bonheur pour les femmes, n’est-ce pas le stade ultime du bien-être ? Voilà tout le sens de nos recherches : mesurer le bonheur que l’on peut procurer aux femmes avec des produits parfaitement adaptés. C'est ce que nous avons réalisé avec le mascara Diorshow Extase en mettant en valeur l'impact sur le regard d'autrui grâce à des méthodes de eye-tracking notamment. Je pense que nous allons ouvrir de nouvelles perspectives pour nos marques !

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