Le bilan de la crise, un an après

Il y a un an, la banque Lehmann faisait faillite. Dans les semaines qui ont suivi, la crise financière s’est transformée en crise économique de grande ampleur et s’est généralisée au plan mondial. Comment les consommateurs allaient-ils réagir ? Qu’allaient-ils changer dans leurs comportements ? Quelles catégories de produits et de services allaient être les plus touchées ? Pour répondre à ces questions, Ipsos a lancé en décembre 2008 un observatoire de suivi des comportements en temps de crise, l’IECM [Ipsos Economic Crisis Monitor]. Son originalité : suivre mois par mois l’évolution de l’opinion et de la consommation dans les grands pays occidentaux, auprès de 3000 individus. Un an après, voici quelques-uns des faits les plus marquants de nos observations.

Du côté de l’opinion, un pic d’inquiétude a été atteint en février 2009 avec 69% de sondés se disant « inquiets de la situation économique et financière » au global et jusqu’à 72% d’inquiets en Espagne. Depuis, si les grands pays occidentaux comme la France, l’Italie et l’Espagne, continuent d’évoluer dans un climat d’inquiétude forte, celui-ci ne se dégrade pas. La tendance à l’amélioration dessinée au printemps 2009 n’est pas contredite par les derniers résultats.
Malgré un contexte médiatique très pessimiste, et des tensions sociales réelles dans certains pays, le risque révolutionnaire (niveau élevé de mécontentement) en augmentation significative de décembre à février, s’est estompé à partir du mois de mars.
Autre constat, le moral des consommateurs ne s’est pas effondré. Le niveau de bonheur déclaré entre décembre 2008 et septembre 2009 est resté stable, atteignant 83% au global. En revanche, la confiance a été affectée par la crise mais demeure majoritaire dans tous les pays : 62% des personnes interrogées se disent « confiantes en leur avenir personnel ». Á l’exception de l’Espagne, pays dans lequel on observe un recul, le niveau s’est maintenu, voire a progressé, comme en Italie.

La crise a consacré le triomphe des passions privées

Conséquence directe de la crise : les individus sont moins sortis. Ils en ont profité pour passer plus de temps chez eux. De fait, la crise a contribué à revaloriser les plaisirs de la sphère domestique. Même s’ils ont fait des économies, y compris sur leurs projets de décoration ou de travaux intérieurs, ils ont passé plus de temps sur Internet et se sont davantage informés. Les plus fortes réductions budgétaires concernent les sorties au restaurant, auxquelles 50% des consommateurs disent consacrer un budget moins important qu’avant. Le constat est du même ordre pour les sorties dans les bars et dans les discothèques, ainsi que pour les sorties culturelles. Des restrictions budgétaires plus marquées encore en France, avec près de 60% de la population déclarant limiter les sorties.

Du côté des consommateurs

Les produits respectueux de l’homme et de la nature n’ont jamais été aussi attractifs que pendant la crise. Fruits et légumes frais, produits bios ou produits du commerce équitable ont constamment fait partie des catégories les plus appréciées par les consommateurs depuis décembre. Paradoxe ? Non, car ces produits bénéficient d’une aura favorable dans un contexte où les modes de consommation doivent de plus en plus répondre à une recherche de sens. Même si un nombre important de consommateurs a dû réduire sa consommation de ces produits, d’autres en ont profité pour en acheter davantage. La France (26%), l’Italie (24%) et les Etats-Unis (21%) se montrent particulièrement demandeurs de produits issus de l’agriculture biologique.

Malgré la montée en puissance des produits discount et des marques de distributeur, l’image des marques résiste à la crise. Elles continuent à symboliser les valeurs refuge. Si, conjoncturellement, les consommateurs s’en détournent ou ne les achètent que « dégriffées », ils sont une majorité à penser que les marques sont garantes de la qualité, un avis qui rassemble 60% des consommateurs au global, avec néanmoins quelques différences par pays. Alors que l’Italie montre une foi plus marquée en les marques (70%), celles-ci s’élèvent moins facilement en preuves de qualité en France et en Allemagne.

Les consommateurs n’ont pas été touchés et n’ont pas réagi de la même manière à la crise. 21% d’entre eux disent ainsi ne pas avoir changé leurs habitudes. Une proportion non négligeable a même assisté et continue d’assister à cette crise en « spectateurs ». Au total ils sont 18%. En revanche, ceux qui étaient déjà fragilisés avant la crise l’ont été davantage (15%). Une partie des membres de la classe moyenne a même été touchée de plein fouet dans ses projets de vie. On estime leur nombre à 15% dans les grands pays occidentaux. Enfin, certains (18%) ont envisagé la crise comme une opportunité pour consommer davantage grâce aux multiples promotions et offres avantageuses auxquelles ils ont été exposés dans les magasins ou sur Internet.


Fiche technique :

Chiffres tirés de l’IECM (Ipsos Economic Crisis Monitor), étude mensuelle réalisée auprès d’un échantillon de 3000 personnes âgées de 16-65 ans représentatif de la population dans chacun des pays suivants : Italie, Espagne, France, Allemagne, Grande-Bretagne, Etats-Unis.

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