Le commerce équitable : méconnu, mais amené à se développer
L'étude Ipsos-La plate-forme pour le commerce équitable montre que ce nouveau type de commerce est encore largement méconnu. Pour autant, le potentiel de développement existe, tant l'opinion semble concernée par l'inégalité des échanges Nord-Sud.
Le commerce équitable, apparu dans les années 1960 sur l'initiative d'organisations non gouvernementales en Angleterre et aux Pays-Bas, a pour principe d'aider des coopératives d'artisans dans les pays du Sud à se développer de manière durable. Pour ce faire, un certain nombre d'organismes de commerce équitable se proposent d'acheter les produits du Sud aux prix définis par les coopératives d'artisans elles-mêmes, en fonction de leurs besoins et de ceux de leur famille, en termes de santé, formation ou protection sociale. Si le commerce équitable a connu depuis les années soixante un essor très important en Suisse, en Belgique ou aux Pays-Bas (taux de notoriété proche de 90% en Hollande), force est de constater que cette pratique est encore largement confidentielle en France. La très forte majorité des personnes interrogées par Ipsos (91%) n'avait jamais entendu parler de commerce équitable avant notre enquête. La notoriété en France est un peu plus forte chez les moins de 35 ans (11%), particulièrement chez les 20-24 ans (21%), ainsi qu'auprès des catégories socioprofessionnelles supérieurs. Les personnes "ayant déjà entendu parler du commerce équitable" (9%) ont principalement été alertées par les médias : la presse, pour 43% d'entre eux, la télévision (32%) ou la radio (14%). Le commerce équitable apparaît donc comme un sujet médiatisé, mais peu porté par les points de vente. La notoriété assistée des principaux organismes est en effet relativement faible. A peine une personne sur cinq a déjà entendu parler de la "Fédération Artisans du Monde" (20%, 56% chez les personnes connaissant le commerce équitable). Les autres enseignes sont encore moins connues. On relève, par ordre décroissant de notoriété, "Alter Eco" (15%, 37% chez les personnes connaissant le commerce équitable), le Comité Catholique Contre la Faim et pour le Développement (CCFD, 11%, 39%), Boutic Ethic (9%, 26%), Artisanat-SEL (8%, 31%).
Si le commerce équitable est encore aujourd'hui assez méconnu, son potentiel de développement est important, tant les Français reconnaissent sa légitimité. Plus des trois-quarts des Français considèrent en effet que "les pratiques du commerce mondial entre le Nord et le Sud sont inéquitables".
Là encore, l'indignation est proportionnelle au niveau d'études et à la catégorie socioprofessionnelle (98% des cadres supérieurs jugent le commerce Nord-Sud peu équitable). Dans ce contexte, le commerce équitable est défini par les Français comme "un moyen de lutter contre le travail des enfants" (41%), "un moyen de combattre la pauvreté" (36%) voire "un moyen d'équilibrer les échanges entre les pays du Nord et les pays du Sud" (31%). On note que la notion de responsabilité dans la lutte contre les inégalités est moins présente : seulement 11% des personnes interrogées estiment que le commerce équitable donne "le moyen de devenir un consommateur responsable". Pour autant, la notion de "consommateur responsable" couvre dans l'esprit des Français un champ qui sort quelque peu des limites du commerce équitable. Si, pour près d'une personne sur deux, être un consommateur responsable consiste à "lire les étiquettes des produits pour connaître les conditions de fabrication", ou, pour 28% des interviewés, "changer d'enseigne quand on sait qu'elle ne respecte pas le commerce équitable", la responsabilité consiste aussi, pour 26%, essentiellement les plus jeunes, à "comparer les prix des produits". Or, par nature, les produits du commerce équitable sont souvent un peu plus chers…Cela étant, la presque totalité des Français (90%) est aujourd'hui prête à privilégier, à qualité équivalente, les produits issus du commerce équitable. Surtout, la quasi-totalité d'entre eux (86%) persisterait dans ce choix, tout en "sachant que les produits issus du commerce équitable sont parfois un peu plus chers afin d'offrir au producteur un prix juste".
Il y a donc incontestablement une opportunité de développement pour le commerce équitable. Les Français estiment pour un tiers d'entre eux que c'est au consommateur de favoriser ce développement, voire au gouvernement (25%), aux enseignes d'hypermarchés et supermarchés (23%) et aux associations (12%). Cette hiérarchie est un peu différente chez les personnes qui connaissaient déjà le commerce équitable : s'ils estiment également que son développement doit en premier lieu être favorisé par les consommateurs, ils estiment ensuite que des efforts doivent être faits du côté de la grande distribution (27%) et des associations (21%).Pour l'heure, il n'est pas encore évident que le commerce équitable bénéficie à terme en France d'une adhésion équivalente à celle relevée en Suisse, en Allemagne, en Belgique ou aux Pays-Bas. Certes, près de quatre Français sur dix sont aujourd'hui persuadé que le développement du commerce équitable modifiera les comportements des consommateurs, mais 28% pensent par ailleurs que le commerce équitable restera un terrain d'action réservé aux militants. Cela étant, seulement 11% des personnes interrogées pensent que c'est "un phénomène de mode qui finira par disparaître". L'avenir du commerce équitable semble donc étroitement lié à la capacité des organismes et associations à communiquer sur le bien-fondé de leur action. Nul doute qu'une telle démarche trouvera résonance dans l'opinion publique.
Au fil de la toile
La plate-forme pour le commerce équitable
Plus d'informations sur le commerce équitable sur l'excellent site de Coordination Sud, collectif d'organisations non gouvernementales : définitions et collection de liens
De l'échange inégal au commerce équitable : une analyse du Monde Diplomatique
Les organismes de commerce équitable*
*A notre connaissance, les autres organismes ne disposent pas de site Internet