« Le consommateur fixe le prix ! »

Á partir de l’analyse des valeurs émergentes aux États-Unis, au Japon, au Royaume-Uni et en France, Trend Observer révèle les tendances marketing qui marqueront et influenceront votre consommation d’aujourd’hui et de demain. Rémy Oudghiri, directeur du département Tendances et Prospective Ipsos Marketing, lève un coin du voile sur la 11ème vague dont les résultats seront disponibles dès la fin janvier 2009.

L’étude Trend Observer 2008 avait mis l’accent sur un certain nombre de tendances naissantes comme la transparence et la médiatisation de soi. Où en est-on un an après ?
Rémy Oudghiri : Á la lumière de l’actualité, on constate que ce que nous annoncions précédemment s’est non seulement confirmé, mais que certaines tendances, se sont même amplifiées et vont continuer à s’amplifier dans les années à venir. Souvenez-vous : nous avions détecté, par exemple, une tendance à ce que nous définissions comme la « commercialisation de soi ». Ce self-marketing s’est diffusé en 2008 et continuera sans aucun doute à le faire dans le futur. Il correspond à l’idée que dans notre contexte de crise où chacun cherche des solutions, les individus deviennent des commerçants. Nous sommes tous des vendeurs : c’est de plus en plus vrai de nos jours.

Comment se traduit cette marchandisation de soi ?
R.O. : Le cas le plus extrême est celui de cet Australien qui a décidé récemment de vendre sa vie sur eBay ! Dans les pays anglo-saxons où la culture de l’argent est décomplexée, on assiste à l’émergence de pratiques comme le crédit entre particuliers ou la location de biens entre personnes pour en retirer un petit profit. Cela commence à arriver en France. On voit aussi des bloggers qui concurrencent les médias prescripteurs traditionnels en devenant à eux seuls de véritables marques commerciales. Le consommateur devient lui-même un publicitaire. Puisqu’il vend, puisqu’il loue, il faut qu’il fasse sa propre publicité.
La généralisation des blogs a contribué à créer de nouvelles formes de relations horizontales en contournant les autorités et les institutions traditionnelles ; de la même façon, vous avez de plus en plus de gens, tout spécialement dans les secteurs les plus créatifs, qui conçoivent leur propre campagne de pub et acquièrent des pouvoirs leur permettant de démultiplier l’effet de communication. Autre révolution radicale : c’est le consommateur qui fixe le prix ! On l’a vu à travers l’exemple du groupe de rock anglais Radiohead qui a lancé son dernier disque en laissant aux gens la liberté de payer ou pas. Un tiers des internautes l’a téléchargé gratuitement. Deux tiers ont payé. Cela prouve que la gratuité n’est pas l’horizon indépassable de notre temps et qu’au contraire, les gens sont prêts à payer pour ce qu’ils aiment. C’est d’ailleurs l’album qui a rapporté le plus à Radiohead ! Cet exemple pris dans la sphère artistique pourrait bien annoncer ce qui risque de se passer dans l’univers de la consommation.

N’est-ce pas paradoxal de voir de plus en plus d’individus « se vendre » au moment où le regard que l’on porte sur la société de consommation a changé, et où ce modèle semble remis en cause ?
R.O. C’est surtout le signe qu’en temps de crise, et en s’appuyant sur le formidable boom de nouvelles technologies, les individus prennent des initiatives. Car dans cette commercialisation de soi, il n’est pas seulement question d’argent. Prenez la multiplication des ventes privées à domicile. Ce n’est pas le seul revenu qui compte. La dimension immatérielle y est aussi associée : on recherche la convivialité, la nouveauté, le fait de tout remettre en cause...

Sommes-nous entrés dans un nouveau cycle ?
R.O. C’est certain. Nous avions déjà observé en 2007 que le regard des Américains était en train de changer. En particulier sur la question de l’environnement et des inégalités grandissantes. Les choses se sont accélérées en 2008. Pour certains là-bas, il est même temps d’arrêter l’individualisme forcené qui caractérise cette société depuis des décennies. L’élection historique de Barack Obama, même si ce n’est pas ce qui l’a fait élire, va dans ce sens et confirme le réveil américain.

Vous parlez beaucoup des Etats-Unis mais pourquoi la Chine ne fait-elle pas partie des pays investigués ?
R.O. Parce que la Chine, malgré son dynamisme et sa puissance, reste encore un pays suiveur en matière de tendances de consommation. Globalement, même s’il y a bien sûr des exceptions, les trend setters chinois « suivent » les modes japonaises ou occidentales. La situation changera dans le futur, c’est certain.  J’en profite pour signaler que nous allons intégrer la Suède dans notre dispositif l’an prochain. Pourquoi ce pays ? Car la Suède est une grande nation du Nord qui a adopté depuis des années déjà un certain rapport critique à la consommation. A l’instar de la Suisse, la Suède est le pays où l’on consomme le plus de produits du commerce équitable. C’est aussi une des régions pilotes en matière de recours aux énergies alternatives. La Suède est donc un sujet de choix pour nous servir de boussole dans le monde à venir. Nous poursuivrons ainsi notre travail d’observation des nouveaux comportements en 2009. La crise étant là, ce sera évidemment un de nos axes de réflexion les plus forts.

Avez-vous une âme de trend-setter ?

Vous adorez pantoufler, vous n’avez pas la moindre idée de ce qu’est la cuisine moléculaire et vous ne jouez pas du ukulele à vos heures perdues ? Clairement, vous n’avez pas une âme de trend-setter.
Le trend-setter moyen adore découvrir et fréquenter les endroits branchés. Night clubber urbain « in », cet éclaireur des tendances a une vie sociale follement remplie. Il évolue dans des milieux à sensibilité artistique ou créative, oeuvrant dans la mode, la musique, le design, les nouveaux médias… C’est un hyper réactif, ouvert à des univers différents, sensible aux innovations.
Son âge idéal ? Entre 20 et 35 ans.
Cinquante de ces trend-setters, interrogés aux Etats-Unis, au Japon, au Royaume-Uni et en France, sont au cœur de l’étude qualitative Trend Observer. Ils participent à la révélation des tendances qui influenceront les sociétés et les consommations de demain. Trend Observer croise le témoignage direct des trend-setters avec le regard de journalistes consultants locaux, l’analyse d’experts d’Ipsos Marketing et l’apport d’analystes des tendances.


Fiche technique :

Réalisée chaque année depuis 1997, Trend Observer a été utilisée par plusieurs dizaines d’annonceurs internationaux désireux de suivre les tendances émergentes. L'édition 2009 est disponible à partir de Janvier.

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