Le gouvernement attendu sur les retraites et sur l’emploi

François Fillon, ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, présentera ce soir dans le cadre de l'émission "Cent minutes pour convaincre" sur France-2, les orientations retenues par le gouvernement sur le dossier des retraites. Le sondage Ipsos - France 2 - Le Figaro, qui servira de fil rouge à l'émission, montre bien qu'il sera difficile de trouver un compromis susceptible de satisfaire l'ensemble des salariés, du public et du privé.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
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Les Français semblent conscients du fait qu'une réforme des retraites s'impose. Ils intègrent petit à petit le fait qu'ils seront sans doute amenés à travailler plus longtemps. Si, comme en 1999 (selon un sondage réalisé par Ipsos pour l'Argus), 76% d'entre eux envisagent le plus probablement de prendre leur retraite entre 50 et 60 ans, 49% envisagent désormais de la prendre à 60 ans précisément, contre 32% seulement en 1999. L'âge "probable" moyen de départ à la retraite a par ailleurs augmenté de deux ans : 60 ans aujourd'hui contre 58 ans en 1999. Parallèlement, l'alignement de la durée de cotisation des fonctionnaires (actuellement de 37 ans et demi) sur celle des salariés du privé (40 ans) est accueilli plutôt favorablement par les Français : 70% d'entre eux se déclarent en effet favorables à cette mesure, 38% y étant même "tout à fait favorables". Plus d'un quart (28%) seulement y sont défavorables. On observe ici une différence de jugement très marquée en fonction de la sympathie politique des personnes interrogées : 62% des sympathisants de la gauche parlementaire sont favorables à l'alignement de la durée de cotisation des fonctionnaires sur celle des salariés du privé, contre 88% des sympathisants de la droite parlementaire. Cette différence est plus marquée encore en fonction du statut des personnes sondées : si plus des trois-quarts des salariés du privé (79%) se montrent favorables à l'alignement de la durée de cotisation des fonctionnaires sur celle des salariés du privé, une courte majorité (52%) des fonctionnaires interrogés y est opposée (contre tout de même 47% d'avis favorable).

De manière générale, les salariés du secteur privé semblent moins sur la réserve que les salariés du secteur public et plus particulièrement que les fonctionnaires. Ainsi, si 40% des salariés du secteur privé estiment, d'après ce qu'ils en savent pour le moment, que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin ne va pas assez loin dans la réforme des retraites, 47% des salariés du public jugent au contraire qu'il va trop loin. Ce chiffre s'élève à 49% chez les fonctionnaires. Une majorité (55%) des sympathisants de droite juge pour sa part que le gouvernement fait ce qu'il faut dans ce domaine.

Même si les salariés du privé l'envisagent assez facilement pour les fonctionnaires, l'allongement de la durée de cotisation nécessaire pour toucher une retraite à taux plein apparaît comme la mesure la moins acceptable par les Français (43%) pour remédier au problème de financement des retraites, devant la diminution du montant des retraites (31%) et une augmentation importante du montant des cotisations (20%). Si les fonctionnaires se montrent majoritairement hostiles à l'alignement de leur durée de cotisation sur celle des salariés du privé, ces derniers ne sont pas en reste lorsqu'ils se sentent directement menacés. Ils sont en effet majoritairement opposés (tout comme les salariés du secteur public) à l'allongement de la durée de cotisation pour les salariés du privé, même d'une année : 51% d'entre eux trouveraient inacceptable l'allongement de leur durée de cotisation de 40 à 41 ans, 76% l'allongement de 40 à 43 ans et 87% l'allongement de la durée de cotisation de 40 à 45 ans. Les salariés du secteur public, sans doute inquiets pour leur propre sort, se montrent solidaires du jugement des salariés du privé sur cette question.

Les Français apparaissent par ailleurs attachés au système des préretraites : une minorité (33%) estime que, compte tenu du problème de financement des retraites, il est préférable de limiter au maximum le recours aux préretraites, tandis que 60% pensent au contraire que, compte tenu de l'augmentation du chômage, il est préférable de maintenir le recours aux préretraites, comme c'est le cas actuellement. Cette idée est un peu plus répandue chez les sympathisants de gauche (68% contre 52% des sympathisants de droite). Enfin, dans l'hypothèse de la mise en place, en plus du système de retraite existant, d'un système d'épargne par capitalisation, permettant aux salariés de compléter de façon individuelle leur retraite, les deux-tiers des Français (66%) jugent que ce système de capitalisation devrait être facultatif, pour laisser le choix aux salariés. 29% pensent au contraire qu'il devrait être obligatoire pour ne pas créer de nouvelles inégalités entre les salariés.

Parallèlement à la réforme des retraites, le gouvernement est attendu par les Français sur la question de l'emploi et du chômage. Leur jugement sur l'action du gouvernement dans ce secteur est pour l'instant sévère. Une majorité (51%) a le sentiment que la lutte contre le chômage ne constitue pas une préoccupation prioritaire du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, sentiment plus marqué encore chez les sympathisants de la gauche parlementaire (65%), contre 48% qui pensent le contraire. Les Français ne jugent cependant pas le gouvernement responsable de l'augmentation actuelle du chômage. 66% d'entre eux en attribuent la principale responsabilité à la conjoncture économique internationale ; 18% jugent que le précédent gouvernement de Lionel Jospin est le principal responsable de cette situation (29% des sympathisants de droite contre 7% seulement des sympathisants de gauche). 11% pensent que la faute incombe à l'actuel gouvernement (17% des sympathisants de gauche). Parmi les solutions envisagées pour lutter efficacement contre le chômage, c'est "le développement des aides en matière de formation" qui arrive en tête, gauche et droite confondues : 86% des Français jugent que cette mesure serait utile. "L'obligation pour les chômeurs d'accepter les offres d'emplois proposées par l'ANPE correspondant à leur qualification" apparaît également comme une mesure utile (83% dont 90% des sympathisants de droite). "L'allègement des charges sociales pour les employeurs" recueille aussi de nombreux suffrages (80%), plus nombreux à droite (90%) qu'à gauche (74% toutefois). "L'assouplissement des règles des contrats de travail des salariés" ne convainc qu'une moitié (54%) des personnes interrogées, là encore plus proches de la droite (67%) que de la gauche (47%). Enfin, héritage du précédent gouvernement, les 35 heures ne semblent pas menacées pour le moment : une majorité des Français (58%) estime que leur suppression ne serait pas utile pour lutter efficacement contre le chômage.

Autre chantier du gouvernement : l'immigration et l'intégration. François Fillon a apporté, il y a quelques jours, des précisions concernant "le contrat d'accueil et d'intégration". Ce contrat, mis en place pour les immigrés "légaux" qui arrivent chaque année en France, reposerait sur des droits et des devoirs. Il comprendrait notamment des cours de Français, d'instruction civique et dans certains cas une formation professionnelle. Interrogés sur les modalités de sa mise en œuvre, une majorité des Français (50%) pense que ce contrat d'intégration devrait être "obligatoire et faire l'objet d'une évaluation dont les résultats seraient déterminants pour pouvoir rester en France" (61% des sympathisants de droite contre 42% des sympathisants de gauche). 30% jugent que ce contrat devrait être "obligatoire mais non déterminant pour pouvoir rester en France". Enfin, 17% seulement estiment que ce contrat ne devrait pas être obligatoire, chaque immigré décidant de le suivre ou non.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

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