Le grand mystère adolescent
Pour les adultes, les adolescents relèvent d’un mystère. Nombre d’idées reçues circulent à leur propos sur un mode attraction/répulsion. Dans les médias, à la machine à café, on ne se lasse pas de parler de nos jeunes, de les critiquer ou de s’inquiéter pour eux, de s’émouvoir de leurs élans, de s’étonner de leur habillement et de leur familiarité avec les nouvelles technologies…
Planète Ado
Les adolescents adoptent la nouveauté à une vitesse incroyable, qu’il s’agisse de produits, de technologies, d’attitudes ou de pratiques, parfois à risque. A cet âge de la vie, la quête identitaire pousse à une recherche de distinction voire de transgression. Cette stratégie identitaire se fait souvent en référence à des sous tribus (skaters, gothiques, geeks, etc.) et à un groupe de référence : la tribu ado. Il s’agit de s’affirmer par rapport aux adultes en transgressant les codes vestimentaires et comportementaux, ou en créant des codes et des usages nouveaux. C’est ainsi que les ados ont logiquement préemptés les nouvelles technologies qui sont un excellent moyen de montrer sa différence et de s’autonomiser. Les logiques de distinction ont un autre objectif ultime : valider auprès des pairs son appartenance à la Planète Ado. On cherche à ressembler aux autres. On guette les « must have ». Le balancier passe de la différenciation au conformisme. Ainsi, les innovations adoptées par certains ados peuvent parvenir, grâce à la force du désir d’appartenance au groupe, de vrais phénomènes adolescents, puis, par la force d’impulsion ou d’attraction des adolescents, de véritables phénomènes de société.
Positive attitude
Depuis une quinzaine d’années environ, être ado est véritablement devenu tendance. Les « adulescents » sont nés, devenant eux-mêmes parents d’adolescents. Ces hybrides ont cannibalisé des attributs et codes d’adolescents. Langage texto, collection de baskets, YouTube, etc., ne sont plus aujourd’hui l’apanage des adolescents. Ceux-ci ne sont pas dupes et se moquent de ces adultes qui se la jouent ado. Les adultes le leur rendent d’ailleurs bien, d’après eux. 7 adolescents sur 10 jugeaient en 2007 que les adultes avaient une mauvaise image des adolescents. Tandis qu’une récente étude indique qu’un Français sur deux a une image négative des jeunes1 ! Serviraient-ils de bouc émissaire sur fond de crise ? C’est possible. Une chose est sûre, les études annuelles réalisées depuis 2005 pour la Fondation Wyeth2, dans lesquelles la parole est donnée à la fois à des adultes et des ados, révèlent un important décalage des perceptions. Les adultes portent un regard pessimiste sur les adolescents. Ils seraient mal dans leur peau, auraient des difficultés avec leurs parents, avec l’école, se sentiraient sous pression, ne croiraient pas dans le travail, seraient désengagés… Or, nous sommes frappés d’observer au contraire une génération « positive attitude », pragmatique, qui se porte bien dans l’ensemble - même si une frange autour de 5% expriment des signes de vulnérabilité.
Malentendu générationnel
Le regard des adultes sur les ados se nourrit en fait d’un certain malentendu générationnel qui entraîne des jugements de valeur sur des phénomènes qu’eux-mêmes adultes ont pourtant nourris. Ainsi en réaction à la sinistrose, au discours ambiant pas gai du tout sur l’avenir, l’entreprise, la politique, etc., les ados ont investi certaines valeurs de manière extrêmement rationnelle. Demain s’annonce difficile. Les ados se concentrent donc sur le présent. Ils sont très pragmatiques. 91% des adolescents de 15-18 ans interrogés en 2006 savaient ainsi dire ce qu’ils voulaient faire professionnellement plus tard avec un remarquable niveau de précision. Cette génération d’adolescents s’avère en fait très sage, voire conservatrice. Pour leur avenir ils recherchent avant tout le confort et la stabilité. Dans un environnement incertain, un recentrage sur la famille s’opère, la parentalité devient un projet très présent à leur esprit. Le retour de l’autorité correspond à une de leurs attentes. 7 adolescents européens sur 10 pensent ainsi que les parents doivent être plus stricts avec leurs enfants. 8 sur 10 que l’ordre doit être rétabli dans leur pays3 ! Par ailleurs, l’engagement ne prend plus les mêmes formes sans que cela ne fasse pour autant d’eux des citoyens désimpliqués. Il est temps de faire le deuil des engagements idéologiques et partisans. Les jeunes n’y croient pas. Leur engagement existe mais se situe à un échelon plus micro, plus concret.
Comment communiquer ?
De son côté la société adulte s’inquiète tant pour les jeunes qu’elle en a fait la cible n°1 des campagnes de prévention sur le tabac, l’alcool, les MST, etc. Ils n’échappent à aucune prescription. Or à cet âge, pour grandir, on a besoin de prendre des risques, de transgresser des limites fixées par les autorités adultes. La plupart des ados réussiront à « doser » leur affranchissement. D’autres, souvent les plus vulnérables, vont aller trop loin et prendre des risques démesurés. Mais d’après l’enquête HSBC 2009, la situation française n’est pas plus inquiétante qu’ailleurs en Europe : 4 ados de 15 ans sur 10 ont déjà connu l’ivresse de l’alcool, 2 sur 10 consomment régulièrement des cigarettes, 3% consomment régulièrement du cannabis… Parce que les adolescents le valent bien, et pour les aider à transgresser de façon éclairée, il paraît important d’avancer dans notre réflexion sur la manière de communiquer efficacement vers eux. C’est une vaste question qui mobilise l’INPES mais aussi l’Union Européenne, l’Education Nationale depuis plusieurs années. L’Agence Ligaris et Ipsos se sont de leur côté associés pour tâcher d’apporter un éclairage européen à la question à partir de données quantitatives et de l’analyse d’un corpus de campagnes diffusées auprès des jeunes en Europe sur différents sujets d’intérêt général (santé, environnement, société, emploi). Les résultats seront présentés le 19 mai prochain à Sciences Po Paris.
A 8h30, 26-28 rue des Saints Pères, 75007 Paris. Pour s’inscrire : [email protected]
2 Toutes les données des études réalisées depuis 2005 pour la Fondation Wyeth pour la santé de l’enfant et de l’adolescent auprès d’adolescents de 15 à 18 ans et d’adultes de 25 ans et plus sur http://www.fondation-wyeth.org/ avec les contenus des « Forums adolescences » annuels.
3 Ipsos 2008 Trend Observer Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni. 15-25 ans.