Le monde est-il plus sûr maintenant ?

A cette question posée par Ipsos pour Associated Press, la majorité de la population des neufs pays testés répond par la négative. Même aux Etats-Unis, plus d'une personne sur deux estime que "l'intervention militaire américaine en Irak a aggravé la menace terroriste". Une unanimité du même ordre que l'opposition à la guerre en Irak en février 2003, mais qui n'empêche pas George W. Bush d'être toujours en course pour un second mandat.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
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L'idée que la menace terroriste est plus forte depuis l'intervention militaire en Irak se diffuse dans l'opinion. En sept mois, marqués par les attentats et les enlèvements, la part de personnes voyant finalement un lien entre Irak et terrorisme a progressé dans les neufs pays où l'enquête Ipsos/AP(1) a été menée : 72% des Français (+18 points par rapport à février) pensent que "l'intervention militaire en Irak a aggravé la menace terroriste", comme 83% des Allemands (+11), les trois quarts des Britanniques (+9), des Italiens (+9), des Espagnols (+7), deux personne sur trois à Mexico, au Canada et en Australie, et même une courte majorité d'Américains (52%, +14). La dernière fois que l'on relevait un tel consensus dans l'opinion publique internationale remonte à février 2003, quand l'opposition à la guerre était largement majoritaire dans tous les pays, sauf aux Etats-Unis. Avant les premières frappes, les deux tiers des Américains étaient en effet favorables au conflit ; le soutien est resté ferme jusqu'à la chute de Bagdad, et même au-delà (2). Ce n'est réellement que depuis le début de la campagne électorale que l'Amérique commence à douter.


Pourtant, ni l'enlisement en Irak, ni les déséquilibres de l'économie américaine (déficits commercial et budgétaire records publiés la semaine dernière) ne disqualifient George W. Bush pour un second mandat. Les derniers sondages publiés se contredisent, certains le donnent à nouveau devant John Kerry (52% / 44% selon le dernier CNN/USA Today/Gallup réalisé après le troisième débat). Il convient toutefois de rester prudent : les enquêtes d'opinions révèlent surtout que la bataille sera serrée jusqu'au bout. Ces études témoignent en effet de l'évolution du rapport de force national, mais ne renseignent pas sur la tendance dans les "swing states", ces Etats particulièrement indécis et dont le résultat fera pencher la balance dans un sens ou dans l'autre. Rappelons que le camp arrivé en tête se voit attribuer tous les grands électeurs de l'Etat ; les 538 grands électeurs désigneront ensuite le 44ème Président des Etats-Unis. Ainsi en 2000, les 537 voix d'avance de George W. Bush en Floride lui avait permit d'accéder à la maison Blanche, grâce au soutien des 27 grands électeurs qui avaient fait basculer l'élection, alors même qu'Al Gore avait finalement obtenu un total national de voix supérieur à celui de son rival républicain (environ 500 000 voix d'avance). On se dirige aujourd'hui vers un scénario analogue, assez loin des larges écarts qu'on enregistrait dans les années 80 (3). La Floride reste l'épicentre de la bataille électorale, avec cette année l'Ohio (20 grands électeurs). Si Bush ou Kerry sort vainqueur dans ces deux Etats, il sera quasiment assuré d'être élu. Serré par définition, le rapport de force dans ces swing states est difficile à évaluer, encore plus à anticiper. En Floride comme en Ohio, les derniers sondages recensés par le site electoral-vote ne permettent pas de départager les deux candidats, les écarts n'étant statistiquement pas significatifs et les méthodologies utilisées prêtant parfois à discussion. Dès lors, la clé du scrutin se trouve peut-être à nouveau entre les mains de Ralph Nader, candidat indépendant qui mord surtout sur l'électorat démocrate. Si dans l'Ohio, Nader n'a pu obtenir le nombre suffisant de signature pour pouvoir participer au scrutin, une alliance de dernière minute avec le Parti Réformateur de Floride lui permet en revanche de se présenter dans cet Etat. En 2000, il y avait récolté près de 100 000 suffrages.



(1) Enquête Ipsos-AP - 9000 personnes interrogées dans 9 pays du 23 septembre au 2 octobre
(2) Cf. dossier "l'Irak en point de mire", Ipsos.fr : les réactions de l'opinion publique française et internationale aux menaces d'intervention militaire en Irak ; et Guerre en Irak, pour les tendances d'opinion depuis le début des frappes.
(3) De la victoire de George W. Bush en 2000 à celle de John. Kennedy en 1960, les précédents scrutins.
Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

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