Le nouveau clivage des "35 heures"

La cinquième édition de l’Observatoire du monde du travail traduit une sensible amélioration de l’état d’esprit général des salariés français. Plus enclins à qualifier positivement leur situation professionnelle, moins pessimistes qu’à l’automne 1996 dans l’appréciation de leur niveau d’aisance financière, ils sont aussi de moins en moins nombreux à exprimer une crainte pour leur emploi.

La description du climat dans l’entreprise apparaît globalement moins pessimiste. Une majorité de salariés du secteur public - c’est une " première " depuis la création du baromètre - ne pronostique plus aujourd’hui l’éventualité d’un conflit social dans son entreprise. Ils sont désormais 71% à partager ce point de vue au sein du salariat du privé. Cette embellie générale n’efface pas la pluralité des attitudes observées ces derniers mois dans le cadre de l’Observatoire. L’inquiétude reste malgré tout le sentiment dominant pour une majorité de personnes interrogées. Les expressions d’angoisse, les sentiments de révolte, même minoritaires, constituent toujours de sérieux indices des traces laissées par la crise. Dans cette dernière vague de l’année 1997, le constat record établi par les salariés d’une stabilité sur le front des salaires contraste encore plus nettement qu’auparavant avec ce changement de climat. La mobilisation potentielle d’un salarié sur deux en cas de conflit dans l’entreprise vient confirmer l’hétérogénéité du paysage social. Invités à se prononcer sur leur préoccupation majeure entre " salaire ", " maintien de l’emploi " et " temps consacré au travail ", les salariés se répartissent aujourd’hui de manière plus équilibrée qu’en 1996. Le règne des " trois tiers " succède à une première phase où la préservation de l’emploi préoccupait plus de 40% des salariés. En quatorze mois les progressions parallèles du niveau de préoccupation pour la réduction du temps de travail et le pouvoir d’achat ont créé les conditions d’une concurrence nouvelle dans l’esprit de nombreux salariés entre salaire et temps. Cette confrontation se trouve au cœur de l’analyse de la partie thématique de l’enquête Ipsos consacrée à l’impact de la conférence d’octobre, point de départ de la décision gouvernementale sur les 35 heures. Le thème divise profondément aujourd’hui le salariat français. Sur cette question, les indicateurs de préoccupation ou d’intérêt, la place occupée dans les conversations au sein de l’entreprise par ce thème depuis octobre varient considérablement en fonction du secteur d’activité ou de sa taille. La " culture  35 heures " structure et divise en profondeur le monde salarié en fonction de la position hiérarchique, du niveau de rémunération ou plus encore de l’appartenance à telle ou telle génération. Au delà d’un premier réflexe d’adhésion de principe, le projet gouvernemental semble aujourd’hui susciter dans le discours spontané des salariés des sentiments de scepticisme aussi bien sur ses conséquences que sur ses modalités d’application. Ce réflexe de prudence constitue une illustration supplémentaire du pragmatisme et de la volonté de souplesse d’une majorité de salariés sur ce thème. Plus informés et plus sensibles qu’il y a quelques années au thème de la nécessaire adaptation des entreprises à une économie en mutation, les salariés montrent de multiples signes de flexibilité, non pas au sens anglo-saxon du terme, pris du point de vue des intérêts de l’entreprise, mais par rapport à la volonté exprimée de rythme nouveaux dans l’organisation du travail. Le plébiscite en faveur du principe de l’annualisation est à cet égard évocateur. S’ils ont majoritairement l’intuition d’un bénéfice global, notamment en ce qui les conséquences des 35 heures sur leur vie privée, ils anticipent déjà, pour la majorité d’entre eux, sur une charge de travail au moins équivalente et sur ses effets de frein en matière salariale, notamment parmi les cadres. Il n’y pas de ce point de vue consensus sur l’acceptation de cette contrepartie financière en échange d’horaires allégés. Il faut en revanche s’attarder sur la clarté du pronostic fait par les salariés lorsque sera mise en place la loi-cadre sur les 35 heures : deux sur trois pense qu’ils travailleront en moyenne autant qu’aujourd’hui.

Auteur(s)

  • Brice Teinturier, Directeur Général Délégué France, Ipsos
    Brice Teinturier
    Directeur Général Délégué, Ipsos bva (@BriceTeinturier)

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