Le père idéal : maman

Plus impliqués, plus affectueux, plus tendres et même plus disponibles, les pères d'aujourd'hui auraient de plus en plus tendance à se transformer en de vraies mamans. Au vu des résultats de l'enquête Ipsos / Enfant Magazine, il apparaît assez clairement que les parents des jeunes enfants ont le sentiment que la notion de paternité a connu une véritable "révolution" et que les comportements et les attitudes des papas d'aujourd'hui n'ont plus rien à voir avec ceux de leurs propres parents. Ces mêmes pères qui se promènent fièrement avec leur nourrisson en kangourou sur le ventre affirment désormais haut et fort qu'ils savent s'occuper tout seul de leurs enfants, que gérer les terreurs nocturnes du petit dernier est aussi bien leur affaire que celle de leur compagne et que si leur rejeton se blesse dans la cour de la maternelle, on peut compter sur eux pour quitter une réunion de planning et l'emmener tout de suite chez le pédiatre. Qu'en est-il vraiment ? Est-ce à dire que le père idéal serait enfin arrivé ?

Auteur(s)
  • Etienne Mercier Directeur Opinion et Santé - Public Affairs
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De fait, la notion même de paternité et son contenu semblent avoir profondément évolué. Pour autant, tout n'est pas pour le mieux aujourd'hui dans le meilleur des mondes. D'abord parce qu'il existe un décalage certain entre ce que les pères déclarent aujourd'hui faire et ce que les mères ressentent. Ensuite, parce que la plupart des mamans estiment qu'il y a encore un peu de chemin à faire avant que les papas d'aujourd'hui ne se transforment véritablement en "pères idéals".

Au-delà de ce simple constat, qui pourrait nous faire sourire de la forfanterie des hommes, toujours prêts à se vanter d'en faire toujours plus, les résultats de l'enquête génèrent, comme on le verra, certaines interrogations. Et si cette nouvelle répartition des rôles au sein du couple n'était pas aussi une source potentielle d'incompréhension entre des pères qui se cherchent encore dans leur nouveau rôle et des mères qui, parce qu'elles doivent aussi désormais concilier leur vie familiale et leur réussite professionnelle, attendent "toujours plus" de la part de leur conjoint ?

L'avènement de la nouvelle paternité, la révolution est bien en train d'avoir lieu

L'enquête réalisée auprès de 517 parents d'enfants de moins de 7 ans montre qu'en une génération, les pères ont en effet radicalement changé. Et l'on peut effectivement parler d'une révolution, aujourd'hui ressentie par la très grande majorité de la population parentale. De fait, par rapport à la façon dont cela se passait à la maison avec leur père, la très grande majorité des parents de jeunes enfants considèrent que les pères d'aujourd'hui sont plus affectueux (78%), 45% d'entre eux estiment même qu'ils le sont beaucoup plus. Les femmes ressentent ce phénomène presque aussi intensément que les hommes (74% pour les pères et 81% pour les mères). L'image du "pater familias", celui qui incarnait l'autorité et la sévérité, s'étiole aussi fortement. 54% des parents interrogés considèrent que les papas d'aujourd'hui sont moins autoritaires que ne l'étaient leurs propres pères (et 26% qu'ils ne le sont ni plus, ni moins).
Surtout, les choses semblent avoir le plus évolué dans le domaine des tâches quotidiennes et celui de la disponibilité. En effet, les parents de jeunes enfants considèrent massivement que les pères d'aujourd'hui sont plus impliqués dans les tâches quotidiennes (85%). 46% pensent même qu'ils le sont beaucoup plus qu'avant. Ce sentiment est plus ressenti par les hommes (90%) que par les femmes (81%).

La plus grande disponibilité des "nouveaux pères" est aussi très majoritairement ressentie (80%), aussi bien par les plus jeunes (82% des moins de 35 ans) que par les plus âgés (78% des plus de 35 ans), aussi bien au sein des catégories de revenus les plus basses (69% des personnes dont le niveau de revenu mensuel est inférieur à 1143 €) que les plus élevées (84% gagnant 3048 € et plus).
Ainsi, les évolutions comportementales des nouveaux pères (plus affectueux, moins autoritaires, plus impliqués dans les tâches quotidiennes…) sont aujourd'hui majoritairement ressenties au sein de l'ensemble de la population, quels que soient le sexe, l'âge, la catégorie socioprofessionnelle, le niveau de revenu ou encore la localisation géographique.

Des évolutions qui se traduisent dans les faits : les pères disent assumer de nouvelles missions

A la lecture des résultats, on a aujourd'hui le sentiment que Saddy Rebbot, le célèbre "papa poule" des années 80, a fait école. La grande majorité des pères semblent désormais intervenir de façon importante dans des domaines qu'il y a encore peu de temps encore, étaient souvent perçus comme relevant du "domaine réservé" de la mère. Mieux, la très grande majorité d'entre eux affirme assumer ces missions, sans que cela leur pose le moindre problème. Ainsi, la quasi-totalité d'entre eux affirme qu'il leur arrive de s'occuper tout seul des enfants, sans aucune difficulté (94%). Une minorité d'entre eux avoue le faire mais faire tout ce qui est possible pour que la mère le fasse à leur place (5%) ou ne jamais ou presque jamais s'en occuper seuls (1%).
De même, se lever la nuit pour aller rassurer l'enfant qui a fait un cauchemar ou qui fait un peu de température ne semble plus être l'apanage de la mère : 83% des pères de jeunes enfants disent le faire, sans que cela ne leur pose un quelconque problème. Seulement 8% d'entre eux disent le faire mais faire tout ce qu'il peuvent pour pousser la mère à sortir de dessous la couette à leur place tandis que 9% avouent ne pas se lever ou ne le faire que très rarement.
Enfin, quitter son travail pour faire face à un imprévu avec les enfants ne semble plus être ressenti comme une honte ou comme une tare que l'on cache, loin s'en faut. 79% de nos nouveaux pères répondent qu'ils le font et sans aucun problème, tandis que 11% disent le faire mais faire tout ce qu'ils peuvent pour l'éviter et que seulement 7% avouent ne jamais le faire ou presque.

Une situation en partie confirmée par les mères même si elles relativisent fortement les dires des nouveaux pères

Cet état de fait est aujourd'hui en partie confirmé par la grande majorité des mères. La plupart d'entre elles confirment que les pères de leurs enfants s'investissent véritablement dans ces nouvelles missions. Cependant, on note qu'elles ne ressentent pas aussi fortement que les hommes ces évolutions comportementales. Ainsi, 79% d'entre elles affirment que les pères d'aujourd'hui s'occupent des enfants, sans que cela leur pose le moindre problème (alors que 94% des hommes disaient le faire). En revanche, elles sont plus nombreuses à considérer que lorsqu'ils le font, c'est après avoir tenté de l'éviter (10% alors que seulement 5% des pères disaient de même) et même qu'ils ne le font jamais ou presque jamais (10% contre seulement 1% des pères).
Par ailleurs, la majorité des mères interrogées affirment aussi que les pères d'aujourd'hui n'ont pas de problèmes pour faire face à un imprévu avec les enfants, sans que cela pose de souci (60% alors que 79% des hommes affirmaient le faire). Enfin, elles affirment aussi majoritairement que les nouveaux pères se lèvent la nuit pour aller s'occuper de celui qui a fait un cauchemar ou qui fait un petit peu de température. Mais là encore, les mères ont une perception plus contrastée de la situation. En effet, si 83% des pères interrogés disaient sortir sans aucun problème de leur lit pour le faire, seulement 56% d'entre elles confirment les dires des papas. Elles estiment beaucoup plus fréquemment que ces derniers restent toujours ou presque toujours dans leur lit (24% alors que seulement 9% des hommes avouaient ne pas se déplacer) ou que s'ils le font, c'est après avoir tenté tout ce qui était en leur pouvoir pour ne pas y aller (17% alors contre seulement 8% des hommes).

Nul doute donc que les pères de jeunes enfants ont beaucoup changé par rapport à leurs aînés. Ils le ressentent très fortement et l'affirment. La grande majorité des mamans confirment que les papas d'aujourd'hui n'ont plus grand-chose à voir avec les pères qui étaient les leurs. Reste qu'il existe aujourd'hui un fossé entre la façon dont les pères et les mères ressentent la situation actuelle. Si 65% des pères interrogés affirment à la fois s'occuper des enfants, se lever la nuit en cas de cauchemar ou encore quitter leur travail pour faire face à un imprévu et sans que cela leur pose le moindre problème ; en revanche, on note que seulement 37% des femmes estiment qu'ils le font effectivement.
Certes, cette différence de perception s'explique très certainement pour une part, par une tendance des pères à dire et à montrer qu'ils en font autant que les mères dans ce domaine. On crâne un peu et parfois beaucoup. Toutefois, on peut aussi se demander si ces résultats ne s'expliquent pas aussi pour une autre part par les conséquences de cette nouvelle répartition des rôles dans le couple. Une précédente enquête réalisée par Ipsos pour Enfant Magazine en 2002 montrait déjà assez clairement que les parents de jeunes enfants, et notamment les mères considèrent aujourd'hui que leurs vies professionnelles et familiales ont des interactions qu'ils ont du mal à gérer. Leur vie professionnelle les empêche de vivre pleinement leur vie familiale et leur vie familiale est souvent perçue comme un frein à leur épanouissement professionnel.

Dès lors, n'est-il pas compréhensible que les mères expriment aujourd'hui de fortes attentes vis-à-vis de tout ce qui leur permettrait de gérer plus facilement leur vie familiale avec leur vie professionnelle, et plus spécifiquement une plus forte implication des pères dans la gestion de la vie quotidienne des enfants ?
L'enquête montre d'ailleurs que si les mères interrogées considèrent massivement que les nouveaux pères sont aujourd'hui plus disponibles et plus impliqués dans les tâches quotidiennes, dans le même temps, elles estiment que ce qui manque le plus aux pères d'aujourd'hui pour être des "pères idéals", c'est d'abord la disponibilité (65%), et l'implication dans les tâches quotidiennes et ménagères (38%). Dans une moindre mesure, elles attendent d'eux une plus grande capacité à éduquer et à apprendre aux enfants (35%). L'autorité arrive en dernière position (27%).
Peu de mères se targuent de vivre aujourd'hui avec le père idéal en affirmant qu'il ne leur manque aucune de ces prérogatives (seulement 3%).

La personnalité qui représente aujourd'hui le mieux le père idéal : Yannick Noah, devant Zinédine Zidane

Père de quatre enfants, Yannick Noah arrive en première position dans le classement du père idéal (cité par 27% des Français). Ce dernier est aussi bien plébiscité par les plus jeunes (27% des moins de 35 ans) que par les plus âgés (26% des plus de 35 ans) et aussi bien par les femmes (28%) que par les hommes (26%). Au-delà du très fort charisme dont a toujours bénéficié Noah, ces résultats trouvent peut-être une part d'explication dans le fait qu'il s'investit énormément dans des causes humanitaires et plus spécialement dans l'association "Les enfants de la terre" créée en 1988 avec sa mère, qui offre des foyers d'accueil aux enfants en difficulté et dans le fait qu'il participe à diverses actions de "Fête le Mur", association dont il est le parrain, qui met des équipements sportifs à la disposition des jeunes défavorisés. Il est suivi de près par Zinédine Zidane, tout aussi indéboulonnable du cœur des Français que de celui des parents de jeunes enfants, qu'ils soient pères ou mères (24%).
Thomas Hugues arrive en troisième position (12%), devant Johnny Depp (8%), Benjamin Castaldi (7%) et Patrick Bruel (6%). On note que 16% des parents interrogés estiment qu'aucun d'entre eux n'incarne le père idéal. C'est plus particulièrement vrai pour les hommes (22% contre 11% pour les femmes). Est-ce à dire que ces derniers considèrent qu'ils sont celui qui incarne le mieux le père idéal ?

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  • Etienne Mercier Directeur Opinion et Santé - Public Affairs

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