Le temps mobile ou la connexion permanente
Le téléphone portable fait désormais partie de nos vies. Et nous n’avons encore rien vu, comme nous l’explique Christelle Alexandre, co-directrice du département ad’hoc, Ipsos MediaCT.
Quelle est la place du téléphone portable dans nos vies aujourd’hui ?
Christelle Alexandre : Depuis son apparition il y a vingt-cinq ans, les opérateurs de téléphonie mobile bouleverse et continuent à bouleverser le rapport au temps des consommateurs. En premier lieu par leurs offres. Nous sommes passés de solutions avec un temps limité d'appels ou de connexion, à des offres illimitées. Du « temps voix », autrement dit de l’offre basique de communication, soit à la carte soit au forfait, nous nous orientons vers un « temps data » qui permet au possesseur de téléphone portable d’échanger des sms ou des mms, d’avoir accès à ses e-mails, à la TV en direct, à des jeux vidéo, etc. Sur un marché arrivé à maturité - cinq milliards d’abonnés au téléphone portable sur la planète (1) -, l’objectif des opérateurs est d’accroître le business en diversifiant l’usage du mobile. C’est ce « temps data » que l’on a vu s’ouvrir et se développer en France depuis le lancement d’offres en illimités comme les SFR illimythics en 2007 et bien sûr depuis l’avènement de terminaux sophistiqués comme l’iPhone et le BlackBerry.
Du « temps voix » au « temps data »
Qu’est-ce qui caractérise ce « temps data », symbole d’un nouvel âge de la téléphonie mobile ?
CA : La multiplication des usages nous fait entrer dans le temps des technologies omniprésentes (pervasive technology). Auparavant, l’utilisateur passait du temps « connecté » et du temps « déconnecté ». Aujourd’hui, le consommateur, s'il le désire, peut rester connecté en permanence, que ce soit de son domicile, de son lieu de travail, ou à l'extérieur. Par exemple, chez lui, sur son ordinateur, il est connecté avec ses amis sur Facebook. S'il doit se rendre à un rendez-vous, dans les transports, il peut rester connecté sur Facebook via son téléphone portable... Les frontières sont abolies.
Que faites-vous de la vocation première du téléphone portable qui est de téléphoner ?
CA : Il reste fait pour ça. L’attente globale qui perdure au niveau des consommateurs est de pouvoir téléphoner et d’être joint. Ensuite seulement et éventuellement, ils auront recours à d’autres applications comme photographier ou utiliser le GPS, etc. Au-delà, nous constatons l’émergence de profils d’individus qui maîtrisent les technologies, des gens qui ont développé un usage data de leur téléphone. Ils ne sont pas encore majoritaires mais le deviendront un jour. En réalité, pour la plupart des utilisateurs, la technologie n’est pas un vecteur d’adhésion ou de conviction mais clairement un vecteur d’image. Le consommateur peut parler de la 3G sans savoir exactement ce que cela signifie. L’important, c’est aussi de pouvoir se projeter, de rêver.
Vecteur d’image
Ce « temps data » est-il indéfiniment extensible ?
CA : Une des limites claires est l’autonomie du terminal destiné à être utilisé en mobilité. Du côté des opérateurs de téléphonie mobile, la question qu'on se pose est : comment puis-je accroître le temps que mon client passe sur son téléphone portable à faire autre chose que téléphoner ? Du côté du consommateur, particulier ou professionnel, une interrogation subsiste : combien de temps vais-je pouvoir utiliser mon téléphone portable sans être obligé de recharger la batterie ?
Le téléphone mobile a-t-il l’exclusivité de ce « temps data » ?
CA : Il va devoir de plus en plus partager son temps d'usage avec celui d'autres terminaux mobiles et connectés tels que les consoles de jeux vidéo, le livre numérique (e-book) ou encore l'I-pad. Ils arrivent comme un nouvel enjeu pour le téléphone portable.
(1) Source International Telecommunication Union