Le volontariat de solidarité internationale : une expérience plébiscitée

Le Comité de Liaison des ONG de Volontariat (CLONG-Volontariat) a chargé l’Institut Ipsos de réaliser une enquête auprès d’anciens volontaires afin de mieux cerner leur profil, leur perception de la mission qu’ils ont effectuée et les bénéfices qu’ils en ont retirés.

Auteur(s)
  • Stéphane Zumsteeg Directeur du Département Opinion et Recherche Sociale, Public Affairs
  • Amandine Lama Directrice de Clientèle, Département Politique et Opinion, Public Affairs
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Le profil des volontaires au moment du départ: très diplômés, majoritairement insérés dans la vie professionnelle et déjà engagés

Les ex volontaires interrogés dans le cadre de l’enquête sont une population plutôt féminine (59% contre 41% d’hommes) et en majorité trentenaire (seuls 24% des répondants de retour de mission sont âgés de moins de 30 ans et 12% âgés de 40 ans et plus).

Au moment où ils sont partis en mission, plus de 8 répondants sur 10 avaient au moins un niveau Bac+3 (82%). Près d’un sur deux (49%) avait même un niveau grande école, doctorat, DEA, DESS ou Master 2.

 La majorité des répondants exerçait alors une activité professionnelle (58% dont 53% une activité salariée). Seule une minorité était alors chômeurs ou sans profession (13%), étudiants ou lycéens (12%), à la recherche d’un premier emploi (10%) ou à la retraite (3%).

Plus de deux répondants sur trois (69%) étaient également engagés dans au moins une action ou un mouvement. La plupart du temps, il s’agissait d’un engagement associatif (60% des répondants) ou religieux (30%), l’implication dans un mouvement syndical ou politique étant beaucoup plus rare (respectivement 4% et 3%).

Par ailleurs, les volontaires avaient majoritairement déjà effectué un séjour non-touristique à l’étranger, avant leur départ (72%). La moitié de ces volontaires déjà partis à l’étranger hors voyages privés et vacances avait d’ailleurs déjà effectué un séjour à vocation humanitaire tel qu’un volontariat et/ou un chantier de jeunes (49% ; 52% des femmes contre 45% des hommes).

Près d’un sur deux était parti dans un cadre professionnel (45% pour un stage et/ou un emploi). Enfin, 24% étaient partis dans le cadre d’un échange universitaire et/ou linguistique.

Le profil des volontaires est donc atypique par rapport à la structure de la population française dans son ensemble, qu’il s’agisse de leurs caractéristiques sociodémographiques, de leur engagement ou de leur expérience à l’international.

 

Les attentes des candidats au volontariat : découverte et engagement

Les deux principales raisons avancées par les répondants pour expliquer leur choix d’effectuer une mission de volontariat sont la possibilité de découvrir une autre culture, une autre langue (citée par 70% des répondants) et d’exprimer son engagement militant pour la solidarité (58%). Ce dernier item est logiquement davantage cité par les ex volontaires qui ont un profil plus engagé (64% des répondants engagés dans au moins une action ou un mouvement).

Les autres attentes exprimées ne le sont que par une minorité de répondants : acquérir de nouvelles compétences professionnelles (25% ; 31% des répondants au chômage ou sans profession au moment du départ), acquérir une première expérience dans le domaine de la solidarité internationale dans le but d’y faire carrière (18% ; 26% des personnes sans activité professionnelle avant le départ) ou faire une pause, une parenthèse dans sa vie (16% ; 22% des 35-44 ans).

Enfin, seuls 2% des répondants ont effectué ce choix par défaut, parce qu’ils ne savaient pas trop quoi faire ou qu’ils ne trouvaient pas d’emploi.

Les volontaires se caractérisent donc par une véritable volonté de s’engager et font preuve d’une réelle ouverture aux autres. Les motivations plus individuelles et pragmatiques sont beaucoup moins prégnantes.

Des volontaires très satisfaits de leur mission

Pour la quasi-totalité des répondants, le bilan de la mission est positif : 95% d’entre eux s’estiment satisfaits de la mission de volontariat qu’ils ont effectuée (dont 71% « très satisfaits »).

Le niveau de satisfaction est fonction de la durée de la mission : 44% des volontaires partis pour moins d’un an se disent très satisfaits de leur mission, contre 58% de ceux partis entre 12 et 23 mois et 82% pour 24 mois et plus. Ainsi, plus ils partent longtemps, et plus ils se montrent enthousiastes.

D’ailleurs, si 73% des répondants ont le sentiment que la durée de leur mission n’était ni trop courte, ni trop longue, mais « comme il faut », c’est parce qu’ils sont une majorité à être partis 24 mois ou plus. En effet, si 84% des répondants partis 24 mois ou plus jugent la durée de leur mission « comme il faut », seuls 61% de ceux partis 12 à 23 mois et 44% des volontaires partis moins d’un an pensent de même.

Pour que la mission soit pleinement satisfaisante, il faut qu’elle ait duré suffisamment longtemps pour que le volontaire ait eu véritablement le temps de s’adapter.

Si le niveau de satisfaction des volontaires est aussi élevé, c’est parce que la mission a su répondre à leurs attentes. Une majorité d’entre eux souhaitaient avant tout découvrir une autre culture et une autre langue. Ce qu’ils ont préféré dans leur mission est donc logiquement le contact avec la population locale (80% le citent parmi les 3 éléments qu’ils ont préféré lors de leur mission), davantage même que le contact avec les seuls bénéficiaires de l’action (44%). Le contact avec les collègues issus du pays d’accueil est également cité par 34% des répondants. La dimension humaine et les possibilités de rencontres offertes par la mission sont donc essentielles. Elles sont à la fois la première motivation pour partir en mission, et la première source de satisfaction de ceux qui en reviennent.

Ces contacts n’ont été source de déception que pour un petit nombre de volontaires : 10% citent la nature des contacts avec les collègues issus du pays d’accueil parmi les trois choses qui leur ont le plus déplu lors de leur mission, 9% la nature des contacts avec les bénéficiaires de l’action et 6% avec la population locale.

Le contenu de la mission est également plus souvent source de satisfaction que de déception : 36% des répondants le cite comme l’un des trois éléments qui leur ont le plus plu, et 14% parmi ce qui leur a le plus déplu. Les moins de 30 ans sont un peu plus nombreux à en être déçus (21%). Les plus jeunes ont peut-être davantage tendance à idéaliser le contenu de leur mission lorsqu’ils partent. Les tâches qui leur sont confiées sont peut-être aussi moins riches, compte tenu de leur expérience plus limitée que celle de leurs aînés.

La place laissée à l’initiative et à l’autonomie est quant à elle citée par 33% des répondants comme l’une des choses qui leur a le plus plu. Son versant négatif est cependant le sentiment d’isolement et de solitude, que 24% des volontaires retiennent comme un des principaux aspects déplaisants de leur mission. Ce sentiment est là encore plus souvent cité par les moins de 30 ans (30%) mais aussi les volontaires qui sont restés moins d’un an en mission (34%), vraisemblablement car ils n’ont pas vraiment eu le temps de tisser des liens sur place ou parce qu’ils ont moins pris la mesure de ce que pouvait signifier de longs mois passés en mission.

Le dépaysement en tant que tel est cité par 25% des répondants comme une source de satisfaction. L’aspect humain de la découverte d’un autre pays est donc beaucoup plus fort que le dépaysement en lui-même ou les problèmes qu’ils ont pu rencontrer sur place. Ainsi, même si les conditions de vie sont parfois difficiles (11% des répondants les citent comme l’une des 3 choses qui leur ont déplu, et 21% regrettent les problèmes de sécurité), cela n’est pas contraignant au point d’entamer leur large satisfaction.

Les aspects les plus problématiques aux yeux des volontaires lorsqu’ils font le bilan de leur mission sont : le sentiment de ne pas avoir contribué efficacement à l’action (1ère cause d’insatisfaction et avant dernière de satisfaction – seuls 19% des répondants citant « le sentiment d’avoir contribué efficacement à l’action » comme l’une de trois choses qui leur ont le plus plu) et le contact avec d’autres volontaires ou expatriés (2ème cause d’insatisfaction et dernière cause de satisfaction).

Enfin, notons que pour 20% des volontaires, aucun des éléments cités n’a été source de déception. Ces enthousiastes sont sans surprise surreprésentés parmi les personnes « très satisfaites » de leur mission (25%). 

Une mission aux bénéfices multiples

Les répondants s’accordent sur les nombreux bénéfices personnels qu’ils ont pu retirer de leur mission : ils s’estiment majoritairement davantage capables de s’adapter à de nouvelles situations (87%), plus aptes à manager une équipe ou un projet (69%), plus ouverts aux autres (67%), plus responsables (62%), plus sûrs d’eux (57%), davantage sensibles aux problèmes des autres (54%), meilleurs communicants (52%) et moins matérialistes (58%).

Enfin, 45% des répondants s’estiment davantage engagés qu’avant leur départ alors que 49% estiment qu’ils ne le sont « ni plus ni moins » qu’avant. Il n’y a donc pas d’essoufflement de l’engagement au retour de la mission (seuls 6% des répondants s’estiment moins engagés qu’avant), au contraire : à leur retour, 54% des répondants se sont engagés dans au moins une nouvelle action ou un nouveau mouvement, le plus souvent associatif (42%) mais aussi parfois religieux (16%), politique (4%) ou syndical (3%). D’ailleurs, seuls 19% des répondants s’estiment « plus fatalistes » qu’avant leur départ, 28% pensant l’être « moins », et 51% « ni plus ni moins ».

En plus de développer certaines qualités et compétences, la mission a donné à une majorité de volontaires l’envie d’approfondir leurs connaissances sur le pays ou la région où ils ont réalisé leur mission (87% dont 57% « beaucoup »), de voyager (85% dont 58% « beaucoup »), et dans une moindre mesure de s’engager dans le secteur associatif en France (75% dont 36% « beaucoup »), de travailler à l’étranger (72% dont 39% « beaucoup »), de réaliser une nouvelle mission en tant que volontaire (63% dont 27% « beaucoup ») ou encore de privilégier l’achat de produits équitables (61% dont 24% « beaucoup »).

Enfin, près d’un répondant sur deux éprouve davantage l’envie de devenir un professionnel de la solidarité internationale (46% dont 23% « beaucoup »). C’est encore plus le cas pour les répondants dont l’objectif était d’acquérir une première expérience dans le domaine de la solidarité internationale dans le but d’y faire carrière (77%).

En plus d’influer sur les projets d’avenir des ex-volontaires, la mission a modifié leurs perceptions. La mission a surtout impacté leur vision du pays d’accueil (90% dont 72% « beaucoup »), leur perception de la solidarité internationale (88% dont 56% « beaucoup »). Leur propre expérience de l’expatriation et la découverte des conditions de vie dans le pays d’accueil expliquent vraisemblablement que leur perception de la situation des étrangers vivant en France ait également changé (84% dont 52% « beaucoup »).

Cette expérience a également modifié, de manière plus générale, leur manière d’appréhender leurs problèmes quotidiens en France (82% dont 36% « beaucoup ») et leur vision de la France (81% dont 40% « beaucoup »).

Cette mission a enfin modifié l’orientation professionnelle de près d’un répondant sur deux (45% dont 24% « beaucoup »).

 

Les volontaires partagés sur la difficulté du retour

Une courte majorité de répondants considère lorsqu’ils pensent aux mois qui ont suivi leur retour de mission, que leur retour en France a été facile (53%). Parmi eux, seuls 14% jugent qu’il a été très facile et 39% estiment qu’il a été « plutôt facile ».

Les hommes sont plus nombreux que les femmes à estimer que leur retour a été facile (62% contre 47%), tout comme les répondants les plus diplômés (55% des personnes dont le niveau d’étude est supérieur ou égal à Bac+3), les plus âgés (58% des 35 ans et plus, contre seulement 47% des moins de 30 ans) et ceux qui sont déjà insérés dans le monde du travail (54% de ceux qui exerçaient une activité professionnelle salariée au moment du départ, contre 47% des lycéens et étudiants). Le retour est vraisemblablement facilité par le fait d’avoir déjà construit sa vie en France et de pouvoir se réinsérer rapidement dans le monde du travail (facilité par le diplôme et le fait d’avoir déjà travaillé).

Pour 46% des ex volontaires, le retour a au contraire été difficile. Parmi eux, 14% l’ont même jugé « très difficile ». Le retour a été majoritairement difficile pour les femmes (52%), les moins de 30 ans (53%) et les jeunes qui étaient lycéens ou étudiants au moment du départ (53%). Contrairement aux idées reçues, le retour est plus difficile pour les volontaires qui sont parti le moins longtemps (50%) que pour ceux qui sont partis entre 12 et 23 mois (46%) ou 24 mois et plus (45%) : c’est le signe là encore qu’une mission réussie doit pour beaucoup s’inscrire dans le temps.

La façon dont a été vécu le retour est également fonction de la qualité de l’accompagnement dont les volontaires ont bénéficié, avant, pendant et à la fin de leur mission. Les volontaires qui ont bénéficié de mesures de préparation et d’accompagnement vivent en effet généralement mieux leur retour, vraisemblablement parce qu’ils ont aussi mieux vécu leur mission.

C’est la phase de préparation qui semble le plus faire la différence : les volontaires qui ont bénéficié d’une  préparation au contexte culturel, économique et social du pays d’accueil (79% de l’échantillon) ont majoritairement bien vécu leur retour de mission (55% l’ont jugé facile), contrairement à ceux qui n’en ont pas bénéficié (seuls 48% l’ont jugé facile). Ceux qui ont bénéficié d’une préparation psychologique au type de mission effectuée (60% de l’échantillon seulement) ont également jugé le retour plus facile (57% contre 49% de ceux qui n’en ont pas bénéficié).

Le fait d’avoir bénéficié d’une formation pour apprendre la langue locale (25% des répondants seulement) est moins discriminant (55% de ceux qui en ont bénéficié ont jugé leur retour facile, contre 53% des autres). Cette phase de préparation, qui apparaît cruciale, n’est pourtant pas systématique et cela n’est donc pas sans conséquence sur la capacité à bien vivre son retour.

Le niveau d’accompagnement au cours de la mission influe de manière plus modérée sur la facilité du retour : 54% de ceux qui ont bénéficié de points d’étape réguliers sur le déroulement de leur mission (72% de l’échantillon) ont jugé leur retour facile, contre 52% des autres.

Les dispositions prises au retour sont également moins discriminantes : l’essentiel semble donc se jouer au moment de la préparation du départ. Même si les répondants (qu’ils en aient bénéficié ou pas) jugent majoritairement qu’un débriefing en profondeur au retour est « très utile » (55%) et dans une moindre mesure un accompagnement pour faciliter le retour –recherche d’emploi, de logement, formalités administratives… (40% le considèrent « très utile »)-, ces deux types de prestations n’influent que de manière modérée sur la facilité du retour. En effet, 54% des répondants qui ont bénéficié d’un débriefing en profondeur ont jugé le retour facile (contre 52% des autres), tout comme 55% de ceux qui ont bénéficié d’un accompagnement (contre 52% des autres).

D’ailleurs, aux yeux des anciens volontaires, si l’ensemble de ces mesures sont utiles, c’est la préparation au contexte culturel, économique et social du pays d’accueil qui est jugée « très utile » par le plus grand nombre (63%), devant le débriefing en profondeur au retour (55%), la formation pour apprendre la langue locale (48%), les points d’étape réguliers sur le déroulement de la mission (47%). L’accompagnement pour faciliter le retour et la préparation psychologique au type de mission effectuée arrivent en dernier, avec 40% des répondants qui jugent chacune de ces propositions « très utiles ».

Les volontaires et l’Europe

L’Europe et la France ont une meilleure image que les pays occidentaux en général, aux yeux des répondants. En effet, si 75% des répondants ont le sentiment que l’Europe et la France ont une bonne image dans le pays où ils étaient en mission, ils ne sont que 65% à penser de même des pays occidentaux en général.

Si une majorité de volontaires a eu l’occasion de rencontrer ou de travailler avec des volontaires ou des personnels permanents d’autres pays européens (respectivement 58% et 54%), seul un répondant sur trois considère que leur mission leur a donné davantage le sentiment d’être européen (33% dont 11% « tout à fait »). Cette expérience a eu logiquement un impact un peu plus important sur le sentiment européen des répondants qui ont eu l’occasion de rencontrer ou travailler avec des volontaires d’autres pays européens (36%) ou des salariés ou personnels permanents d’autres pays européens (37%). C’est surtout le cas pour la minorité de volontaires qui ont travaillé sur des projets ou programmes européens dans le pays d’accueil (40% d’entre eux ont davantage le sentiment d’être un citoyen européen).

Les anciens volontaires sont assez partagés sur le rôle qui devrait être celui de l’Union Européenne en matière de soutien au volontariat international : une majorité relative souhaite néanmoins qu’elle soutienne en priorité les initiatives des organismes d’envoi dans chacun des pays membres de l’UE (38%); 32% souhaitent qu’elle promeuve avant tout les échanges et la coordination entre les organismes d’envoi des différents pays membres de l’UE (36% de ceux qui ont eu l’occasion de rencontrer ou travailler avec des personnels permanents d’autres pays européens) et 24% souhaitent en priorité la création de nouveaux programmes européens de volontariats, destinés à la coopération avec les pays non-membres de l’UE.

Auteur(s)
  • Stéphane Zumsteeg Directeur du Département Opinion et Recherche Sociale, Public Affairs
  • Amandine Lama Directrice de Clientèle, Département Politique et Opinion, Public Affairs

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