Le Web : vues de profils
Le nombre d’internautes français est passé de 6 millions à près de 34 millions en 10 ans ! Ont-ils pris le pouvoir sur la Toile ?
Manuel Lhoir : La dernière édition de l’étude Profiling d’Ipsos MediaCT montre que six internautes français sur dix sont aujourd’hui des relais actifs et puissants des marques et des annonceurs sur le Web. Ils sont de plus en plus nombreux à endosser le rôle d’émetteur, en laissant, par exemple, une évaluation suite à un achat (35%) ou en informant leurs proches de bons plans trouvés sur Internet (37%). Ces pratiques de "marketing viral" représentent un volume en constante augmentation (+ 10% en 2010 par rapport à l’année précédente). Trois internautes sur quatre consultent ces commentaires et ces évaluations laissés par d’autres, via les canaux traditionnels (sites de e-commerce, comparateurs…) mais plus uniquement : 20% des internautes qui fréquentent les réseaux sociaux y recherchent de l’information sur une marque ou un produit.
Pour s’adresser à eux, mieux vaut les connaître. Est-ce le dessein de Profiling auquel vous faites référence ?
M. L. : L’étude Profiling d’Ipsos MediaCT mesure effectivement chaque année, depuis 1998, le profil détaillé des visiteurs de près de 200 sites et 70 chaînes ou rubriques de portails. Outre une connaissance précise de la population internaute française, l’objectif de l’étude est d’identifier le profil des visiteurs des sites étudiés et d’en suivre les évolutions dans le temps.
A qui spécifiquement s’adresse cette étude ?
M. L. : A différents publics. Aux régies, tout d’abord, qui grâce à Profiling, peuvent optimiser et valoriser leur site sur le marché publicitaire. L’étude permet également aux agences média de sélectionner les sites les plus en affinité avec leurs cibles. Mais au-delà des médias et des pure players, d’ores et déjà clients de l’étude, ces résultats peuvent plus largement intéresser tout annonceur disposant d’un site Internet, quel que soit le secteur (automobile, banques, tourisme, grande conso….).
Pour en revenir à l’influence de l’internaute, est-il ou non favorable aux entreprises et aux marques ?
M. L. : L’internaute est au cœur du média. Il peut constituer un relais puissant pour les annonceurs et leurs marques. D’autant plus puissant que, comme le montre l’étude Profiling, l’internaute s’est massivement mis à l’e-commerce (76% des internautes achètent aujourd’hui sur le Web, soit 26 millions de Français), au partage et à la mobilité. L’internaute veut être connecté avec tout le monde, tout le temps. La fréquentation des réseaux sociaux atteint 54% cette année ! Là, tout peut arriver, le good buzz et le bad buzz. Vous avez le cas de ce fabricant de cadenas pour vélos dont un internaute a montré qu’il pouvait l’ouvrir en quelques secondes avec un simple stylo. Le fabricant, d’abord tenté d’ignorer l’affaire, a finalement été contraint de rembourser les produits défectueux. A l’opposé, et plus récemment, le cas de la publicité des bébés Danone, cinquième vidéo la plus consultée sur YouTube en 2009, et qui a fédéré plusieurs millions d’internautes grâce à un effet boule de neige spectaculaire.
Parmi les internautes, combien présentent un profil d’"e-influenceurs" ?
M. L. : Ils sont de plus en plus nombreux : l’étude Profiling montre que 24% des internautes exercent peu ou prou un tel rôle en 2010. Ils étaient 16% en 2008.
Ces "e-influenceurs" sont-ils plutôt de jeunes Internautes ?
M. L. : Pas forcément. Si l’âge demeure toujours un critère segmentant pour certaines pratiques du Web, avec un clivage important autour de 25 ans, d’autres pratiques tendent à se démocratiser. Nous observons par exemple que l’essor des réseaux sociaux s’opère de manière relativement transversale, sur toutes les classes d’âges. Ce n’est donc plus exclusivement le canal des jeunes, même si ces derniers se distinguent par leur fréquentation plus régulière de ces sites. D’une manière générale ces "e-influenceurs" constituent vraiment une cible de valeur pour l’annonceur. Plus anciens et experts sur le Web, ils sont aussi plus assidus et plus sensibles aux pratiques du e-commerce et de l’e-publicité. Voilà pourquoi nous mesurons ce phénomène de très près. Nos clients ont plus que jamais besoin de comprendre si les visiteurs de leurs sites plébiscitent toutes ces pratiques, et s’ils contribuent de manière active au marketing viral.
Quels outils développez-vous au sein d’Ipsos MediaCT ?
M. L. : Nos dispositifs accompagnent les entreprises dans leur compréhension et leur maîtrise de l’Internet, fixe et mobile. Le MediaCT Hub, par exemple, est une plateforme communautaire mutualisée et exclusivement dédiée à l’univers des média et des nouvelles technologies. Nous y invitons des internautes pour leur soumettre des sujets, des idées, des contenus, et les laisser interagir entre eux. Le but est de bénéficier de cette dynamique de communauté, d’observer la manière dont les messages circulent entre les internautes, afin de mieux comprendre ce qui se dit, de mieux cerner les phénomènes de "e-réputation", etc. Au Royaume-Uni, Ipsos MediaCT teste actuellement de nouvelles applications "survey apps" qui vont accroitre fortement nos moyens sur l’Internet mobile. Et nous pourrons bientôt utiliser de nouveaux outils de mesure passive via notre panel d’internautes, ce qui renforcera sensiblement nos capacités d’observation et de mesure.