Comprendre le vote des Français

L'enquête "veille du vote" réalisée par Ipsos et Sopra Steria pour france•tv et radiofrance précise les raisons de l'abstention, les motivations du vote et le contexte d'opinion dans lequel les électeurs sont allés voter au premier tour des Législatives.

Ipsos | Législatives 2022 | Sondage | Intentions de vote

 

Les raisons de l'abstention

La campagne électorale ? "Inexistante" pour un Français sur deux (49%), "décevante" pour un sur trois (36%). Seuls 15% des électeurs l'auront trouvée "intéressante", peut-être ne faut-il pas chercher plus loin l'explication de l'abstention massive qui aura marqué ce premier tour des élections législatives. Le fait "qu'il n'y a pas eu de campagne électorale" (24% de citations) fait effectivement partie des trois raisons les plus souvent évoquées par les abstentionnistes pour se justifier, avec l'idée que "les candidats ne parlent pas assez des sujets qui les préoccupent" (26%) et "qu'ils ne connaissent pas les candidats qui se présentent dans leur circonscription" (23%). On pointe un peu plus rarement un problème d'offre électorale ("aucun candidat ne correspond à mes idées", 18% de citations) ou d'enjeu ("cette élection n'aura pas d'impact sur ma vie ou sur la situation du pays", 17%, "les jeux sont faits, on sait déjà quel parti aura la majorité à l'Assemblée nationale", 16%, "les candidats qui correspondent à mes idées n'ont aucune chance d'avoir une majorité à l'Assemblée nationale", 16%).

Les motivations du vote

Le pouvoir d'achat

Si plus d'un Français sur deux s'est abstenu, ceux qui sont allés voter ont glissé leur bulletin dans l'urne en pensant surtout à leur pouvoir d'achat. Cette préoccupation aura marqué la séquence électorale 2022, au point d'en éclipser toutes les autres. Le pouvoir d'achat est aujourd'hui désigné par 53% des Français comme l'un des trois enjeux les plus préoccupants par rapport à la situation du pays, quand le système de santé est à 36%, l'environnement à 29%, la délinquance, les retraites ou l'immigration à 22% chacun. Que l'on pense aux salaires, aux impôts, au prix de l'essence ou de l'alimentation, la préoccupation pour le pouvoir d'achat est en tête dans toutes les catégories d'âge, quelle que soit la profession de l'interviewé, des ouvriers jusqu'aux cadres, en ville comme à la campagne, quel que soit le niveau de revenu du foyer. En termes d'affinités politiques, il est resté le sujet n°1 des électeurs des candidats Nupes, Ensemble, LR/UDI ou RN. Il n'y a guère que l'électorat de Reconquête qui place toujours cet enjeu en troisième position, loin derrière leur préoccupation massive pour l'immigration (80% de citations) et la délinquance (60%).

Pour ou contre Emmanuel Macron

Dans un cas sur deux (49%, particulièrement au sein des électorats Ensemble ! et Nupes), les électeurs ont voté "pour désigner qui aura la majorité à l'Assemblée nationale", quand 37% (notamment du côté du RN et de Reconquête) ont avant tout "choisi un candidat qui correspond à leurs idées, même s'il n'a aucune chance de l'emporter", et 14% (35% à droite) "pour soutenir une personnalité locale dont ils se sentaient proche". La volonté de manifester son soutien (25%) ou son opposition (47%) à Emmanuel Macron et au gouvernement a également été très forte. Seuls 28% des électeurs ont répondu à cette question "ni l'un ni l'autre", ils étaient 50% à ne pas trancher en 2017. L'idée des Insoumis qu'au-delà de la Présidentielle, les élections législatives étaient l'occasion de renverser la majorité, a fait son chemin. Les Français sont aujourd'hui très partagés, la moitié (51%) pensant qu'il serait préférable à l'issue des législatives "qu'Emmanuel Macron obtienne une majorité à l'Assemblée nationale et qu'il puisse appliquer sa politique", quand l'autre moitié (49%) juge au contraire préférable "que la gauche obtienne la majorité et que Jean-Luc Mélenchon devienne Premier ministre et applique sa politique".

Le contexte

Un début de quinquennat difficile pour la majorité

Si la démarche de Jean-Luc Mélenchon a trouvé écho dans l'opinion, c'est aussi que le contexte était favorable. La réélection d'Emmanuel Macron s'est faite sans état de grâce, dans la continuité du premier quinquennat. 39% des Français se déclarent "satisfaits de l'action d'Emmanuel Macron depuis qu'il a été réélu Président de la République", mais 61% ne le sont pas. La même question posée à l'occasion du premier tour des Législatives 2017 proposait un rapport de force nettement plus favorable : 58% de satisfaits, pour 42% d'avis contraires. De même, 44% sont "satisfaits du choix d'Élisabeth Borne comme Première ministre" (56% de "pas satisfaits"), quand ils étaient 58% à se déclarer satisfaits du choix d'Édouard Philippe en 2017 (42% d'avis contraires). A peine un tiers (34%) des Français se déclarent enfin "satisfaits de la composition du Gouvernement" (66% d'avis contraires), pour 56% de satisfaits en 2017 (44% d'avis contraires). A chaque fois, le rapport de force par rapport à 2017 s'est inversé.

La défiance à l'égard de l'exécutif s'accompagne d'une vision plutôt sombre de l'avenir. Un Français sur deux (51%) pense "qu'avec l'élection d'Emmanuel Macron comme Président de la République, la situation de la France va se dégrader dans les années qui viennent", pour 34% "qu'elle va s'améliorer" et 32% "ni l'un ni l'autre".

La Nupes souffre d'un déficit de crédibilité

Les jugements sur l'exécutif sont sévères, mais la Nupes et Jean-Luc Mélenchon ne suscitent pas de grand espoir non plus. Près de huit Français sur dix (78%), la quasi-totalité des électeurs du centre, de droite ou de l'extrême droite, 81% des sympathisants PS, 72% des sympathisants EELV et même 39% des proches de la France Insoumise pensent que "la Nupes est un accord de circonstance, qu'il y a des divergences telles entre les partis qu'il ne durera pas après les élections législatives". Le programme et les propositions de la Nupes sont pourtant jugées "souhaitables" par près d'un Français sur deux (47%), dont la quasi-totalité des électeurs Nupes mais aussi plus du tiers (38%) des électeurs de la majorité présidentielle, pour 32% de "pas souhaitables" et 21% qui "ne savent pas".

Mais souvent on n'y croit pas : 60% de ceux qui jugent les propositions de la Nupes souhaitables estiment aussi qu'elles ne sont pas réalistes. Cette critique traverse les différentes composantes de la coalition : 50% de "souhaitables mais pas réalistes" chez les sympathisants socialistes, 43% chez les sympathisants EELV et 25% chez les sympathisants LFI. Au final, l'avenir du pays si Jean-Luc Mélenchon devenait Premier ministre n'apparaît pas franchement plus rose que sous la majorité présidentielle : 56% des Français pensent que la situation de la France se dégraderait, 22% qu'elle s'améliorerait pour 22% "ni l'un ni l'autre", soit les mêmes ordres de grandeur que pour Emmanuel Macron.

Entre le déficit de crédibilité dont souffre la Nupes, le scepticisme par rapport au lancement du quinquennat et les moindres chances des autres candidats, on comprend que de nombreux électeurs soient restés perplexes au moment de choisir pour qui voter : 70% ont arrêté leur choix "ces dernières semaines", pour 30% "dans les derniers jours" (21%) ou "au dernier moment" (9%). Avec deux candidats encore en lice, le choix de second tour sera sans doute plus aisé. Qu'ils aient voté Ensemble, Nupes ou Rassemblement National au premier tour, la grande majorité des électeurs ne souhaitent en tous cas pas de consigne de vote de la part des états-majors, pour les cas où leurs candidats auraient été éliminé.

Législatives 2022 - séparateur

Fiche technique : sondage mené par Ipsos et son partenaire Sopra Steria pour France Télévisions et Radio France du 8 au 11 juin 2022. 3 995 personnes interrogées, constituant un échantillon national représentatif de la population française, inscrite sur les listes électorales, âgée de 18 ans et plus.

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