Législatives : vers un nouveau record d'abstention ?
La douzième vague de l'Enquête Électorale 2022 réalisée par Ipsos et Sopra Steria pour le Cevipof, la fondation Jean Jaurès et Le Monde révèle une étonnante baisse de l'intérêt pour les législatives à l'approche du scrutin. Le potentiel de participation stagne sous les 50% et sans sursaut de dernière minute, le record d'abstention de 2017 pourrait être battu. Si la Nupes et Ensemble ! font nationalement jeu égal dans les intentions de vote premier tour, la majorité présidentielle conserve l'avantage dans la modélisation en sièges.
Désintérêt et faible mobilisation
L'intérêt pour les élections législatives relevé sur notre panel de 10 000 électeurs a baissé de 4 points en deux semaines, passant de 74% sur la mesure réalisée du 16 au 19 mai, à 70% aujourd'hui. A une semaine du scrutin, on s'attend donc à une participation très faible. L'intention d'aller voter se situe dans une fourchette de 44% à 48%, soit un poids moyen à 46%, inférieur à celui mesuré mi-mai (47%) et inférieur également à la participation réelle au premier tour des législatives 2017, qui était tombée pour la première fois de l'histoire de la Ve République sous les 50% (48,7%).
La démobilisation concerne toutes les catégories d'âge jusqu'à 60 ans : 37% de "certains d'aller voter" chez les 18-24 ans, 36% chez les 25-34 ans, 38% chez les 35-49 ans, 42% chez les 50-59 ans. Ce n'est qu’au-delà que l’on dénombre une majorité d'électeurs qui comptent se rendre aux urnes : 55% dans la catégorie 60-69 ans, 65% chez les plus de 70 ans. Ce différentiel par catégorie d'âge se traduit politiquement : 60% des sympathisants LREM-Modem ont l'intention d'aller voter, pour 51% des sympathisants de gauche et 50% des proches du Rassemblement National.
Intentions de vote : Ensemble ! et Nupes au coude à coude
Pour autant, le rapport de force national dans les intentions de vote reste très équilibré entre les candidats d'Ensemble ! (28%) et de la Nupes (27,5%). Ensemble ! est en tête chez les 60-69 ans et plus encore au-delà de 70 ans, quand la Nupes domine dans toutes les catégories d'âge jusqu'à 50 ans.
Troisième à 20% d'intentions de vote, le RN conserve un niveau historiquement haut, proche du score de Marine le Pen à la Présidentielle (23%) et nettement supérieur aux meilleurs scores du RN / FN aux législatives (13,6% en 2012, 13,2% en 2017). Malgré la dynamique Nupes, le RN conserve le leadership au sein des classes populaires, notamment auprès des ouvriers (40% d'intentions de vote RN pour 26% Nupes).
A 11% d'intentions de vote, la droite est en revanche nettement distancée. L'élection pourrait s'avérer très difficile pour les candidats LR / UDI / divers droite, qui pointent en quatrième position y compris sur le sous-ensemble des 135 circonscriptions détenues par la droite. Cette mesure d'intentions de vote est pourtant la première d'Ipsos et Sopra Steria testée sur les candidatures réelles et non plus sur la force politique, mais, en rapport avec le faible intérêt pour le scrutin, on ne constate pas de nette "prime au sortant". De même, une question sur l'impact du parti d'origine du candidat sur le potentiel électoral de la Nupes montre que ceux qui ont l'intention de voter pour le candidat de la coalition de gauche le feront, que ce candidat soit issu d'EELV, du PS, de LFI ou du PC. Là encore, le faible intérêt pour le scrutin limite l'impact du parti d'origine, ne serait-ce que par méconnaissance.
Projection en sièges : la majorité présidentielle conserve l'avantage
A ce stade, la projection en sièges reste un exercice périlleux, à considérer avec prudence tant une variation d'un ou deux points dans les intentions de vote se répercute sur un basculement de plusieurs dizaines de sièges. La situation est d'autant moins stable qu'à une semaine du scrutin, 28% des électeurs certains d'aller voter se réservent le droit de changer d'avis. Ces réserves posées, notre modélisation donne Ensemble ! en tête, dans une fourchette de 275 à 315 sièges : contrairement à ce qui était devenue la norme depuis l'inversion du calendrier électoral, la majorité absolue (289 sièges) n'est pas assurée. Mais la majorité présidentielle bénéficie tout de même d’une certaine marge, liée à sa position centrale sur l'échiquier politique qui lui permet de prendre l'avantage sur la Nupes ou le RN dans les reports de voix 1er / 2nd tour.
Face à elle, la gauche redeviendrait le premier groupe d'opposition, avec la Nupes évaluée dans une fourchette de 160 à 200 sièges, auxquels pourraient s'agréger de 8 à 18 députés Divers Gauche. Le RN (de 20 à 55 sièges) et la droite (de 30 à 55 sièges) pâtissent en revanche du mode de scrutin : sauf à finir dans les deux premiers, avec plus de 50% d'abstention il faut plus de 25% des suffrages exprimés pour se qualifier en triangulaire (12,5% des inscrits). Pour mémoire, il n'y a eu qu'une seule configuration de ce type au second tour en 2017.
Fiche technique : sondage mené par Ipsos et son partenaire Sopra Steria pour le Cevipof, Le Monde et la Fondation Jean Jaurès du 3 au 6 juin 2022 auprès de 10 826 personnes, constituant un échantillon national représentatif de la population française, inscrite sur les listes électorales, âgée de 18 ans et plus.
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