Législatives 2022 : le point à trois semaines du scrutin
Si les coalitions Ensemble et Nupes sont au coude à coude dans les intentions de vote Législatives 2022, la position centrale sur l'échiquier politique de la majorité présidentielle lui permet de bénéficier de meilleurs reports de voix et de rester en tête sur la projection en sièges. La onzième vague de l'Enquête Électorale 2022 réalisée par Ipsos et Sopra Steria pour le Cevipof, la Fondation Jean-Jaurès et Le Monde montre toutefois que la majorité absolue n'est pas évidente et surtout, que les choses peuvent encore beaucoup évoluer en fonction de la mobilisation. A trois semaines du scrutin, l'élection est beaucoup plus ouverte qu'il y a cinq ans.

L'enjeu de la mobilisation
L'arrivée de la coalition Nupes dans l'offre électorale n'a pas pour l'instant renforcé l'intérêt pour les élections législatives. Sur une échelle de 0 à 10, 0 signifiant aucun intérêt pour le scrutin et 10 un intérêt énorme, 74% des électeurs donnent une note entre 7 et 10, ce qui correspond à ce que nous mesurions il y a cinq ans à même échéance du scrutin (73%). Rappelons qu'à l'époque, la participation finale au premier tour des législatives 2017 était tombée pour la première fois de l'histoire de la Ve République sous les 50% (48,7%). A trois semaines du scrutin, le potentiel de participation mesuré dans cette enquête est comparable, dans une fourchette de 45% à 49% pour un poids moyen à 47%.

La mobilisation est donc pour l'instant faible et surtout très inégalement répartie sur l'ensemble des électeurs. L'effet âge est particulièrement net, avec une mobilisation entre les plus jeunes et les plus âgés qui passe du simple au double : 32% dans la tranche 18-24 ans, 34% chez les 25-34 ans, 40% chez les 35-49 ans, 47% chez les 50-59 ans, 57% chez les 60-69 ans, 66% chez plus de 70 ans. Ce différentiel de mobilisation selon l'âge joue en faveur de la majorité sortante, avec 62% d'électeurs certains d'aller voter chez les sympathisants LREM ou Modem, pour 47% chez les sympathisants de gauche. Réduire cet écart de quinze points en mobilisant davantage est un enjeu stratégique pour la gauche, envisageable compte tenu de l'enjeu et du suspens quant à l'issue du scrutin.
Un élection plus ouverte que la précédente
Pour le moment, la majorité présidentielle a la faveur des pronostics : 42% des Français pensent que LREM et ses alliés obtiendront une majorité à l'Assemblée nationale, 35% qu'ils obtiendront une majorité relative et devront gouverner avec l'appui des Républicains, pour 23% qui pronostiquent la victoire de la gauche. Cette victoire de la gauche est néanmoins pronostiquée par 56% de ceux qui ont l'intention de voter pour le candidat de la Nupes : en majorité, ses électeurs y croient. De fait, le rapport de force électoral est très serré, majorité présidentielle ("Ensemble", 28%) et Nupes (27%) abordant la campagne électorale quasiment à égalité dans les intentions de vote. Le score de 28% enregistré en moyenne nationale pour les candidats d'Ensemble confirme l'absence "d'état de grâce" suite à la réélection d'Emmanuel Macron. En 2017, on était passé de 24% des suffrages au premier tour de la Présidentielle à 32% aux législatives, là on reste au même niveau (27,85% des suffrages pour Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle 2022). Si les candidats d'Ensemble bénéficient d'un électorat plus mobilisé que celui de leurs adversaires, le transfert de vote Présidentielle 2022 / Législatives 2022 n'est pas parfait. Près d'un électeur sur cinq (19%) d'Emmanuel Macron au 1er tour de la Présidentielle a l'intention de voter à gauche ou à droite aux législatives, soit une fuite non compensée par des gains dans les électorats de Yannick Jadot, Anne Hidalgo ou Valérie Pécresse, plus importants en proportion (plus de 10% à chaque fois), mais moins importants en nombre (la base est nettement plus étroite). La majorité présidentielle bénéficie tout de même d'un net avantage sur la projection en sièges de ces intentions de vote, lié à sa position centrale sur l'échiquier politique qui lui permet de prendre l'avantage sur la Nupes ou le RN dans les reports de voix 1er / 2nd tour. La simulation propose une fourchette de 290 à 330 sièges pour la coalition Renaissance / Modem / Horizons, pour 165 à 195 sièges à la coalition Nupes, 35 à 65 sièges pour LR/UDI, 20 à 45 pour le Rassemblement National.
Ce rapport de force constitue un point de départ pour trois semaines de campagne électorale mais à ce stade, la majorité absolue (289 sièges) pour la majorité présidentielle, qui constitue la règle depuis que les élections législatives sont organisées dans la foulée de la Présidentielle, n'est pas évidente. D'autant plus que l'alliance Nupes fonctionne plutôt bien. Même s'il en manque pour faire le plein, une large majorité des sympathisants EELV (76%) et PS (61%) adhèrent à l'alliance avec LFI. La Nupes est en tête des intentions de vote dans toutes les catégories d'âge jusqu'à 50 ans et dispose d'une zone de forces au sein des professions intermédiaires. Si Ensemble a l'avantage au sein de l'électorat de plus de 60 ans, plus mobilisé, le rapport de force est relativement équilibré chez les cadres et les 50-60 ans. En plus de la mobilisation des moins de 50 ans, le vote final de ces deux catégories pourrait s'avérer décisif pour faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre. La Nupes pourrait également progresser si elle parvenait à reconquérir une plus grande partie du vote populaire. Pour l'instant ce n'est pas le cas, 40% des ouvriers et 32% des employés ayant l'intention de voter pour le candidat soutenu par le Rassemblement National. L'enquête confirme en effet la tripartition du paysage politique, avec le RN en troisième force à 21% d'intentions de vote. Proche du score de Marine Le Pen au premier tour de la Présidentielle (23%), ce niveau est historiquement haut, de loin supérieur aux meilleurs scores enregistrés pour le RN / FN aux législatives (13,6% en 2012, 13,2% en 2017). La question de la mobilisation de l'électorat RN reste toutefois en suspens, d'autant plus quand dans ce camp on ne croit pas à la victoire. De plus, la règle des 12,5% des inscrits pour se maintenir au 2nd tour - soit plus de 25% des suffrages si la participation est inférieure à 50% - va fortement limiter la possibilité de voir le troisième candidat se qualifier pour un second tour en triangulaire (une seule configuration de ce type en 2017).
Les intentions de vote révèlent enfin l'absence de rebond du côté LR, à 9% d'intentions de vote. Ces intentions de vote ont été réalisées sur étiquette et ne prennent que partiellement en compte le bonus à l'implantation des candidats sortants, mais la droite risque tout de même de voir son nombre de députés divisé par deux. Avec les divers droite, LR et l'UDI ils avaient obtenu 136 sièges en 2017, notre projection les place dans une fourchette de 35 à 65 sièges pour la prochaine mandature.
Début de quinquennat en demi-teinte
La nomination d'Élisabeth Borne au poste de Premier ministre s'accompagne d'une satisfaction mesurée (34%, pour 28% de "mécontents"), et surtout d'une grande indifférence (38%). La réforme des retraites clive fortement l'opinion : 72% d'opposition du côté Nupes, 65% du côté RN pour plus de 90% d'avis favorables, en soi ou parce qu'il faudra bien, du côté de la majorité. Alors que dans le même temps, la majorité (58%) des Français souhaite de l'apaisement, le début du quinquennat ne se passe pas dans l'enthousiasme.
Sur ces trois questions, on relève une convergence de points de vue entre les électeurs de la majorité et les électeurs Républicains, qui, dans la perspective du second tour des législatives, pourrait constituer un atout pour les candidats d'Ensemble en leur permettant de faire la différence et de permettre à la majorité présidentielle de devenir une majorité parlementaire. Cette convergence est en revanche inquiétante pour LR, qui comme le RN pourrait souffrir du manque "d'utilité" du vote, face au match Ensemble / Nupes qui s'est installé.

Fiche technique : sondage mené par Ipsos et son partenaire Sopra Steria pour le Cevipof, Le Monde et la Fondation Jean Jaurès du 16 au 19 mai 2022 auprès de 11247 personnes, constituant un échantillon national représentatif de la population française, inscrite sur les listes électorales, âgée de 18 ans et plus.

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