Législatives : fragile avantage à la droite
L'enquête Ipsos/Vizzavi – Le Point – France 2 – Europe 1 révèle qu'à un mois du premier tour, la droite semble la mieux placée pour remporter les prochaines législatives. Toutefois, le fort niveau de mobilisation mesuré aujourd'hui, les interrogations quant à l'impact des résultats de la présidentielle ou le déroulement de la campagne électorale à venir sont autant de facteurs qui nous incitent à la prudence quant à l'interprétation de ces résultats.
A un mois du scrutin, les résultats de l'enquête Ipsos-Vizzavi laissent entrevoir un fragile avantage à la droite parlementaire pour les prochaines législatives.
En termes d'intentions de vote premier tour, le rapport de force semble pour le moment assez équilibré, entre Gauche unie (39%) et Union pour la Majorité Présidentielle (41%). Cet équilibre relatif ne doit cependant pas masquer la progression de la droite parlementaire par rapport au scrutin de 1997, où UDF,RPR,DL et divers droite n'avaient recueilli que 36,2% des suffrages exprimés.
Les intentions de vote second tour confirment cette tendance favorable à la droite. Celle-ci dominerait dans les duels Gauche-Droite de second tour (53% / 47%), mais aussi en cas de triangulaires Gauche / Droite / Front National. Dans les circonscriptions où les scores de Le Pen et Mégret au premier tour de la présidentielle ont dépassé le seuil permettant à l'extrême droite de se maintenir au second tour, le candidat de la droite est aujourd'hui crédité de 46% d'intentions de vote, contre 40% pour le candidat de la gauche et 14% pour le candidat du Front National.
Les souhaits et les pronostics de victoire sont encore favorables à la droite. La moitié des personnes interrogées souhaitent aujourd'hui la victoire de la droite parlementaire, contre 41% qui souhaitent la victoire de la gauche unie. La même question posée le 5 mai dernier, jour du second tour de la présidentielle, donnaient des résultats plus équilibrés (44% souhaitaient la victoire de la droite contre 41% celle de la gauche). Les pronostics sont encore moins équivoques, puisque à présent, plus d'un électeur sur deux (52%) pensent que la droite emportera les prochaines législatives, contre 30% qui croient en la victoire de la gauche.
Un rejet de la cohabitation assez largement majoritaire (58% des sondés juge aujourd'hui "qu'une nouvelle cohabitation serait une mauvaise chose", contre 35% d'avis contraire) est encore un signal favorable à l'Union pour la Majorité Présidentielle. Tout de même, un tiers des proches de la gauche plurielle pense qu'une nouvelle cohabitation serait plutôt une mauvaise chose ; une minorité des sympathisants de gauche pourrait être alors tenté de voter à droite pour éviter une nouvelle cohabitation.
Outre les intentions de vote, les souhaits et pronostics de victoire, le rejet de la cohabitation, la droite devrait enfin profiter pour le scrutin législatif de la dynamique de victoire de la présidentielle, à laquelle se rajoutera peut-être un effet "Raffarin". La popularité du nouveau Premier ministre plaide en tout cas en ce sens (50% de jugements favorables dans le dernier baromètre de l'action politique Ipsos-Le Point, contre seulement 13% de jugements défavorables, et une majorité de bonnes opinions y compris chez les sympathisants de gauche).
Tous ces signaux favorables à la droite ne doivent toutefois pas laisser penser que l'élection est d'ores et déjà jouée. Son avantage est réel, mais toujours fragile. D'abord parce que l'on est à quatre semaines du scrutin. La dernière présidentielle a montré combien les choses pouvaient évoluer significativement jusqu'au tout dernier moment. Aujourd'hui, 41% des personnes ayant exprimé une intention de vote premier tour déclarent pouvoir encore changer d'avis, soit exactement la même proportion d'indécis que celle mesurée un mois avant le premier tour de la présidentielle.
Le niveau de mobilisation est lui aussi facteur d'interrogations quant à l'issue du scrutin, eu-égard le nombre de triangulaires à venir. On relève aujourd'hui un taux de "certains d'aller voter" aux législatives de neuf points supérieur à celui mesuré un mois avant la présidentielle (84% contre 75%). Or le nombre de circonscriptions où le Front national pourra se maintenir en juin prochain est étroitement lié au niveau de participation. Celui-ci était particulièrement faible en 1997 (68,5%). Si la participation progresse de 4 ou 5 points en juin, les candidats du Front national pourraient se maintenir dans le même nombre de circonscriptions, même avec un score inférieur à celui de 1997. Le score de Jean-Marie Le Pen au 1er tour de l’élection présidentielle accroît le nombre potentiel de triangulaires, le leader du Front National ayant obtenu 12,5 des voix par rapport aux inscrits dans près de 250 circonscriptions le 21 avril 2002. Même si dans notre enquête, les intentions de vote législatives en faveur des candidats du Front national semblent en recul par rapport au score de Jean-Marie Le Pen au 1er tour de l’élection présidentielle (12% contre 17%), il est à souligner que l’électorat frontiste se mobilise traditionnellement dans les derniers jours précédent le scrutin.
L'impact de la fragilité "post-électorale" de Jacques Chirac est également difficile à mesurer. En terme de popularité tout du moins, le chef de l'Etat est une des seules personnalités de droite à ne pas profiter significativement de la dynamique de victoire (cf. notre dernier baromètre politique). La détermination de l'électorat du Front National contre Jacques Chirac, suite à la campagne sans équivoque menée par le président de la République dans l'entre-deux tours de la présidentielle, est également incertaine. De même la mobilisation de la gauche échaudée par les résultats de la présidentielle, et des jeunes, qui s'étaient massivement abstenus en 1997 (40% d'abstention chez les 18-24 et les 25-34 ans), pourraient limiter la progression de la droite. Autant d'inconnues qui joueront forcément leur rôle dans l'équation finale.