Les 15-30 ans face aux nouveaux enjeux collectifs

Le monde de 2014 fait face à de nombreuses mutations : crise des ressources énergétiques, avancées à grands pas de la société numérique, nouveaux modèles économiques, ouverture internationale… Comment se positionne la jeune génération face à ces mutations ? Les jeunes d’aujourd’hui ont-ils conscience de ces enjeux ? Sont-ils bien préparés à ces défis ?

Dans le cadre de l’Observatoire Jeunes Attitudes*, mené fin 2013 dans 4 pays-clés (France, Allemagne, Etats-Unis, Chine), Ipsos a décrypté pour l’Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) les valeurs des moins de trente ans et leur relation aux différentes problématiques « collectives » : engagement politique et associatif, comportements en matière d’environnement, pratiques collaboratives, etc. Il en ressort que l’engagement traditionnel n’a plus la cote auprès des jeunes aujourd’hui, mais que de nouveaux comportements sont en train d’émerger qui mettent au centre de la vie des jeunes le concept fondamental de « réseau ». Ce concept apparaît ainsi comme un levier-clé pour mobiliser la jeunesse dans les années qui viennent.

La crise des formes traditionnelles d’engagement chez les jeunes

La majorité des jeunes d’aujourd’hui ont tendance à rejeter la notion d’engagement collectif, en particulier sous ses formes traditionnelles.

L’engagement politique est le moins prisé. Un des résultats frappants de l’étude réside, en effet, dans la très faible sympathie témoignée à l’égard des acteurs politiques. Ainsi, seulement 26% des jeunes interrogés disent avoir du « respect » pour les hommes politiques. Sur une liste de 22 institutions ou acteurs de la vie civique et sociale, les hommes politiques arrivent en dernière position en recueillant la plus mauvaise note de confiance. Cette distance exprimée à l’égard du personnel politique traduit une véritable crise de l’engagement collectif. Le nombre de jeunes respectant les hommes politiques est faible dans tous les pays occidentaux (28% en Allemagne, 21% aux États-Unis, 11% en France) et en-dessous de la moyenne en Chine (44%). A noter : les syndicats ou le gouvernement suscitent très peu de confiance de la part des jeunes qui, dans tous les pays, les relèguent tout en bas du classement.

Derrière cette crise de confiance, il y a une crise des vocations. Les pratiques traditionnelles d’engagement collectif (associations, syndicats, partis politiques) attirent peu : 19% des Français, 33% des Allemands et 42% des Américains déclarent avoir au moins une pratique d’engagement. La principale activité « engagée » consiste dans l’investissement associatif : 16% des jeunes le font en France, 23% en Allemagne et 34% aux États-Unis. En revanche, syndicats et partis politiques séduisent moins d’un jeune sur dix.

Parmi ceux qui se sont impliqués dans la vie politique, sociale ou humanitaire au cours des douze derniers mois, signer des pétitions s’impose comme la première activité pratiquée, mais elle ne rassemble que 26% des personnes interrogées. La deuxième forme d’engagement réside dans l’aide aux personnes en difficulté (25%) et la troisième dans le don d’argent à des associations humanitaires (16%). Malgré leur fréquentation intense de la toile, seulement 12% participent à des discussions politiques sur internet. De manière générale, les démarches les plus pratiquées se caractérisent par un investissement en temps limité, et par une dimension avant tout sociale ou caritative, alors que les démarches de type politique sont partout marginales.

L’émergence des pratiques en réseau : la société du « co »

En fait, les moins de trente ans ont des formes d’engagement différentes de celles des générations précédentes. Ils sont en effet déjà fortement impliqués dans les nouvelles pratiques « co » qui consistent à se mettre directement en contact de particulier à particulier pour acheter, vendre, louer, échanger, etc.

Quand on dresse l’inventaire des valeurs et des aspirations plébiscitées au sein de cette génération, se détache en haut de la hiérarchie l’importance du réseau de relations sociales. C’est un des traits les plus marquants de cette génération. Malgré leur niveau relativement élevé de méfiance envers une partie des acteurs clés des sociétés contemporaines, 65% des moins de 30 ans disent aimer « rencontrer de nouvelles personnes ». C’est sans doute la conséquence de deux faits importants. Le premier réside dans l’importance des réseaux sociaux au sein de cette génération (91% d’entre eux les fréquentent). Le second découle justement de leur manque de confiance envers les autorités traditionnelles. Rencontrer de nouvelles personnes, c’est se créer de nouveaux contacts avec des pairs, certes inconnus, mais qui échappent à la logique des hiérarchies traditionnelles. L’étude confirme d’ailleurs l’importance prise par les pratiques dites « collaboratives » auprès des moins de 30 ans (covoiturage, colocation, achat et échange de biens d’occasion, etc.).

C’est aujourd’hui devenu pour eux une façon banale d’effectuer des transactions. L’achat et la vente d’objets d’occasion concerne ainsi une majorité d’entre eux. Les pratiques en plein développement concernent le covoiturage, l’achat groupé, le troc, la rémunération de petits services entre eux, la colocation. Certaines pratiques sont encore émergentes ; on peut citer notamment la location, le crowdfunding, le recours à des AMAP ou l’usage des vélos ou des automobiles en libre-service.

L’environnement : des jeunes bien informés mais qui manquent de pratique

En ce qui concerne l’environnement, le niveau d’information des moins de trente ans est correct mais perfectible. Si l’expression « développement durable » bénéficie d’un taux de notoriété assistée importante (84%), seule une minorité a une idée précise de ce qu’elle recoupe dans la réalité (31%). La plupart se sentent informés sur les pratiques à avoir en matière de respect de l’environnement, mais ils se disent « plutôt bien informés » et non « très bien informés ». L’âge auquel ils ont acquis des connaissances se situe entre 15 et 18 ans pour la plupart : c’est au lycée que la connaissance et l’information se transmettent. Les sources privilégiées d’information sur les problèmes environnementaux sont l’école (49%), la télévision (45%) et les parents (40%).

En termes de pratiques, les jeunes ont conscience qu’ils pourraient en faire beaucoup plus. Leur niveau de contribution personnelle à la préservation de l’environnement mesuré à travers une note est médiocre (inférieure à 6 en moyenne). Leur pratique des éco-gestes s’apparente au dilettantisme : beaucoup le font, mais la plupart admettent qu’ils pourraient le faire un peu, voire beaucoup plus.

Quels sont les éco-gestes les plus pratiqués ? Il s’agit en premier lieu des économies à domicile : machine à laver pleine, éteindre la lumière, chauffage, eau… En revanche, des activités telles que l’achat de produits respectueux de l’environnement, les douches rapides, ou l’utilisation de produits autres que jetables, sont peu pratiquées. Les plus vertueux sont les Européens tandis que les Chinois sont très à la traîne. A noter que les motivations des éco-gestes sont surtout liées à un principe d’économie ou d’habitude, les considérations éthiques viennent seulement après.

Génération « Réseau »

Au vu des résultats, on peut baptiser cette nouvelle génération de « génération Réseau » en raison non seulement de sa fréquentation assidue des réseaux sociaux, mais également de son mode de pensée de plus en plus influencé par les pratiques de réseau. L’enseignement le plus frappant de l’enquête réside dans sa désaffection à l’égard des formes traditionnelles d’engagement collectif. En revanche, de nombreuses pratiques semblent avoir pris le relais des anciennes et, même si elles ne sont pas revendiquées comme « engagées » ou « collectives », il n’en reste pas moins qu’elles traduisent de nouvelles formes d’implication dans la vie sociale.


Fiche technique :

Enquête réalisée en ligne en novembre 2013 dans 4 pays (France, Allemagne, Etats-Unis, Chine), auprès de 4 000 individus âgés de 15 à 30 ans nationalement représentatifs.

Société