Les « climato-sceptiques »
Rappelez-vous : en 2007, le prix Nobel de la paix était décerné à Al Gore et au GIEC* et le Grenelle de l’environnement recevait un écho médiatique sans précédent. La première décennie du XXIème siècle semblait s’achever sur un acquis solide : la cause environnementale était définitivement passée du stade de la conviction militante à celui du consensus généralisé des opinions, des gouvernements et des scientifiques. La seconde décennie qui s’ouvre cette année verra-t-elle une remise en cause de ce consensus ?
La parution de plusieurs livres critiques au cours des derniers mois, le succès de L’imposture climatique de Claude Allègre et la multiplication des tribunes des « écolo-sceptiques » dans les médias, obligent en tout cas à se poser la question. La dernière enquête réalisée par Ipsos Marketing pour Marketing Magazine, auprès d’un échantillon représentatif de 500 personnes interrogées on-line, dresse un premier bilan. En reprenant certaines questions déjà posées en décembre 2007, cette enquête permet d’évaluer l’impact sur l’opinion des controverses actuelles. Les Français sont-ils devenus « climato-sceptiques » ? Se sentent-ils toujours concernés par l’impact de leur consommation sur l’environnement ? Sont-ils mieux informés qu’en 2007 ?
La menace demeure, mais elle est plus lointaine
Première observation : la réalité du réchauffement climatique continue à ne pas faire de doute pour l’écrasante majorité des personnes interrogées. L’incroyance climatique progresse, cependant. En 2007, 2% de l’échantillon déclarait ne pas croire au réchauffement climatique. Ils sont 7% en mars 2010. En fait, l’évolution la plus marquante entre 2007 et 2010 concerne la perception des effets du réchauffement sur la vie quotidienne. Pour une proportion croissante de Français, l’impact est réel, mais il s’éloigne dans le temps. Ainsi, en 2007, 73% d’entre eux pensaient que le réchauffement climatique avait déjà des conséquences visibles aujourd’hui (fonte des glaces, hausse des températures, hausse du niveau de la mer, ….). Ils ne sont plus que 60% en 2010, soit une baisse de 13 points en seulement deux ans ! Ils sont désormais plus nombreux à penser que le réchauffement aura des conséquences « dans les 50 prochaines années » (+3 points), « dans les 100 prochaines années » (+3) ou « dans beaucoup plus longtemps » (+3). Il y a donc bien ce que l’on pourrait désigner comme un relâchement de la tension qui pèse sur l’environnement. A souligner : cette prise de distance est plus marquée chez les hommes et chez les plus seniors.
L’information progresse, mais elle reste insuffisante
Dans le bilan qu’il faut dresser aujourd’hui, il y a également la question cruciale de l’information « verte ». Les Français se sentent-ils mieux informés qu’en 2007 sur l’impact des produits qu’ils consomment sur l’environnement (émissions de gaz à effet de serre lors du transport, quantité de déchets rejetés, capacité à être recyclé,…) ? Globalement, la réponse est oui. Certaines catégories enregistrent une hausse sensible. C’est le cas, par exemple, des produits technologiques. 44% se sentent « suffisamment informés » contre 36% en 2007. Idem pour les produits textiles où l’on note une augmentation de 9 points. Mais l’évolution n’est pas aussi forte pour les autres secteurs. Comme en 2007, il n’y a guère que dans le secteur automobile où les Français sont une majorité à se dire bien informés (56%). Encore faut-il souligner que ce chiffre ne progresse plus en 2010. Marque de désintérêt ? Impact du scepticisme naissant ? Pas vraiment, car le nombre de ceux qui déclarent ne pas être intéressés par ce type d’information ne progresse pas. Et la pression reste forte sur les entreprises. A la question de savoir si les entreprises aujourd’hui s’investissent suffisamment en faveur de l’environnement, le jugement est sans appel : seulement 11% des Français considèrent qu’elles font « juste comme il faut ». En revanche, 54% d’entre eux considèrent qu’elles ne font « plutôt pas assez » et 34% « vraiment pas assez ». Les écolo-sceptiques n’ont pas encore gagné leur combat…
*Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat.