Les deux-tiers des Français apprécient le bilan de Jospin

Au terme de deux années à l'hôtel Matignon, Lionel Jospin demeure exceptionnellement populaire. Mais son bilan, largement jugé "plutôt positif" dans l'enquête Ipsos-le Point, ne déclenche pas l'enthousiasme.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
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Deux ans est rarement le bel âge pour un Premier ministre. L'hôtel Matignon étant le lieu de décision le plus épuisant de la République, son locataire est généralement la cible d'une flopée de critiques après vingt-quatre mois d'exercice du pouvoir. L'impopularité en est la conséquence obligée. Comme Jacques Chaban-Delmas il y a une trentaine d'années, Lionel Jospin échappe à cette fatalité.

C'est hissé sur des records d'approbation publique qu'il souffle ses deux bougies comme chef du gouvernement de la France. L'enquête Ipsos-le Point est révélatrice de l'ampleur, mais aussi des limites, du phénomène. Le résultat essentiel est certes que les deux-tiers de ses compatriotes tirent, au stade actuel, un bilan positif de son action. Mieux encore, le camp de satisfaits se gonfle de six points par rapport à l'année dernière. Le cru Jospin vieillit bien.

Mais un examen attentif des chiffres montre que les Français ne l'applaudissent pas à tout rompre. Seulement 4% des personnes interrogées trouvent le bilan jospinien "très positif". Dans l'électorat de la majorité lui-même, les "jospinolâtres" ne sont pas légion: pas plus de 11% des sympathisants communistes, 9% des socialistes et 4% des écologistes" donnent un mention très bien au Premier ministre.

A l'opposé, seulement 6% des sondés jugent le bilan de Jospin "très négatif". L'opinion largement dominante (61%) choisit la réponse "plutôt positif". C'est gentil mais prudent. Toujours est-il que cette mansuétude pour le chef du gouvernement déborde très largement sur l'électorat de droite. Une majorité absolue de sympathisants UDF (58%) mais aussi RPR (57%) déclare son bilan globalement positif. De quoi donner quelques soucis aux dirigeants de l'opposition qui tirent à boulets rouges sur le "socialisme" au pouvoir. On trouve même une forte minorité de proches du FN pour considérer Jospin avec complaisance.

Les qualités de son image personnelle, qui ont survécu aux diverses péripéties traversées en deux ans, sont pour beaucoup dans cette enviable popularité. Honnêteté, détermination et courage: tel est le triptyque de l'aura jospinienne, à droite comme à gauche. Les deux principaux reproches qui lui sont faits renvoient plutôt à son rapport à la société. Les personnes interrogées le trouvent d'abord "distant" après ne l'avoir guère estimé "à l'écoute". Jospin est-il aussi en phase avec les réalités sociales qu'on le souhaiterait ? Il est ensuite jugé "triste". Au-delà de son style de comportement, c'est peut-être le manque de projet et l'absence de discours d'espoir qui est ici pointé par les sondés. Michel Rocard se vantait naguère d'être un "briseur de rêve". L'actuel Premier ministre réalise pleinement ce projet.

D'où une faveur publique qui manque de ferveur. Jospin s'attire la sympathie populaire mais il ne galvanise pas les foules. Son image est plus appréciée que son action. Mais c'est sans doute précisément ce mélange de retenue et de prudence qui lui épargne les critiques qui portent et qui lui vaut cette popularité un peu molle mais durable. Jusqu'à présent.

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  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

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