Les embarras de Paris font le jeu de l'alternance
Les difficultés de la vie dans la capitale, mises en lumière par l'enquête Ipsos-le Point, créent l'attente d'un nouveau maire qui soit aussi un homme de terrain. Aucune personnalité ne correspond à ce profil idéal, même si la gauche semble bien placée pour tirer profit de la situation désespérée de Jean Tibéri.
La vie à Paris est rude et il sera difficile d'élire un bon maire dans la capitale en 2001. Tel est le double constat pessimiste qui s'impose à la lecture des résultats de l'enquête réalisée par Ipsos pour le Point sur la vie - politique ou non - dans la Ville Lumière.
Les Parisiens ont beau être enviés et jalousés ici et là, leur perception de leurs propres conditions de vie est plutôt sombre. Résider dans la capitale est de moins en moins agréable, considèrent-ils en majorité. Pis encore, cette dégradation de la qualité de vie à Paris est censée se poursuivre à l'avenir, selon une majorité de sondés. Le mouvement de perte de population qui affecte la capitale n'est que la traduction de ce profond mal-être. Un tiers seulement des Parisiens interrogés affirment vouloir rester, coûte que coûte, dans la capitale. Un cinquième aimerait la quitter au plus vite, le reste envisageant simplement cette possibilité de fuite. La puissance du fantasme du départ se lit également dans la destination éventuelle d'un abandon de la capitale. Ce serait pour aller loin, très loin, en province ou même à l'étranger, et certainement pas en banlieue parisienne... Le projet d'attirer sa famille ou ses proches à Paris ne séduit qu'un sondé sur deux.
La capitale ne manque pourtant pas d'atouts. Ses trois points forts sont les commerces, la culture et la santé. Paris concentre, sur ces plans, ce qui se fait de mieux en France. Mais ces avantages sont visiblement contrebalancés par une kyrielle d'inconvénients. Sur la plupart des problèmes de vie quotidienne, les Parisiens n'accordent qu'une note moyenne aux prestations offertes par la capitale. Les défauts les plus criants tournent autour des multiples pollutions (atmosphériques et sonores) et des transports (circulation et stationnement). Paris n'en finit pas de souffrir de s'être soumise au célèbre précepte pompidolien selon lequel "la ville doit s'adapter à la voiture". Pollution, circulation, sécurité: telles sont les priorités des habitants pour la prochaine municipalité.
Qui pourrait bien faire figure de "maire idéal" de cette cité maudite en 2001 ? Non seulement, aux yeux des Parisiens, aucune des personnalités dont le nom est actuellement cité ne s'impose, mais les qualités requises lui donnent des allures de mouton à cinq pattes.
Les Parisiens sont certes peu regardants sur les critères de sexe et d'appartenance politique. Peu importe que le futur maire soit un homme ou une femme, de droite ou de gauche, pourvu qu'il s'attache aux problèmes de la cité. Deux critères partiellement contradictoires semblent leur tenir particulièrement à cœur : le futur maître de Paris devrait être, à la fois, un "homme de terrain" et "une personnalité nouvelle qui n'est pas encore élue à Paris". Si l'on ajoute que l'expérience n'est pas superflue, on se demande comment une seule et même personne pourrait remplir ces trois critères... Une chose apparaît certaine: les Parisiens n'ont guère envie de se voir coiffés d'une "personnalité nationale de premier plan" qui se servirait de l'hôtel de ville comme d'un tremplin de carrière.
Avec un telle équation, tous les postulants actuels - déclarés ou supposés - font pâle figure. Le cas le plus désespéré est celui de Jean Tibéri. Le maire sortant, qui n'est assurément pas une "personnalité nouvelle", est rejeté par plus de huit sondés sur dix. Son bilan et sa décision de se représenter sont sévèrement jugés. Son challenger socialiste Bertrand Delanoé, en dépit d'un réel travail de terrain, suscite moins de réactions hostiles mais n'est pas plus soutenu par l'opinion parisienne qui ne le connaît guère.
Les fameuses personnalités d'envergure nationale n'obtiennent pas de résultat très encourageant. Même le populaire Jack Lang n'est considéré comme un maire de Paris idéal que par un tiers des personnes interrogées. Dominique Strauss-Kahn arrive en tête de ce hit-parade, mais sans gloire. Son solde d'opinions est négatif de 18 points. Le ministre de l'Economie, qui n'est pas spécialement perçu comme un "homme de terrain", ne séduit même pas une majorité d'électeurs de gauche. Par contraste, l'élue RPR Françoise de Pannafieu est la seule personnalité à ne pas mobiliser une majorité absolue contre elle. Son solde négatif n'est que de 10 points.
Seul problème: l'électorat de droite lui préfère largement Alain Madelin, Philippe Séguin ou encore Edouard Balladur et, de toutes manières, les Parisiens ont plutôt envie d'élire un maire de gauche. Ils souhaitent actuellement une victoire de la majorité nationale dans la capitale avec un écart de dix points. Leur pronostic est encore plus favorable à la gauche. La ville de Jacques Chirac n'est décidément plus ce qu'elle était. Mais son futur visage reste un épais mystère.