Les Européens jugent la philanthropie importante et surtout efficace pour bâtir un monde meilleur

A l’occasion de la Cité de la Réussite, organisée cette année autour du thème de l’engagement, HSBC a souhaité brosser un état des lieux de l’opinion à l’égard de la philanthropie et en a confié l’étude à Ipsos.La philanthropie est-elle jugée importante face aux enjeux actuels ? Les dons sont-ils jugés efficaces pour faire avancer les causes que l’on soutient ? Quelles causes les Européens souhaitent-ils soutenir en priorité ? Les établissements bancaires peuvent-ils jouer un rôle dans une démarche philanthropique ?Pour répondre à ces questions, Ipsos a interrogé un échantillon de 5007 personnes, représentatives des populations âgées de 18 ans et plus dans cinq pays européens (France, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Espagne).

Auteur(s)
  • Stéphane Zumsteeg Directeur du Département Opinion et Recherche Sociale, Public Affairs
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L’efficacité et la légitimité de la philanthropie ne font aujourd’hui aucun doute dans l’esprit des personnes interrogées

Aux yeux d’une large majorité de Français, la philanthropie est aujourd’hui un acte légitime et significatif : en effet, 70% d’entre eux déclarent que la philanthropie est importante, voire essentielle pour faire face aux enjeux du monde actuel.

Ce point de vue est partagé dans l’ensemble de l’Europe : la majorité des répondants estiment qu’en faisant un don, ils peuvent contribuer à rendre le monde meilleur :
74% des britanniques, 71% des italiens, 67% des allemands et 63% des Français, les Espagnols (59%) étant seuls en-dessous de la moyenne des cinq pays (qui s’établit à 62% de réponses positives).
Certaines franges de la population se montrent particulièrement convaincues du rôle essentiel que peut aujourd’hui jouer la philanthropie face aux enjeux actuels : c’est le cas des femmes de moins de 35 ans (un tiers estiment que la philanthropie est essentielle) et des 18-24 ans (35%, contre 26% en moyenne), qui comme le montrent les résultats de cette étude, sont particulièrement enthousiastes à l’égard de la philanthropie.

Corolaire de l’importance accordée à la philanthropie, l’utilité des dons ne fait aucun doute pour une majorité de Français (57%).
Ceci est encore plus vrai chez les femmes de moins de 35 ans et 25-34 ans pour qui « même s’il n’y a pas de concertation collective, les gestes que l’on peut faire chacun individuellement sont vraiment utiles pour construire un monde meilleur », (pour 71 % d’entre eux, respectivement).

L’utilité des dons ne fait pas légion dans le reste de l’Europe

L’avis est relativement partagé au Royaume-Uni (50%, contre 46% d’un avis opposé) et en Allemagne (49%, tandis que 48% estiment que les gestes individuels hors du cadre d’une concertation collective sont dérisoires).
En Espagne et en Italie, c’est l’opinion opposée qui prédomine : une majorité d’Italiens (43%, contre 42%) et plus encore, d’Espagnols (49%, contre 43% d’un avis contraire) estiment que « sans véritable concertation collective, les gestes que l’on peut faire chacun individuellement sont plutôt dérisoires pour construire un monde meilleur ».

Les dons faits par les citoyens sont complémentaires de l’action publique pour 64 % des français interrogés

Cet avis est partagé par la plupart des européens, avec une exception espagnole notable. Une majorité d’Allemands (67%), d’Italiens (57%) et de Britanniques (56%) adhère à l’idée de cette complémentarité. En revanche, seuls 39% des Espagnols sont du même avis. Peut-être la prudence des répondants espagnols à l’égard de la philanthropie s’explique-t-elle en partie par le fait que la fiscalité liée aux dons y soit moins avantageuse, et donc moins incitative, que dans les autres pays investigués.1

Donner, un acte moral et altruiste ?

Donner n’est pas considéré comme un acte moral et citoyen différenciateur en France, puisque seul 51 % des français interrogés le considèrent comme tel. Les espagnols sont en ligne avec cet avis (50%).

56% des Européens, considèrent en revanche que le don est un acte moral et citoyen. Ce point de vue est largement partagé en Italie (77%) et en Allemagne (66%) ainsi qu’au Royaume-Uni (56%)

Une majorité de donateurs semble ne tirer aucune fierté personnelle de son geste : en effet, seuls 40% des Français affirment qu’ils ont le sentiment d’être un exemple pour leur entourage lorsqu’ils font un don pour soutenir une cause, 58% affirmant le contraire.
Le rejet de l’idée selon laquelle l’acte de donner conférerait un pouvoir d’exemplarité est particulièrement fort parmi les managers et cadres (72% affirment ne pas avoir le sentiment d’être un exemple pour leur entourage).
Seuls 10% des français affirment que donner leur confère le sentiment d’avoir un certain pouvoir politique, contre 90% d’un avis opposé, dont 73% qui ne sont « pas du tout » de cet avis.

La philanthropie n’est vraiment pas un « investissement » comme les autres. En effet, pour près des deux tiers des personnes interrogées (63%), c’est la cause défendue qui prime, seuls 35% des Français prêtant plutôt attention aux résultats obtenus par les différentes associations qu’ils envisagent de soutenir (une exception les personnes envisageant de faire un don à des associations promouvant l’accès à une éducation de qualité pour tous font figure d’exception. 43% d’entre elles déclarant qu’elles feraient leur choix sur la base des résultats obtenus).   
L’attention portée à la cause défendue est plus forte encore parmi les personnes ayant des revenus élevés (71%).

Invités à désigner les grandes causes pour lesquelles ils auraient le plus envie de faire un don, l’ensemble des Européens citent en premier la santé et la recherche médicale (48%), devant l’aide aux personnes défavorisées dans leur pays (43%) ainsi que l’action humanitaire et l’aide aux pays pauvres (40%). L’accès à une éducation de qualité pour tous (21%) et la protection de l’environnement (20%) viennent ensuite, la création culturelle et la protection du patrimoine culturelle se plaçant en dernière position, avec 5% des citations.

On relève toutefois de nettes disparités selon le pays et la catégorie socioprofessionnelle des répondants.

  • En France, la cause la plus mobilisatrice est sans conteste la santé et la recherche médicale (67%), ce qui ne paraît guère surprenant au vu des records de dons enregistrés chaque année à l’occasion du Téléthon. L’aide aux personnes défavorisées en France (42%) et l’action humanitaire et l’aide aux pays pauvres (37%) viennent ensuite. Près d’un Français sur quatre cite la protection de l’environnement (24%), l’accès à une éducation de qualité pour tous venant ensuite avec 18% des citations, loin devant la création culturelle et la protection du patrimoine culturel, qui ne recueillent que 5% des citations.
  • En Grande-Bretagne et en Italie, la santé arrive en tête des citations, mais l’action humanitaire et l’aide aux pays pauvres occupent la deuxième place, devant l’aide aux personnes défavorisées au sein de son propre pays.
  • Les Espagnols se montrent quant à eux plus désireux de soutenir en priorité l’action humanitaire (53%), davantage que la santé et la recherche médicale (46%) ou que l’aide aux personnes défavorisées en Espagne (38%).
  • Enfin, les Allemands font figure d’exception, en plaçant l’accès à une éducation de qualité pour tous (37%) au second rang des causes qu’ils souhaitent soutenir en priorité et à égalité avec l’action humanitaire et l’aide aux pays pauvres, derrière l’aide aux personnes défavorisées en Allemagne (56%).

Dans l’ensemble de ces pays, exception faite de l’Espagne, on observe de manière logique un niveau de préoccupation au sujet de la protection de l’environnement particulièrement marqué chez les managers et les cadres : par exemple, 33% des cadres Français souhaiteraient en priorité soutenir la protection de l’environnement, la moyenne française s’établissant à 24%. 
De même, les retraités et les personnes âgées de 65 ans et plus se montrent particulièrement soucieux de soutenir la recherche médicale.

L’acte de donner suscite surtout le sentiment de pouvoir aider à bâtir un monde meilleur (65% l’affirment), mais aussi, simplement, de faire son devoir (68%). Ce dernier sentiment est particulièrement prégnant parmi les personnes âgées de 65 ans et plus (77%).
Au total, aux yeux des Français, l’acte de donner permet à la fois de mener une action utile et de se sentir utile à l’ensemble de ses concitoyens.

La crainte d’une mauvaise utilisation du don serait le motif principal qui viendrait tempérer l’envie de donner, bien plus que l’aspect financier.

75% des Français déclarent que selon eux, la principale explication du fait que les gens donnent généralement peu ou pas du tout réside dans le fait qu’ils ne sont pas certains que leur don sera bien utilisé. Cette crainte est particulièrement élevée parmi les retraités (78%) et les femmes de plus de 35 ans (80%). Peut-être faut-il y voir les réminiscences de scandales tels que celui qui avait éclaté au milieu des années 1990, autour du fonctionnement de l’Association de Recherche contre le Cancer (ARC), son président Jacques Crozemarie affectant la majeure partie des dons à des frais de fonctionnement interne et de publicité, et non pas à la recherche médicale.

Parmi les autres freins au don, les Français citent leur coût (10%, et même 18% des managers et des cadres), le fait de ne pas savoir quelle association choisir (8%, mais 13% des cadres et même 14% des hommes âgés de moins de 35 ans), et l’incertitude quant à la réelle utilité de leur don (5%).

Si la sincérité des grands philanthropes ne paraît pas évidente aux yeux de la majorité, l’efficacité de leur action est unanimement saluée

Alors que les médias se font fréquemment l’écho des dons colossaux faits par des personnes célèbres ou fortunées à des grandes œuvres et à des associations, Ipsos et HSBC ont souhaité connaître l’opinion des Européens à l’égard de ces grands philanthropes.

Au travers de ces dons, les grands philanthropes font « leur devoir, compte tenu de leur fortune »

Les sommes importantes dont les grands philanthropes font don à des associations ou à des œuvres n’impressionnent guère : 61% des Européens estiment qu’au travers de ces dons, les grands philanthropes ne font que « leur devoir, compte tenu de leur fortune », et le font « avant tout comme une opération de communication pour améliorer leur image » (77%).

Au final, la question de la sincérité des grands philanthropes divise l’opinion publique européenne en deux : seuls 48% pensent qu’ils sont sincères, tandis que 48% ont le sentiment opposé.

  • Les Espagnols font preuve de sévérité à l’encontre des grands philanthropes, puisque seuls 23% d’entre eux pensent que ces derniers sont sincères.
  • A l’opposé, les cadres se montrent plus bienveillants : 55% d’entre eux pensent que les grands philanthropes sont sincères.

L’efficacité et l’utilité des dons des grands philanthropes sont unanimement reconnues et saluées par le grand public.

En effet, 84% des Français déclarent qu’à leurs yeux, les grands philanthropes contribuent certainement (31%) ou probablement (53%) à faire avancer significativement, par leurs dons, les causes qu’ils soutiennent.

On observe par ailleurs que, logiquement, les dons les plus médiatisés sont les plus fréquemment associés à la grande philanthropie dans l’esprit des Français. Ainsi, lorsqu’on leur demande quel type d’œuvre reçoit selon eux la plus grande part des dons des grands philanthropes, 65% des Français désignent les œuvres caritatives, largement devant les musées ou les associations pour la création et la sauvegarde artistique (14%) et les organisations de protection de l’environnement (11%).

Seules 11% des personnes interrogées ont désigné les organisations de protection de l’environnement comme principales récipiendaires des dons issus de la grande philanthropie. Ce chiffre aurait certainement été plus élevé si les Français s’étaient vus poser la même question à l’automne dernier, à l’heure du Grenelle de l’Environnement et des nombreuses interventions publiques d’Al Gore.

Chaque don, même minime, contribue à faire avancer les causes qu’ils soutiennent : aucun don n’est insignifiant.

Si les français reconnaissent unanimement l’efficacité des dons des grands philanthropes, 68% affirment que c’est l’addition des dons de citoyens comme eux qui représente la plus importante part de la philanthropie, tandis que 23% pensent que c’est l’ensemble des dons des célébrités qui pèse le plus.

Les banques pourraient jouer un rôle d’accompagnement dans la démarche philanthropique des Français, à condition que leur rôle soit précisément défini

Enfin, Ipsos et HSBC ont souhaité comprendre la manière dont les Français appréhendent les liens existants –ou potentiels- entre philanthropie, fiscalité et banque.

Des mesures fiscales plus avantageuses seraient semble-t-il susceptibles d’accroître le montant des dons enregistrés chaque année en France,

Ces dons s’élevaient à 2,6 milliards d’euros en 2006.2

59% des Français déclarent que des mesures fiscales plus avantageuses pourraient les inciter à donner davantage à des associations ou à des œuvres. Les moins de 35 ans (69%) et les personnes ayant un niveau de revenu modeste (62%) se montrent particulièrement séduits par cette idée, tandis que le degré d’intérêt des personnes ayant un niveau de revenu supérieur est similaire à la moyenne des Français (58% pourraient être incités à donner davantage).

Ces chiffres soulèvent une interrogation : les Français savent-ils que des dispositions fiscales avantageuses visant à favoriser le don existent déjà ? Il convient en effet de rappeler que depuis la loi de 2003, les particuliers peuvent bénéficier de déductions fiscales pouvant atteindre 66% de leurs dons. Or, le Centre d’étude et de recherche sur la philanthropie (CerPhi) révèle que moins d’un Français sur dix connaît avec une relative précision les contours des dispositions fiscales déjà mises en œuvre pour inciter au don. Les personnes qui connaissent assez bien les dispositions fiscales existantes appartenant le plus souvent aux catégories socioprofessionnelles supérieures, il est fort probable que le Français moyen ne connait pas la teneur de ces mesures.  Plus encore que des mesures fiscales, une meilleure information à ce sujet paraît indispensable pour inciter les Français à faire des dons.

Interrogés au sujet du rôle que pourrait jouer leur établissement bancaire dans une démarche philanthropique, les Français se montrent plutôt favorables à un tel accompagnement, mais à condition que le rôle de la banque soit précisément défini.
La banque ne saurait en effet intervenir lors du choix de l’association ou de la cause bénéficiaire du don : 75% des Français ne le souhaitent pas, dont 58% « pas du tout ». Ce rejet massif indique que le choix d’une œuvre ou d’une association est considéré comme un choix personnel, qui ne doit pas échapper à la sphère privée. Aussi toute intervention de l’établissement bancaire dans ce domaine serait vécue comme une immixtion dans la sphère privée.

En revanche, un Français sur deux (51%) serait favorable à ce que sa banque l’accompagne dans sa démarche philanthropique en prodiguant des conseils fiscaux et opérationnels. La demande est particulièrement forte parmi les 18-24 ans (67% y seraient favorables) et les femmes de moins de 35 ans (61%).

1Fondation de France, « Dons et fiscalité », avril 2007.
2CerPhi, « La générosité des Français » volume 12, novembre 2007

Auteur(s)
  • Stéphane Zumsteeg Directeur du Département Opinion et Recherche Sociale, Public Affairs

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