Les Français et la fiscalité locale
L'enquête réalisée par Ipsos pour la Gazette des Communes et l'Association des Petites Villes de France, à l'occasion des 10èmes assises de association qui se dérouleront à Cancale les 5 et 6 octobre, montre que, si les Français ont conscience que la fiscalité locale a augmenté ces dernières années, ils n'en tiennent pas rigueur à la municipalité, jugeant majoritairement que l'argent public est bien utilisé. A gauche comme à droite, ils sont même une majorité à penser que la municipalité doit plutôt améliorer les services offerts à la population que diminuer les impôts.
Hausse des impôts locaux : les Français indulgents…
Le niveau des impôts et des taxes est aujourd'hui l'une des principales préoccupations des Français après le chômage, l'insécurité et la pauvreté mais avant l'immigration, la santé, l'éducation ou la menace contre l'environnement.
Malgré les nombreuses déclarations gouvernementales sur le thème de la baisse de l'impôt sur les revenus, les Français ont aujourd'hui le sentiment que la pression fiscale a plutôt tendance à augmenter, ce que ne dément pas par ailleurs l'évolution du niveau des prélèvements obligatoires depuis 2002.
Dans ce contexte, le fait que 80% des Français aient le sentiment que leurs impôts locaux ont augmentés ces dernières années, dont 37% « beaucoup augmentés », ne devrait pas être de nature à rassurer les Maires à 18 mois des élections municipales, et ceci d'autant plus que cette perception est partagée quelle que soit la taille de la commune ou la sympathie partisane de l'interviewé.
Pourtant, une majorité des personnes interrogées (56%) déclare que les impôts locaux ne joueront pas un rôle important dans leur choix de vote lors des prochaines élections municipales. A l'inverse, ils ne sont que 11% à considérer que le niveau de la fiscalité sera déterminant pour leur vote. Là encore, il est intéressant de noter qu'il n'y a pas de différence de perception entre les sympathisants de gauche et de droite.
Cet apparent paradoxe s'explique par le fait que près de six Français sur dix (58% contre 38%) estiment que l'argent public est aujourd'hui bien utilisé par les élus locaux.
Il est vrai qu'il est plus facile pour les citoyens de se rendre compte au quotidien de l'utilisation de leurs impôts au niveau local que national. Cette "indulgence" de la population s'explique également par la bonne image dont bénéficient les Maires, contrairement au climat de défiance à l'égard du reste de la classe politique. Dans le même registre, 55% des Français souhaitent que leur municipalité privilégie au cours des prochaines l'amélioration des services offerts à la population plutôt que la diminution des impôts locaux
On notera toutefois que les sympathisants du FN et les Français qui ont le sentiment que la fiscalité locale a beaucoup progressée ces dernières années se montrent majoritairement critiques sur l'utilisation de l'argent public.
… mais jusqu'à quand ?
Pour autant, il serait hasardeux pour les Maires de considérer que la question du niveau de la fiscalité locale ne deviendra pas un problème dans les années qui viennent. Plusieurs éléments de cette enquête tendent au contraire à prouver que l'opinion pourrait basculer sur ce sujet malgré la "popularité" des Maires.
Ainsi, il convient de noter que la proportion de Français qui considère que l'argent public est mal utilisé par leurs élus locaux est passée de 33 à 38 % en cinq ans.
De même, le fait que tout de même 41% des personnes interrogées souhaitent que la diminution des impôts soit l'objectif principal de leur municipalité est loin d'être négligeable.
Plus gênant pour les élus locaux, les Français n'ont absolument pas conscience de la crise des finances publiques locales. La baisse des dotations provenant de l'Etat, les coûts liés aux nouvelles compétences des communes et les conséquences futures de la réforme du plafonnement de la taxe professionnelle sont des éléments qui restent relativement méconnus.
Ainsi, une majorité des personnes qui ont le sentiment que leurs impôts ont augmentés considère que cette évolution est avant tout due à une augmentation des dépenses (51%) plutôt qu'à une baisse des recettes provenant ou décidées par l'Etat (36%).
Le mode de calcul des impôts locaux apparaît également comme un autre élément de fragilité.
Les Français sont en effet très partagés sur le caractère clair et juste du mode de calcul de leurs impôts locaux. Une courte majorité estime même que celui-ci n'est ni clair (47% contre 45%), ni juste (45% contre 43%).
Réforme de la taxe d'habitation : pas de rejet à priori
Peu convaincus par son mode de calcul actuel, une large majorité des Français (60% contre 34%) est favorable à une réforme du mode de calcul de la taxe d'habitation qui consisterait à lier en partie son montant à celui des revenus.
Logiquement, le niveau d'approbation de cette réforme est fortement corrélé au niveau de revenus des personnes interrogées. Ainsi, le niveau d'approbation est de 70% dans les foyers les plus modestes mais devient minoritaire (48% contre 50%) dans les foyers qui gagnent plus de 3000 € net par mois.
Il convient de considérer ce résultat comme une approbation du principe de lier taxe d'habitation et niveau de revenus. Une telle réforme risquerait de soulever davantage d'opposition une fois connu le détail du nouveau mode de calcul.