Les Français et la microfinance
Oxus a souhaité réaliser une enquête sur le sujet de la microfinance et du microcrédit : les Français en ont-ils entendu parler ? Savent-ils de quoi il s’agit ? Comment perçoivent-ils ce système ? Souhaitent-ils qu’il se développe en France ? Seraient-ils prêts à faire un don à un organisme de microcrédit ? Autant de questions qu’Ipsos a posées à un échantillon représentatif de Français âgés de 16 ans et plus, interrogés du 9 au 13 avril dernier.
Le microcrédit est beaucoup plus connu que la microfinance
C’est le premier enseignement majeur de l’enquête : le microcrédit bénéficie d’une notoriété nettement plus élevée que la microfinance, et dans l’esprit de nombreuses personnes, les deux notions se confondent.
Ainsi, lorsqu’on demande aux Français s’ils ont déjà entendu parler de microfinance, moins d’un Français sur deux répond par l’affirmative (42%) et 7% savent précisément de quoi il s’agit. Si les hommes et les personnes plus âgées sont un peu plus nombreux à en avoir entendu parler, la connaissance en profondeur de cette notion n’est guère plus répandue chez ces derniers, signe que le concept demeure assez flou pour les Français.
En revanche, lorsqu’on leur demande s’ils ont déjà entendu parler de microcrédit, les réponses sont beaucoup plus tranchées : c’est le cas de 71% des interviewés, dont 22% qui indiquent savoir précisément de quoi il s’agit. Contrairement à la microfinance, on n’observe pas de différence selon l’âge des interviewés : le microcrédit est connu, au moins de nom, dans des proportions importantes aussi bien par les plus âgés que par les plus jeunes.
En fait, il semble que la microfinance soit essentiellement connue à travers le prisme du microcrédit : ainsi, avant même qu’on ne leur ait parlé de microcrédit, 29% des interviewés le mentionnent spontanément pour qualifier la microfinance, en évoquant des « prêts de petites sommes », le financement de « petits projets » ou des « crédits à taux réduits », « de courte durée » ou avec de « petits remboursements ». Les notions d’aide et de solidarité (16%) ou d’entreprises et d’activités professionnelles (13%) sont évoquées par une proportion nettement moindre de Français, nombreux étant ceux qui ne citent que des termes vagues comme « de la finance à petite échelle ».
Elément significatif s’il en est du lien opéré dans l’esprit des Français entre microfinance et microcrédit, les personnes qui déclarent être les plus au fait de ce qu’est réellement la microfinance sont encore plus nombreuses à évoquer spontanément le microcrédit (51%) à son propos, même si elles parlent également dans des proportions importantes d’aide et de solidarité (43%) et d’activités professionnelles (34%).
Microfinance et microcrédit bénéficient d’une image positive dans l’opinion, même si les Français pointent quelques limites et dangers
Invités à qualifier la microfinance au regard de ses objectifs de lutte contre la pauvreté et l’exclusion dans le monde, les Français mentionnent davantage de réponses positives (72%) que négatives (65%). C’est notamment une solution jugée innovante (41%), séduisante (32%) et efficace (34%). Toutefois, près d’un Français sur deux indique également qu’il s’agit d’une solution limitée (47%), voire dangereuse pour un tiers de la population. En fait, il semble que l’efficacité de la microfinance soit assez largement reconnue, mais que les Français estiment que cela ne suffit pas et que cette solution soulève aussi quelques interrogations.
Ce constat se retrouve dans les jugements détaillés à l’égard du microcrédit : les principes fondateurs sont largement approuvés, mais les arguments contre cette solution ne sont pas pour autant évincés. Ainsi, 70% des français considèrent que le microcrédit responsabilise ses bénéficiaires en leur donnant les moyens de subvenir eux-mêmes à leurs besoins et 62% indiquent qu’il permet aux personnes les plus démunies de sortir de la pauvreté. Mais dans le même temps, ils sont assez partagés sur les effets de ce système, 50% estimant que c’est une solution dangereuse car elle consiste à prêter de l’argent à des personnes non solvables et 46% indiquant que ce type de crédit applique des taux d’intérêt trop élevés. Notons que les personnes de plus de 45 ans plébiscitent davantage les arguments positifs, tandis que les plus jeunes semblent un peu plus réceptifs aux arguments négatifs.
Toutefois, les personnes qui ont entendu parler de microfinance ou de microcrédit se montrent nettement plus enclines que la moyenne à plébisciter la microfinance et celles qui déclarent savoir précisément de quoi il s’agit sont encore plus dithyrambiques : la majorité (58%) salue l’efficacité de cette solution, et les arguments positifs recueillent des niveaux d’adhésion élevés. A l’inverse, les personnes n’ayant jamais entendu parler de microfinance ou de microcrédit sont plus nombreuses à insister sur le caractère dangereux de ces dispositifs, peut-être en raison de l’image négative qui entoure les notions de « finance » et de « crédit » dans l’esprit du grand public. Ainsi, plus on en sait sur la microfinance, plus on en a une bonne image.
Un système que l’opinion souhaiterait voir se développer en France
Près de trois Français sur quatre (72%) pensent que le microcrédit devrait se développer également à destination des personnes pauvres, exclues socialement ou sans emploi vivant en France, dont 20% qui en sont «tout à fait » convaincus. Les personnes ayant entendu parler de ce système sont encore plus nombreuses à souhaiter son extension.
L’octroi de microcrédits est perçu comme d’autant plus nécessaire que deux Français sur trois (64%) estiment qu’il leur serait difficile d’obtenir un crédit pour développer ou créer une activité en France. C’est encore plus le cas des employés (69%) et des ouvriers (71%). Ces chiffres montrent à quel point l’accès au crédit paraît difficile aux Français dans leur ensemble, alors même qu’ils ne sont pas tous dans des situations de grande précarité.
Signe enfin que le microcrédit est une solution qui séduit les Français, 40% indiquent que si demain ils devaient faire un geste pour aider les populations pauvres, ils préfèreraient prêter une somme d’argent à un organisme proposant des microcrédits aux personnes les plus démunies qu’à un organisme luttant directement contre la précarité des plus pauvres. Logiquement, cette dernière catégorie d’organisme est majoritairement préférée (60%) mais dans des proportions assez mesurées. Notons que les réponses des personnes qui ont entendu parler de microfinance penchent d’ailleurs davantage en faveur des organismes proposant des microcrédits, signe que plus l’on connaît ce système, plus l’on est prêt à le soutenir.
Corollaire de cet état d’esprit bienveillant, un Français sur cinq serait prêt à donner ou prêter de l’argent à un organisme de microcrédit, une proportion qui s’élève à 29% parmi ceux qui connaissent ce système. Les personnes de plus de 45 ans ainsi que les catégories sociales aisées sont également un peu plus nombreuses à envisager un tel don.
Toutefois, les dons des particuliers ne seraient constituer la seule source de financement de la microfinance aux yeux des Français : ces derniers estiment qu’outre le Grand Public (22%), le secteur public (58%) mais aussi privé (43%) doivent également participer.