Les Français et la sortie de crise

En partenariat avec CGI Depuis septembre 2008, les Européens et notamment les Français ont subi de plein fouet les répercussions d’une crise économique qui est venue d’abord bouleverser la hiérarchie des préoccupations : les questions économiques sont désormais en tête des thèmes sur lesquels il est crucial d’agir. On voit l’opinion publique française basculer de plus en plus dans le pessimisme et le repli. Au-delà des décryptages des conséquences de la situation économique sur l’opinion et du regard que portent les Européens sur son évolution, se pose désormais la question de la sortie de crise.

Auteur(s)
  • Etienne Mercier Directeur Opinion et Santé - Public Affairs
  • Amandine Lama Directrice de Clientèle, Département Politique et Opinion, Public Affairs
Get in touch

Toutefois, il est difficile d’appréhender les mécanismes qui amènent les individus à accepter ou à refuser certaines pistes de réforme sans disposer d’un panorama exhaustif de leur situation économique personnelle et des conséquences de la crise sur leurs modes de consommation. Ipsos/CGI et Publicis ont donc souhaité mettre en place un dispositif de très grande envergure, à la fois macro et micro économique. C’est toute l’originalité de cette enquête diligentée dans six pays emblématiques de l’Union Européenne auprès d’un échantillon de 6198 personnes (France, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, Espagne et Pologne).

I – Les Français sont aujourd’hui gagnés par le doute quant à l’impact possible de réformes à venir sur la situation économique…

Les Français estiment que la crise va s’aggraver en France au cours de l’année 2013 (85%). Dans ce contexte, les Français ne semblent plus croire aux vertus de la réforme. Pour plus d’un Français sur deux, la gravité même de la crise nous empêche de faire des réformes sous peine d’aggraver la situation économique et sociale de chacun (52%). Seul un tiers estime que la crise nous permettra de rebondir en nous obligeant à faire les réformes indispensables (33%).

Les Français considèrent dans leur grande majorité que si sortie de crise il y a, le pays n’en émergera pas pour autant renforcé (26%) mais plutôt affaibli (74%).

II – …parce que les Français ont le sentiment que la quasi-totalité des acteurs de la société ont perdu le contrôle de la situation

La société française semble taraudée par le sentiment que plus grand monde n’a vraiment le contrôle de ce qui se passe. Seuls quatre Français sur dix ont désormais le sentiment d’avoir le pouvoir de décider de la manière dont se déroule leur vie (40%). Pour eux, le politique est par ailleurs incapable de proposer des solutions constructives face à la crise, que ce soit le gouvernement (78%), l’opposition (75%) ou encore les syndicats (79%). Aucun de ces acteurs n’est vraiment jugé capable de proposer des pistes permettant au pays de s’en sortir.

L’Union européenne est considérée comme l’acteur le moins capable de proposer des mesures constructives face à la crise (79%). Surtout, les Français sont désormais très partagés sur l’intérêt de l’appartenance à cette dernière : 55% estiment qu’il s’agit d’un atout contre 45% qui la considèrent comme un handicap. Les catégories de revenus les plus fragiles (revenu mensuel net du foyer intérieur à 1250€) et les classes moyennes (revenu mensuel net du foyer entre 1251€ et 2000€) sont majoritairement critiques (53% et 51% d’entre eux considèrent que l’appartenance à l’Union Européenne est un handicap).

III – Dans ce contexte, l’entreprise émerge comme l’un des seuls acteurs perçu comme susceptible d’agir sur la situation

Les PME sont les seuls acteurs dont les Français considèrent majoritairement qu’elles proposent aujourd’hui des solutions constructives face à la crise (53%), très loin d’ailleurs devant les grandes entreprises dont les nombreuses défaillances économiques les ont probablement fortement marqués (26%). Fin 2012, le baromètre de la confiance politique du CEVIPOF mesurait déjà une progression historique de la confiance des Français dans les entreprises privées (+11 points) et une inversion de tendance sur ce que devait être l’attitude de l’Etat. Ainsi, 53% des Français estiment désormais que l’Etat devrait faire confiance aux entreprises et leur donner plus de libertés.

Face au problème de la dette publique, les entreprises sont de plus en plus perçues comme susceptibles d’assurer des missions de service public. Les Français ne considèrent pas cette mesure comme souhaitable (77%) mais ils estiment qu’elle est toutefois nécessaire (62%). Pour les Français, la capacité du gouvernement à financer leur modèle baisse et le rôle de l’entreprise est appelé à se renforcer. Le surcroit potentiel de confiance en direction des entreprises ne se fait en revanche pas sans condition : en ces temps de crise, les Français attendent avant tout des entreprises qu’elles sauvegardent les emplois de leurs salariés (36%), avant même qu’elles baissent les prix de leurs produits (20%).

IV – Les Français sont prêts à accepter un certain nombre de réformes économiques et sociales pour sortir plus rapidement de la crise économique

Les Français ne se montrent pas rétifs à toute proposition de réforme, loin de là. Ainsi, 75% des Français se disent prêts à accepter que les prestations sociales tiennent davantage compte du niveau de revenu. Un actif sur deux se dit prêt à renoncer à trois ou quatre jours de congés dans l’année (51%) mais aussi à partir un ou deux ans plus tard à la retraite (52%), même si les employés et ouvriers sont majoritairement opposés à ces deux pistes de réforme. Si la crainte du chômage a pour conséquence de pousser la plupart des actifs à accepter de se former pour changer de métier (69%), en revanche seulement un sur quatre accepterait de déménager plus souvent pour changer de poste ou d’emploi (28%).  Toutes les réformes ayant un impact direct sur le pouvoir d’achat font quant à elles l’objet d’un rejet massif, que ce soit une augmentation de 10% des impôts (mesure rejetée par 86% des Français) ou une baisse de 10% des revenus (87%).

V – En 2013, les consommateurs prévoient de nouvelles coupes drastiques sur de très nombreux postes de dépense 

Les Français estiment majoritairement que la crise les a obligés à réduire leur consommation (80%). De plus, une majorité d’entre eux envisage déjà de nouvelles diminutions du montant de leurs achats dans la quasi-totalité des domaines de consommation. Seul un poste de dépenses échappe à ces prévisions les plus pessimistes et reste le plus souvent stable (pour 76% des individus) : l’alimentation.

VI – Consommer différemment, une autre façon de reprendre le contrôle ?

Avec la crise, les Français gaspillent moins (91%). Pour faire face et continuer de consommer, ils sont désormais obligés de recourir à de nouveaux modes de consommation. Ils expriment aussi de nouvelles attentes qui leur permettent surtout de tenter de reprendre en partie le contrôle de leur consommation. Ainsi, la très grande majorité des consommateurs avoue faire davantage attention à l’origine des produits consommés (72%) et prendre garde à l’impact de leur consommation sur l’environnement (72%).

L’achat de particulier à particulier, le plus souvent par internet, se globalise à l’ensemble des types de produits. Plus d’un Français sur deux déclare désormais avoir déjà acheté de particulier à particulier ou souhaiter le faire pour des livres, des CD ou des DVD (56%). Mais surtout, le potentiel du réseau PAP est désormais également très dans de nombreux autres domaines.

Auteur(s)
  • Etienne Mercier Directeur Opinion et Santé - Public Affairs
  • Amandine Lama Directrice de Clientèle, Département Politique et Opinion, Public Affairs

Société