Les Français face au cancer

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  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
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Place du cancer dans les préoccupations des Français

Cancer : tabou

Prévention

Informations et connaissances

Pratiques médicales et dépistage

Sentiment de progrès

1. La place du cancer dans la hiérarchie des préoccupations des Français et les représentations associées au cancer

Le cancer occupe clairement une place tout à fait centrale au sein des préoccupations des Français en matière de santé, quel que soit l’indicateur considéré. Il s’agit d’une maladie crainte, à titre individuel, et d’une pathologie dont on considère majoritairement qu’elle devrait constituer la principale priorité pour les pouvoirs publics. D’un point de vue plus collectif ou social, le cancer est également très présent à l’esprit, dans la mesure ou on le côtoie tous les jours : une très large majorité de Français, on le verra, connaissent, à titre personnel, un ou plusieurs proches touchés, ou l’ayant été.

Un niveau élevé de crainte personnelle

Différentes maladies ou risques ont été soumis à l’appréciation de la population, la question posée portant sur le niveau de crainte suscité.

Le cancer arrive en tête, en terme de craintes, parmi les maladies citées : 30% des personnes interrogées déclarent " beaucoup " craindre cette maladie, et 30% " pas mal ". La crainte du cancer devance ainsi nettement celle qui a trait aux maladies cardiaques, pourtant comparables en terme de mortalité (que 19% craignent " beaucoup "), les hépatites virales (11%) ou le sida (11%). Seuls les accidents de la route témoignent d’un niveau de crainte légèrement supérieur dans la population. La peur effective du cancer, la crainte d’être touché, concerne on le constate une proportion importante de la population : 38% déclarent avoir déjà eu peur d’être touchés par cette maladie.

La principale priorité pour les pouvoirs publics

Le cancer est également perçu par la population comme devant constituer la principale priorité, pour les pouvoirs publics, en France, dans les années à venir. 38 % des personnes interrogées placent la lutte contre cette maladie en tête, certes à un niveau assez proche assez proche de celui observé pour le sida (35%), mais devançant très largement toutes les autres pathologies : maladies génétiques (9%), maladies cardiaques (6%), hépatites (3%), etc.Du point de vue des craintes exprimées comme en terme de priorité de santé publique, le cancer a bien, ou conserve, une position singulière dans l’esprit des Français. L’univers des représentations au sujet de cette maladie, comme la place effective qu’elle occupe dans la vie de chaque individu, au travers notamment de proches touchés, permettent en partie d’expliquer cette position.

Ne pas avoir des proches touchés est devenu un fait rare...

Aujourd’hui, 86% des personnes interrogées déclarent connaître, dans leur entourage proche, une ou plusieurs personnes atteintes, ou ayant été atteintes par le cancer. Observation plus frappante encore, ils sont 67% à connaître plusieurs personnes dans cette situation.Finalement, ce ne sont que 14% des Français qui ne connaissent aucune personne touchée.

Un univers de représentations particulièrement sombre

On n’imaginait bien sûr pas voir le cancer associé à des représentations particulièrement plaisante. Il faut cependant constater que les associations libres - enregistrées au moyen d’une question ouverte-, apparaissent d’une noirceur extrême :Les associations de loin les plus fréquentes ont trait à la mort, au caractère incurable de la maladie, au fait qu’on " en meurt toujours " (47%), 14% citant par ailleurs spontanément le souvenir de la maladie ou du décès d’un proche. De très nombreuses citations ont trait à la difficulté de soigner, mais aussi de " vivre la maladie ", à la violence du cancer. Très nombreux sont également ceux qui citent, la souffrance, la douleur, la peur, qui sont des traits d’image indissociablement liés au cancer. Les traitements sont souvent évoqués, mais c’est avant tout pour parler de leur lourdeur, de leur pénibilité. Enfin, lueur d’espoir dans un univers d’évocation essentiellement sombre, on cite, mais c’est minoritaire, la possible guérison, les progrès des traitements, et la recherche.

2. Le tabou du cancer et les attitudes à l’égard des malades

A l’instar de toutes les maladies graves ou chroniques, les cancers posent de multiples problèmes sociaux - prise en charge, suivi et réinsertion des malades - ou psychosociologiques - image de soi, ou image de l’autre, le malade -. Au-delà des représentations associées au cancer - ou aux cancers - il était important de faire le point sur la notion de tabou, ou plus généralement sur celle des problèmes d’image des malades ou de la maladie, susceptibles de générer ou d’accentuer les difficultés sociales ou thérapeutiques.Il est à l’évidence extrêmement délicat de prétendre cerner quelque chose du tabou dans le cadre d’une enquête d’opinion, celui-ci constituant par définition ce qui ne se dit pas.Difficile à évaluer précisément, la gêne liée aux cancers se lit néanmoins - même si c’est parfois en transparence - dans les réponses fournies :- pour 34% des interviewés, le cancer reste dans notre société une maladie tabou, 64% adoptant l’opinion opposée.- une personne interrogée sur cinq environ (21%) déclare que le cancer est une maladie dont il leur est difficile de parler, même si 77% jugent qu’ils l’évoquent aussi facilement qu’une autre maladie.- si une majorité de Français (54%) se dit " tout à fait à l’aise " en présence de personnes atteintes par le cancer, il reste que 33% reconnaissent " ne pas se sentir tout à fait à l’aise ", et 9% " vraiment mal à l’aise ".A la lecture de ces résultats, il faut bien garder à l’esprit qu’il est difficile de reconnaître ce type d’attitudes, à bien des égards socialement incorrectes. Il s’agit donc là de reconnaissances a minima. Quand s’arrête la gêne et où débute le tabou ? On observe bien ici en tous cas quelque chose de cette réalité...

3. Les comportements de prévention

Les personnes interrogées ont pour une large majorité (61%) le sentiment de pouvoir, par leur comportement ou par leurs habitudes, limiter leurs risques de cancer. A ce titre, les fumeurs sont les plus nombreux à adhérer à cette opinion (80%), même si les non fumeurs pensent également en majorité (53%) avoir une prise sur le risque.Parmi les modification de comportements les plus souvent invoqués en matière de limitation des risques, on relève bien entendu en premier lieu les habitudes de tabagisme (43% de la population, mais 89% des fumeurs), la consommation d’alcool (11%), mais aussi, et dans de fortes proportions les habitudes alimentaires (32%) ou le fait d’avoir " une vie saine, de faire de l’exercice, du sport " (21%). L’idée d’un suivi médical comme facteur de limitation des risques est également présent à l’esprit des personnes interrogées, au travers de consultations régulières (9%) ou du dépistage (7%).

4. Informations et connaissances sur le cancer : encore du chemin à parcourir

Dans un contexte où le cancer apparaît comme une préoccupation centrale des Français dans le domaine de la santé, se sent-on bien ou mal informé sur le sujet ? Quelles sont les sources d’information qu’on utilise ? Quelle crédibilité accorde-t-on à ces sources ? Et, par ailleurs, quelles traces l’information laisse-t-elle dans les esprits en matière de connaissances ? Que sait-on et qu’ignore-t-on encore ? De manière générale, est-on en présence d’une population suffisamment avertie ? Telles sont quelques unes des questions auxquelles l’enquête cherchait également à répondre.

Un sentiment d’information nuancé

En dehors du thème de la recherche, sur lequel une majorité de personnes se déclare mal informée (54%, contre 45% de bien informés), la population se déclare bien informée à une légère majorité, quel que soit le domaine concerné (prévention, signes d’alerte, dépistage, traitements). Il convient toutefois de noter que les opinions restent à ce titre très partagées. Et que rares sont finalement les Français qui se disent " très bien informés ".

Les médias en tête des sources d’information

Les médias ressortent comme la principale source d’information sur les cancers (29%), devant l’entourage (famille, amis, proches...20%), les brochures d’information (16%) et les médecins (13%).Au titre du rôle des médias, une remarque : il y a actuellement un décalage notable entre l’ordre des préoccupations de la population, et le sentiment de présence des thématiques santé dans les médias. Ainsi, le cancer, qui reste la première crainte et la première priorité de la population n’est que la seconde pathologie dont on a le sentiment d’entendre parler dans les médias, loin derrière le sida : 73% des personnes interrogées citent l’infection à VIH parmi les deux maladies dont on entend le plus parler ; ils ne sont que 48% dans le cas du cancer, finalement à peine plus que pour les maladies dues aux prions (36%).

La crédibilité des sources d’information : les médecins en tête, devant la Ligue contre le Cancer

Les médecins sortent largement en tête en terme de confiance pour être informé sur le cancer : 91% des personnes interrogées leur font tout à fait (40%) ou plutôt (51%) confiance. La Ligue Nationale contre le Cancer arrive en seconde position (72% lui accordent leur confiance), devant la sécurité sociale (62%) et les pouvoirs publics (54%).La confiance dans les médias pour informer sur le cancer apparaît pour le moins réservée : 49% leur font confiance, tandis qu’une même proportion (49%) la leur refuse.L’ARC voit logiquement la défiance l’emporter sur la confiance (52% contre 44%), mais moins qu’on aurait plus l’imaginer, preuve sans doute d’une amélioration de l’image de cet organisme.Le médecin personnel reste pour les Français, le meilleur moyen de s’informer sur le cancer en cas de besoin (87%). Mais les associations spécialisées sont également citées à des niveaux importants (45%), devant les brochures sur la maladie.

Les attentes en matière d’information : d’abord les signes d’alerte

La hiérarchie des attentes en matière d’information est à elle seule une manifestation d’inquiétude : 42% souhaiteraient, en priorité, connaître les signes d’alerte qui doivent conduire à consulter. La prévention (22%) arrive en seconde position, devant l’état d’avancement des recherches.

Des connaissances souvent parcellaires

Un certain nombre de questions permettait de faire le point sur l’état des connaissances de la population à l’égard du cancer. On constate à ce titre des niveaux de connaissance extrêmement variables :- " Aujourd’hui, on guérit un cancer sur deux " : 67% des interviewés adhèrent à cette idée, mais 31% n’y croient pas. - " Plus on est âgé, plus on a des risques d’avoir un cancer " : 39% le savent, mais 59% l’ignorent.- " Si on fume 5 cigarettes par jour, on n’a pas plus de risque de cancer qu’un non fumeur " : pour 39% des Français, c’est faux...

En terme de mortalité, les connaissances se révèlent souvent tout aussi aléatoires : si, pour 46% des interviewés le cancer provoque davantage de décès pour le sida (ce qui est vrai), 27% jugent qu’il en provoque " autant ", et 24% " moins " ! La mortalité due au cancer est à peu près la même que celle liée aux maladies cardio-vasculaires, ce que savent 43% des interviewés, mais ce qu’ignorent les autres. Seuls 31% savent enfin que le cancer provoque davantage de décès que les accidents de la route...Par rapport à il y a 20 ans, le nombre de décès par cancer a augmenté, ceci étant en partie lié au tabagisme et au vieillissement de la population. Mais seuls 26% connaissent cette élévation de l’incidence des cancers, 51% pensant même qu’il y en a moins qu’alors.Enfin, les interviewés évaluent ou imaginent mal la proportion réelle de la population qui a, a eu ou aura un cancer au cours de sa vie. Pour une majorité (55%), il s’agit d’une personne sur huit, pour 18%, d’une sur quinze... alors que la proportion la plus approchante est d’une sur trois environ, ce que ne reconnaissent que 24% des personnes interrogées.En terme de connaissance des facteurs de risque, le consensus est bien établi sur le tabac (95% jugent qu’il s’agit d’un facteur de risque " important "), à peine moins sur l’exposition au soleil (84%) et sur l’alcool (75%). Les facteurs considérés ensuite comme les plus importants sont la pollution atmosphérique (69%), l’hérédité (62%) et l’alimentation (58%).

5. Les pratiques médicales et le dépistage

Si le médecin personnel est perçu comme le meilleur vecteur d’information, que se passe-t-il dans la réalité des pratiques ?Le problème du cancer semble n’occuper qu’une place très réduite dans la relation thérapeutique : 66% des interviewés déclarent que leur médecin ne leur pose jamais de questions sur leurs comportements en liaison avec le cancer (22% parfois et 12% régulièrement). Ils sont une même proportion (65%) à dire que le médecin ne leur parle jamais de prévention du cancer.Mais à l’inverse, les patients ne semblent que rarement susciter par eux-mêmes la discussion sur ce thème : 70% déclarent ainsi n’avoir jamais posé à leur médecin de questions concernant le cancer.38% des personnes interrogées se sont vues conseiller des examens de dépistage, et une proportion à peine inférieure déclare en avoir déjà effectué.

6. Le sentiment de progrès malgré tout ...

Sur tous les plans, les Français ont malgré tout le sentiment que des progrès sont effectués : pour 89%, ces progrès sont, dans le domaine de la recherche, très importants (43%) ou plutôt importants (46%). On progresserait également de façon importante dans le domaine de l’efficacité des traitements (84%), de la qualité de vie des malades (79%), du traitement de la douleur (78%).Mais la reconnaissance des progrès ne se fait pas, on l’a vu, sans l’affirmation de ce qu’il est, encore et toujours, nécessaire d’aller plus loin.

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  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

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