Les Français irrités par l'attitude de George W. Bush
Une position américaine dans la crise irakienne très critiquée
La crise irakienne et les divergences entre les Etats-Unis et la France ont profondément entamé le crédit dont bénéficie l'Amérique en France.
La cote de George W. Bush auprès du grand public est aujourd'hui très négative, 82 % des Français déclarant avoir une mauvaise image de lui (dont 46 % une très mauvaise image). Toutes les catégories socio-démographiques se retrouvent dans ce jugement critique, les sympathisants de gauche manifestant une hostilité encore plus forte que la moyenne.
La situation particulière des Etats-Unis et le climat qui y règne depuis les attentats du 11 septembre 2001 n'atténuent pas ce jugement hostile : même du point de vue américain, la position des Etats-Unis dans la crise n'est pas justifiée (25 % des Français considérant qu'elle n'est plutôt pas justifiée et 46 % qu'elle ne l'est pas du tout).
Compte tenu de ce jugement global, il n'est pas étonnant que les sentiments suscités par la position américaine soient très critiques. Ces sentiments relèvent avant tout de l'incompréhension (56 %), de l'exaspération (49 %) et de l'hostilité (44 %). Au total, 86 % des Français ont cité au moins un sentiment négatif, ce résultat corroborant largement leur hostilité à une intervention militaire en Irak, mesurée à de nombreuses reprises ces dernières semaines.
Seulement 22 % des Français déclarent éprouver un sentiment positif à l'égard de la posture américaine, ressentant dans ce cas là de la compréhension (14 %), du respect ou de la solidarité (9 % chacun).
Un conflit "personnel" pour George W. Bush
Au-delà de l'hostilité générale à l'égard de la position de l'administration américaine, la grande majorité des Français (76 %) considère que la politique actuelle des Etats-Unis est très liée à la personnalité de leur président. Au contraire, seulement 17 % considèrent que les Etats-Unis auraient eu à peu près la même attitude avec un autre président.
Les résultats de cette question viennent en partie nuancer l'idée ambiante d'américanophobie. Les Français critiquent plus l'attitude d'une équipe qu'un pays en général, le souvenir de Bill Clinton, plus ouvert et moins crispé en matière de politique internationale restant sans doute encore très présent à l'esprit des Français.
Une contribution française à l'intervention militaire qui dépendra des modalités d'entrée en guerre
A l'instar des résultats de l'enquête réalisée pour France 2 le 15 février, l'hostilité à une guerre en Irak ne signifie pas forcément que la France devra en rester totalement absente si elle a lieu.
Si une intervention militaire est déclenchée contre l'Irak, l'implication de la France et son degré de participation varient sensiblement selon qu'elle sera précédée ou non d'un vote au Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Toutefois, la proportion de Français considérant que la France ne devra s'impliquer d'aucune manière dans ce conflit progresse.
Dans le cas où les Etats-Unis se passeraient d'une résolution des Nations Unies, la majorité des Français (64 %, contre 60 % il y a moins d'un mois) considère que la France devrait "s'abstenir de toute participation aux opérations militaires", très peu d'entre eux (seulement 3 %) estimant au contraire qu'elle devrait "participer aux opérations militaires aux côtés des Etats-Unis".
Toutefois, malgré ce souhait majoritaire de rester totalement hors du conflit en cas d'intervention américaine sans l'aval des Nations-Unies, une part non négligeable de la population considère pourtant que la France ne devrait pas rester totalement absente. Ainsi, 30 % des personnes interrogées (contre 33 % en février) déclarent souhaiter que la France "ne participe pas directement aux opérations militaires mais soutienne les Etats-Unis (en leur apportant, par exemple, un soutien logistique)".
En revanche, si le Conseil de Sécurité vote une intervention militaire en Irak, les Français se révèlent, dans ce cas là, plus nombreux à considérer que la France doit participer d'une façon ou d'une autre.
S'ils ne sont que 13 % (contre 17 % le 15 février) à souhaiter que la France participe aux opérations militaires, 44 % (- 3 points) considèrent néanmoins que la France devrait les soutenir (par un soutien logistique) sans y participer directement.
Malgré ce souci majoritaire de ne pas s'isoler sur la scène internationale en cas de guerre, le camp des adversaires de toute participation française progresse, 41 % (contre 33 % en février) des Français souhaitant que leur pays s'abstienne de toute participation aux opérations militaires même en cas de vote aux Nations Unies.
Sur cette question, les réponses varient sensiblement selon la sympathie politique des personnes interrogées, les militants de gauche souhaitant que la France s'abstienne de toute participation alors que ceux de droite militent majoritairement en faveur d'un soutien sans intervention directe.
Cette radicalisation croissante de l'opinion trouve une traduction concrète dans le fait que 69 % des Français se révèlent favorables à l'emploi par la France de son droit de veto au Conseil de sécurité des Nations Unies, même dans l'hypothèse où les Etats-Unis et la Royaume-Uni parviendraient à faire voter une résolution prévoyant l'usage de la force.
Une détérioration des relations franco-américaines imputables aux Etats-Unis
Pour 81 % des Français, ce sont les Etats-Unis qui portent le plus la responsabilité de la détérioration actuelle des relations franco-américaines, 8 % seulement considérant que c'est la France et 5 % que la responsabilité est partagée.
Mais ces rapports conflictuels traduisent également une détérioration plus structurelle des relations entre les deux pays. Pour un Français sur deux, la crise irakienne n'est pas une exception et est symptomatique d'une opposition croissante entre la France et les Etats-Unis sur tous les grands sujets politiques, économiques et culturels mondiaux, 41 % considérant au contraire qu'ils restent le plus souvent d'accord sur ces sujets.
Des entreprises françaises qui pourraient souffrir de cette détérioration
Les divergences franco-américaines font apparaître un jugement nuancé en ce qui concerne les effets qu'elles pourraient avoir pour le poids de la France dans le monde. Un part presque égale de la population considère en effet qu'elles entraîneront plutôt des conséquences positives (30 %, notamment les personnes les plus aisées) et plutôt des conséquences négatives (29 %), 36 % estimant qu'elles n'auront pas de conséquences.
En revanche, les conséquences pour les entreprises françaises laissent apparaître un certain nombre de craintes, sans doute renforcées par le contexte économique actuel et la baisse de confiance des ménages. 62 % des Français pensent que la détérioration actuelle des relations franco-américaines entraînera plutôt des conséquences négatives pour les entreprises françaises, ce sentiment n'étant sans doute pas étranger à la couverture médiatique actuelle sur un éventuel boycott des produits français par les consommateurs américains et sur les pressions économiques que font peser les Etats-Unis sur certains pays membres du Conseil de sécurité, africains par exemple, et où les intérêts et les entreprises françaises sont très présents.