Les Français à la fois libéraux et socialistes
Deux questions posées par Ipsos pour l'Événement mettent à jour une des principales contradictions de l'opinion française: elle pense que l'Etat pèse trop lourd mais refuse la réduction des impôts.
Les Français ne sont pas à une contradiction près. Leur demande-t-on si "en France, l'Etat pèse trop lourd sur l'économie" ? La réponse est massivement positive à ce lieu commun. L'électorat de gauche lui-même, souvent considéré comme désespérément étatiste, communie de cette complainte à tonalité libérale. Changement de décor lorsque la question met en relation la dépense publique avec sa contrepartie positive, le niveau de protection sociale: une forte majorité se dégage alors en faveur de la thèse selon laquelle il convient de continuer stoïquement à payer "autant d'impôts" qu'aujourd'hui pour conserver une couverture sociale de même qualité. Ici aussi, l'électorat de droite, théoriquement adepte du "moins d'impôts" martelé par Nicolas Sarkozy pendant la dernière campagne européenne, se laisse séduire par la réponse "sociale".
Cette contradiction fondamentale de l'opinion se retrouve dans la vision que les Français ont du trio du socialisme européen Blair-Jospin-Schröder, même si une fraction non négligeable d'entre eux à du mal à se repérer dans ce triangle rose. Le plus moderne ? Le jeune et libéral Premier ministre britannique, bien sûr, pour tous les électorats… sauf les communistes. Le plus à gauche ? Le chef du gouvernement français, qui tient fortement à son étiquette socialiste, répond l'écho sondagier. Comme si on ne pouvait être à la fois de gauche et moderne. Le clivage gauche-droite retrouve ses droits lorsqu'il est question du "réalisme économique" des trois champions. Les proches de la majorité veulent croire que Jospin est le plus respectueux des faits, tandis que ceux de l'opposition plébiscitent le chef du "New Labour".