Les Français sont pour le renforcement de l'échelon régional, mais restent attachés aux prérogatives de l'Etat

L’enquête Ipsos réalisée pour le 7ème Congrès de l’ARF révèle que près de deux Français sur trois estiment que l’Etat a trop de pouvoir en France, tandis que les Régions n'en auraient pas assez. Menée dans quatre pays voisins, l'enquête montre que l'idée d'un renforcement du pouvoir et de l'autonomie des Régions est majoritaire en France, en Italie, et à un degré moindre, en Allemagne, tandis que les Espagnols souhaiteraient plutôt faire machine arrière et limiter le pouvoir des Communautés Autonomes.

Auteur(s)
  • Stéphane Zumsteeg Directeur du Département Opinion et Recherche Sociale, Public Affairs
  • Vincent Dusseaux Directeur d'études, Ipsos Loyalty
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63% des Français jugent que l'Etat a trop de pouvoir, contre 12% qui estiment qu’il n’en a pas assez et 25% qu’il a le bon niveau de pouvoir. Le constat est similaire en Italie où 62% des personnes interrogées pensent que l’Etat a trop de pouvoir, contre 16% qu’il n’en a pas assez et 22% qu’il a le bon niveau de pouvoir. A n'en pas douter, la crise économique et financière que traverse l’Europe et les plans de rigueur qui l’accompagnent impactent la popularité de la plupart des gouvernements européens. Ce contexte pèse très probablement sur les perceptions des différents échelons administratifs, dans ces deux pays.

En Allemagne et en Espagne, où la configuration institutionnelle donne plus de poids aux régions, les avis sont plus nuancés. 37% des personnes interrogées en Allemagne pensent que l’Etat a trop de pouvoir, contre 33% qui estiment qu’il n’en a pas assez et 30% qu’il a le bon niveau de pouvoir. En Espagne, 39% des personnes interrogées pensent que l’Etat a trop de pouvoir contre 38% qu’il n’en a pas assez et 23% qu’il a le bon niveau de pouvoir.

En ce qui concerne l'échelon régional, 62% des personnes interrogées pensent que les Régions n’ont pas assez de pouvoir, contre seulement 15% qu’elles ont trop de pouvoir et 23% le bon niveau de pouvoir. L’Allemagne et l’Italie sont dans le même schéma, même si la majorité n’est que relative : 48% des Italiens estiment que les régions n’ont pas assez de pouvoir contre 25% qu’elles en ont trop et 27% le bon niveau. En Allemagne, 46% pensent que les Landers n’ont pas assez de pouvoir, contre 29% qu’ils en ont trop et 25% le bon niveau. Dans ces trois pays, les opinions nationales souhaiteraient donner d’avantage d’autonomie aux régions face à l’Etat. Ce souhait est particulièrement fort dans les pays où se sont exprimées les idées jacobines : 67% des Français souhaiteraient donner davantage d’autonomie aux régions face à l’Etat et 63% des Italiens.

L’Espagne en revanche échappe à cette règle. Dans ce pays fortement décentralisé et où les mouvements autonomistes sont très implantés, l’opinion ne soutient pas la décentralisation. La majorité des personnes interrogées considère que les Communautés autonomes ont trop de pouvoir (à 51% contre 28% qui pensent qu’elles n’en ont pas assez) et 48% souhaiteraient qu’on donne moins d’autonomie aux Communautés autonomes face à l’Etat (contre 31% qui souhaiteraient qu’on leur en donne davantage). Cette idée est majoritaire chez les conservateurs (69% contre 17% auprès des sympathisants du Parti Populaire) et à gauche (46% contre 32% auprès des sympathisants du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol) mais se heurte à l’opposition unanime des personnes proches des multiples partis régionalistes et fédéralistes : 86% d’entre eux souhaitant qu’on donne davantage d’autonomie aux Communautés autonomes.

En France, les attentes à l’égard d’un renforcement de l’échelon régional sont très fortes à gauche : 74% des sympathisants PS pensent que les régions n’ont pas assez de pouvoir et 76% pensent qu’il faudrait à l’avenir donner plus d’autonomie aux régions face à l’Etat. Mais cette idée est aussi majoritaire auprès des sympathisants de l’UMP (47% contre 22% qui pensent qu’il faudrait donner moins d’autonomie aux régions et 31% ni plus, ni moins d’autonomie).

 En dépit du contexte favorable au renforcement de l’échelon régional, Français, Allemands, Italiens et Espagnols souhaitent maintenir les prérogatives de l’Etat dans la quasi totalité des domaines d’action testés. C’est le cas pour les domaines régaliens qui doivent rester dans le giron de l’Etat, même dans les pays fortement décentralisés. 86% des Français pensent que l’Etat doit avoir le pouvoir de décision en matière de contrôle des flux migratoires (contre 14% qui plaident pour la région), 77% des Allemands, 80% des Espagnols et 77% des Italiens. 72% des Français le pensent également pour les actions en faveur de la sécurité (contre 28% qui pensent à la région pour ce domaine), 75% des Allemands, 73% des Espagnols et 76% des Italiens.

C’est aussi l’Etat qui doit prendre en charge la lutte contre la crise économique pour la majorité des personnes interrogées, dans tous les pays. 70% des Français pensent que c’est l’Etat qui doit avoir le pouvoir de décision pour les mesures de lutte contre les délocalisations (contre 30% qui pensent à la région), 66% des Allemands, 69% des Espagnols et 62% des Italiens. 60% des Français le pensent également pour la prise en charge des chômeurs et leur réinsertion vers l’emploi (70% des Espagnols et 56% des Italiens, mais seulement 46% des Allemands). Enfin, pour la mise en place de fonds d’aide aux entreprises, 57% des Français pensent que c’est l’Etat qui doit avoir le pouvoir de décision (contre 43% à la région), 70% des Allemands et des Espagnols le pensent et 64% des Italiens.

 En France, la région est un échelon relativement récent, par rapport à l’Etat. Sur des domaines où les attentes sont fortes – notamment pour la lutte contre la crise économique – les Français se tournent spontanément vers l’échelon national. Pour autant, sur quelques domaines, les Français envisagent un pouvoir de décision au niveau régional. Par exemple pour la construction de logements sociaux, 58% des Français pensent que la région doit avoir le pouvoir de décision (contre 42% qui pensent qu’il doit revenir à l’Etat). 59% des Français pensent que la région doit décider pour la mise en valeur du patrimoine culturel (contre 41%). Les avis sont partagés sur la prise en charge de la formation professionnelle (50% pour l’Etat contre 50% pour la région).

Enfin pour négocier la politique de cohésion régionale en Europe, 59% des Français pensent qu’il est préférable que les régions sollicitent directement l’UE car elles ont une vision précise de leurs besoins, contre 41% qui préfèrent qu’elles s’inscrivent dans un cadre défini par l’Etat car il a une vision globale des besoins. L’idée selon laquelle il est préférable que les régions négocient directement avec l’Europe est également majoritaire en Allemagne (à 62% contre 38%) et en Italie (à 57% contre 43%), mais pas en Espagne (47% contre 53% qui estiment  que les régions doivent s’inscrire dans un cadre de référence fixé par l’Etat).

Auteur(s)
  • Stéphane Zumsteeg Directeur du Département Opinion et Recherche Sociale, Public Affairs
  • Vincent Dusseaux Directeur d'études, Ipsos Loyalty

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