Les Français sous-estiment leur risque alcoolique
L’alcool reste un problème de santé majeur en France. L’enquête réalisée par Ipsos à la demande de l’Assurance maladie et du Comité français pour l’éducation pour la santé montre que les personnes interrogées en ont une conscience plus ou moins confuse. Intéressant est, à cet égard, le contraste entre l’évolution de la consommation alcoolique des Français et sa perception subjective. Cette consommation est en baisse constante depuis 25 ans : 11,1 litres d’alcool pur par personne et par an en 1996 contre 17,7 litres en 1961. Et pourtant, 33% des sondés considèrent que la consommation d’alcool augmente, 29% qu’elle diminue et 38% qu’elle reste identique. Les jeunes de moins de 25 ans, qui ont moins de repères historiques et qui découvrent l’alcool, sont les plus nombreux à croire en une augmentation de sa consommation.
Au pays du Beaujolais et du Bordeaux, les boissons alcoolisées font partie des rites sociaux : 96% des Français de 15 à 65 ans déclarent avoir bu au moins une fois dans leur vie. Cette pratique est associée aux moments de convivialité, à la famille, aux habitudes et aux traditions. Pour la moitié des personnes interrogées, offrir de l’alcool fait partie des règles du savoir-vivre. Une véritable " pression sociale " existe : 40% estiment qu’il est " souvent difficile de refuser de boire quand on est invité ".
La consommation d’alcool déclarée au cours des sept derniers jours est croissante avec l’âge : elle est le fait de 39% des 15-17 ans jusqu’à 78% chez les plus de 25 ans. Le vin (53%) arrive en tête des produits absorbés. C’est principalement au moment des repas (82%) que les personnes interrogées se sont adonnées à la boisson. L’apéritif est cependant très répandu : 82% déclarent avoir cédé à ce rite au cours de la dernière semaine. Si 46% des " buveurs " n’ont eu qu’entre une et trois occasions de boire dans la semaine, 34% ont connu de quatre à 9 occasions et 16% plus de dix occasion. La consommation fréquente concerne surtout les hommes et, plus particulièrement, les personnes âgées de plus de 45 ans.
Le caractère très répandu de la consommation d’alcool pendant le week-end est révélateur. Seulement 14% se déclarent abstinents en fin de semaine. Et les Français lèvent alors autrement plus gaillardement le coude : 65% des hommes déclarent consommer plus de trois verres par le jour le week-end contre 31% pour la semaine. Même décalage chez les femmes avec, respectivement, 36% et 12%. En moyenne, la consommation passe de 1,2 verres déclarés par jour de semaine à 4,3 les samedi et dimanche (les chiffres réels étant évidemment supérieurs à ces déclarations). Deux tranches d’âges sont particulièrement " buveuses " le week-end : les 25-34 ans et les 45-54 ans.
L’excès de consommation alcoolique n’est pas marginal : 22% des sondés avouent avoir été ivres au cours des douze derniers mois. Ce chiffre atteint même 40% chez les moins de 25 ans ! Et ces épisodes éthyliques sont l’occasion d’une solide ingestion d’alcool : 56% des hommes et 21% des femmes disent avoir consommé plus de dix verres. La fête chez les amis (55%), la fête familiale (37%) et la soirée en " boîte " (24%) sont les trois occasions d’expérimentation de l’ivresse des sens. La culpabilité ne semble guère accompagner ces comportements : 73% pensent qu’il est normal de boire " plus que de raison " lors des fêtes familiales…
Les lieux de travail sont aussi tentateurs. Au cours des six derniers mois, 7 salariés sur 10 déclarent avoir participé à un moins un " pot " dans leur entreprise. La moyenne s’élève à 2,5 " pots ". Par ailleurs, 50% déclarent consommer des boissons alcoolisées lors des " repas d’affaires " et 71%, ne serais-ce qu’occasionnellement, lors d’un déjeuner entre collègues. Cet " alcoolisme professionnel " est plus marqué chez les hommes, les cadres supérieurs, les professions intermédiaires et dans les services.
En dépit de tous ces signes d’une consommation alcoolique souvent soutenue, les majorité des personnes interrogées tend à minimiser sa prise de risque en la matière. Les trois-quarts des consommateurs d’alcool croient que leur consommation est inférieure à celle de la moyenne ! Parmi les buveurs habituels (15 occasions de boire ou plus), seulement un sur dix a conscience d’avoir une dalle plus en pente que le commun.
Les seuils de dangerosité (2 verres par jour pour les femmes et 3 pour les hommes, selon les organismes officiels) sont méconnus. Les femmes le situent à 3,8 et les hommes à 4,9. Ces seuils sont d’autant plus élevés que le sujet est jeune et… buveur. L’insuffisante consciences des risques alcooliques se traduit encore par le fait que l’immense majorité (89%) n’a pas l’intention de changer quoi que ce soit à son comportement dans ce domaine. Seulement 11% (15% des hommes et 7% des femmes) envisager d’arrêter ou de réduire leur consommation. Au cours des cinq dernières années, 25% des 25-65 ans déclarent avoir comprimé leurs habitudes alcooliques. Preuve supplémentaire, si besoin en était, que l’alcool est un problème pour une frange importante de la population française.