Les jeunes et l’emploi public
Les trois quarts des 15-30 ans interrogés par Ipsos pour La Gazette des Communes et Le Monde se déclarent intéressés par une carrière dans la fonction publique. Si la garantie de l'emploi reste la principale motivation, l'enquête réalisée à l'occasion du 1er salon de l'emploi public (du 1er au 3 juin au Palais des Congrès de Paris) montre que le risque d'éloignement géographique, et à un degré moindre le manque de reconnaissance, modère les ardeurs.
Les jeunes tentés par la fonction publique
Les trois quarts des 15-30 ans interrogés par Ipsos pour La Gazette des Communes et Le Monde se déclarent intéressés par une carrière dans la fonction publique. Si la garantie de l'emploi reste la principale motivation, l'enquête réalisée à l'occasion du 1er salon de l'emploi public (du 1er au 3 juin au Palais des Congrès de Paris) montre que le risque d'éloignement géographique, et à un degré moindre le manque de reconnaissance, modère les ardeurs.
La fonction publique a la cote auprès des jeunes. Les trois-quarts des jeunes de 15 à 30 ans interrogés par Ipsos (75%) déclarent en effet "qu'ils aimeraient travailler dans la fonction publique s'ils en avaient l'opportunité" contre 24% qui se montrent plutôt hostiles à cette idée.
Des différences liées au sexe et au milieu social
On observe toutefois des différences, en fonction de critères sociodémographiques. Ainsi les femmes sont plus nombreuses à se déclarer attirées par la fonction publique (82%) que les hommes (68%). Cet écart ne fait que refléter la réalité : selon le rapport annuel 2003 de l'Observatoire de l'emploi public, les femmes demeurent majoritaires dans la fonction publique (57%). Cet écart résulte par ailleurs de l'attrait beaucoup plus marqué des femmes pour la fonction publique hospitalière (32% contre 14% seulement des hommes). Il s'agit là aussi d'une réalité : la fonction publique hospitalière est largement féminine puisque 4 agents sur 5 sont des femmes (selon les Données sociales hospitalière de juin 2002).
On note par ailleurs des différences liées au milieu socioprofessionnel. La fonction publique semble attirer moins les jeunes issus d'un milieu ouvrier (70% contre 85% des employés et 81% des " professions intermédiaires ") de même que les jeunes ayant un faible niveau d'études (66% contre 84% des jeunes ayant un niveau d'études compris entre Bac et Bac+2). Cette réticence s'explique peut-être par l'existence de concours d'entrée et pose la question du recrutement. "La difficulté des conditions de recrutement" est d'ailleurs beaucoup plus citée comme constituant un frein à l'entrée dans la fonction publique par ces catégories (45% des jeunes issus d'un milieu ouvrier, 51% des jeunes ayant un niveau d'études inférieur au niveau Bac contre 34% en moyenne). Globalement, on observe que la fonction publique attire davantage les catégories intermédiaires (en terme de niveau d'études comme de milieu social).
Enfin, on observe également des différences liées à l'âge des personnes interrogées. Ce sont les jeunes de 15 à 19 ans qui se montrent les moins attirés par la fonction publique (66%) ce qui s'explique par le fait que ces jeunes sont pour la plupart encore lycéens ou ne font que commencer leurs études supérieures. Pour eux, l'heure n'est pas encore aux choix professionnels, contrairement à la catégorie des jeunes de 20 à 24 ans. Or, c'est justement cette catégorie que la fonction publique tente le plus (80%), ce qui constitue un très bon résultat.
L'attrait de la fonction publique territoriale, synonyme de proximité
C'est peut-être l'une des surprises de cette enquête : ce n'est pas la fonction publique d'Etat mais la fonction publique territoriale qui attire le plus les jeunes. Près du tiers d'entre eux (31%) se déclarent prêts à y travailler contre 27% dans la fonction publique d'Etat et 23% dans la fonction publique hospitalière. Ce résultat s'explique notamment par le fait que la fonction publique territoriale est synonyme de proximité. Or, "le risque d'être nommé loin de chez soi" constitue le premier des freins à l'entrée dans la fonction publique, cité par 51% des jeunes interrogés. Face à cette crainte, la fonction publique territoriale offre davantage la possibilité de pouvoir travailler près de chez soi. Cet attrait est particulièrement fort chez les jeunes âgés de 20 à 24 ans (40%).
Toutefois, cette hiérarchie n'est pas systématique. Ainsi, c'est la fonction publique hospitalière qui attire le plus les femmes (32%), devant la fonction publique territoriale (30%). La fonction publique d'Etat, quant à elle, attire davantage les jeunes issus des milieux les plus favorisés (39% des jeunes ayant un niveau d'études égal ou supérieur à Bac+3, 39% des jeunes issus d'un milieu de cadres supérieurs).
Les motivations et les freins à l'entrée dans la fonction publique
Garantie de l'emploi…
La "garantie de l'emploi", citée par 59% de l'échantillon, constitue la principale motivation des jeunes pour travailler dans la fonction publique, loin devant toute autre. Si elle a toujours constitué un atout majeur de la fonction publique, la situation économique actuelle de la France renforce peut-être son attrait. En effet, cette motivation est particulièrement forte chez les jeunes de 20 à 24 ans (75% d'entre eux l'évoquent) qui se heurtent certainement à des difficultés conjoncturelles à l'heure de leur entrée sur le marché du travail. Cet élément de motivation est également plus important chez les actifs (65%).
Le "contact avec le public", cité par 39% de l'échantillon, arrive en deuxième position, devant "les possibilités d'évolution de carrière" (35%). Les "conditions de travail", "le niveau des rémunération" ainsi que le fait de "travailler au service du public et non d'intérêts privés" occupent la quatrième place, ex-aequo (25%). Ces motivations sont suivies de très près par "la durée du temps de travail" (24%) et "l'intérêt et l'utilité des métiers qu'elle propose" (24% également). Enfin, citées par 23% des jeunes, "les conditions de retraite" se classent dernières.
On observe que les jeunes ayant manifesté l'envie de travailler dans la fonction publique hospitalière citent plus volontiers "le contact avec le public" comme facteur de motivation (55% contre 54% pour la garantie de l'emploi). A l'inverse, ils sont beaucoup moins nombreux à évoquer "les conditions de travail" (18%), réputées difficiles. "Le contact avec le public" constitue également la principale motivation des plus jeunes pour entrer dans la fonction publique (51% des 15-19 ans). Enfin, 17% seulement des jeunes ayant un niveau d'études supérieur sont motivés par "le niveau des rémunérations". A niveau d'études égal, ils pensent sans doute gagner davantage dans le secteur privé.
… contre éloignement géographique
On distingue deux principaux freins à l'entrée dans la fonction publique : le mode de recrutement d'une part et les difficultés à faire reconnaître son travail d'autre part.
"Le risque d'être nommé loin de chez soi", cité par plus de la moitié de l'échantillon (51%), constitue le premier frein à l'entrée dans la fonction publique. Cette raison est notamment évoquée par les femmes (56% contre 46% des hommes) ainsi que par les plus jeunes (60% des 15-19 ans). Ce résultat témoigne en partie d'un déficit d'information sur le sujet : si un certain nombre de concours de la fonction publique sont nationaux, un nombre important permettent de rester près de chez soi. C'est le cas notamment de tous les concours de la fonction publique territoriale ou encore de certains concours de la fonction publique d'Etat (le concours de professeurs des écoles par exemple, qui est organisé par IUFM). Parallèlement, la "difficulté des conditions de recrutement" est citée par 34% des jeunes interrogés.
Par ailleurs, les jeunes évoquent "le manque d'autonomie dans le travail", qui constitue le deuxième frein à l'entrée dans la fonction publique (37%), "le manque de différence de traitement entre les fonctionnaires méritants et les autres" (27%) ou encore "le manque de considération sociale pour les fonctionnaires" (26%). Ce sont autant d'éléments qui traduisent une crainte des jeunes que leur travail ne soit pas reconnu s'ils devenaient fonctionnaires.
Pour 30% des jeunes interrogés, "la dépendance vis-à-vis du pouvoir politique" constitue un frein à l'entrée dans la fonction publique. En revanche, contrairement aux idées reçues, 24% seulement des jeunes évoquent " le niveau des rémunérations". S'il constitue un frein important pour les jeunes ayant fait des études supérieures (39%) ou issus d'un milieu social plus favorisé (39% également chez les cadres supérieurs), il n'est cité que par 17% des jeunes ayant un niveau d'études inférieur au niveau Bac.
Pour 17% des jeunes, "le manque de possibilités d'évolution de carrière" incite peu à travailler dans la fonction publique (25% des cadres supérieurs contre 9% seulement des employés). 16% des jeunes évoquent "les conditions de travail". Enfin, 13% seulement de l'échantillon jugent que "le faible intérêt des métiers qu'elle propose" constitue un frein à l'entrée dans la fonction publique.
Des leviers différents pour les hommes et les femmes
De manière générale, on observe que les motivations et les freins à l'entrée dans la fonction publique ne relèvent pas de la même logique chez les hommes et chez les femmes. Si les femmes sont plus tournées vers la notion de service public, de contact avec les usagers, les hommes sont davantage préoccupés par leur carrière et leur rémunération.
Ainsi, 45% des femmes jugent que "le contact avec le public" constitue une motivation pour travailler dans la fonction publique (ce qui en fait leur deuxième motivation) contre 33% des hommes seulement. 28% des femmes estiment que "travailler au service du public et non d'intérêts privés" incite à travailler dans la fonction publique contre 23% des hommes. Et 27% des femmes évoquent "l'intérêt et l'utilité des métiers que propose la fonction publique" contre 21% des hommes uniquement.
A l'inverse, ce sont "les possibilités d'évolution de carrière" qui constituent la deuxième motivation des hommes (35%). 28% d'entre eux estiment par ailleurs que "le niveau des rémunérations" est une motivation pour travailler dans la fonction publique contre 23% des femmes seulement. Ils sont 27% au contraire à penser que "le niveau des rémunérations" constitue un frein à l'entrée dans la fonction publique contre 22% des femmes. Enfin, 20% des hommes évoquent "le manque de possibilités d'évolution de carrière" comme élément peu incitatif contre 15% des femmes.
Notons que "la difficulté des conditions de recrutement" constitue une barrière à l'entrée dans la fonction publique plus importante pour les femmes (38%) que pour les hommes (31%)
Enfin, soulignons des différences de jugement liées au milieu socioprofessionnel. De manière générale, les jeunes issus d'un milieu favorisé ou ayant fait des études supérieures semblent trouver le niveau des rémunérations et les possibilités d'évolution de carrière dans la fonction publique insuffisants. Ils estiment également que les fonctionnaires ne sont pas assez considérés. Autant de facteurs qui ne constituent pas réellement des freins pour les jeunes issus des catégories socioprofessionnelles intermédiaires
Un déficit d'information concernant l'évolution des recrutements
Plus de la moitié des jeunes interrogés (51%) pensent qu'au cours des dix prochaines années, la fonction publique va moins recruter que ces dix dernières années. 27% pensent qu'elle va recruter autant et 20% seulement pensent qu'elle va recruter davantage. Ces résultats reflètent l'existence d'un important déficit de communication et d'information concernant la fonction publique puisque seule une petite minorité des jeunes, pourtant les plus concernés par le sujet, sait que la fonction publique va recruter massivement dans les prochaines années en raison du départ à la retraite de la génération issue du baby-boom. Ce résultat n'est peut être pas uniquement le fruit d'un manque d'information mais au contraire d'une "mauvaise information" issue des récentes annonces de "non-renouvellement systématique de tous les fonctionnaires partant à la retraite".
On observe un important écart lié à l'âge : 29% seulement des jeunes de 15-19 ans pensent que la fonction publique va moins recruter dans les dix prochaines années contre 32% pour qui elle va recruter davantage. 48% des jeunes de 20 à 24 ans et 70% des jeunes de 25 à 30 ans pensent au contraire, et à tort, qu'elle va moins recruter. Logiquement, les lycéens et étudiants sont moins nombreux à faire fausse route : 35% seulement d'entre eux pensent que la fonction publique va moins recruter. Reste à savoir si ces résultats traduisent réellement une meilleure information des plus jeunes (dans le cadre du lycée, des centres d'information et d'orientation etc.) ou si ces jeunes sont simplement moins soumis aux médias et par conséquent au discours relatif au non-renouvellement systématique des fonctionnaires partant à la retraite.
Les évolutions prioritaires pour la fonction publique
Le manque de reconnaissance du travail des fonctionnaires constituant l'un des freins essentiels à l'entrée dans la fonction publique, les évolutions souhaitées par les jeunes vont, assez logiquement, dans le sens d'une amélioration de ce point de vue.
Ainsi, un tiers des jeunes interrogés (33%) pense qu'il faudrait "sanctionner davantage les fonctionnaires les moins efficaces" pour rendre la fonction publique plus efficace et améliorer son fonctionnement. On observe sur ce point un clivage politique important : 45% des jeunes sympathisants de la droite parlementaire se prononcent en faveur d'une telle évolution contre 32% des sympathisants de la gauche.
Deuxième évolution souhaitée pour rendre la fonction publique plus efficace et améliorer son fonctionnement : 29% des jeunes pensent qu'il faut "évaluer les fonctionnaires en prenant en compte la satisfaction des usagers". Les femmes sont plus nombreuses à souhaiter cette évolution (32% contre 26% des hommes). Allant toujours dans le sens d'une meilleure reconnaissance du travail effectué, 27% des jeunes pensent qu'il faut "développer la rémunération au mérite". Les hommes sont plus nombreux (29%) que les femmes (25%) à souhaiter cette évolution. Elle est surtout davantage évoquée par les sympathisants de la droite (38% contre 25% seulement des sympathisants de la gauche).
Un quart de l'échantillon (25%) juge prioritaire de "transférer une partie des pouvoirs de l'Etat aux régions, départements ou communes". La décentralisation étant initialement une idée de gauche, cette évolution est davantage souhaitée par ses sympathisants (30% contre 18% seulement des sympathisants de la droite parlementaire).
17% des jeunes interrogés pensent qu'il faut "donner plus de marge d'appréciation aux fonctionnaires dans l'application des règles". 16% estiment nécessaire "d'accroître les possibilités d'effectuer une partie de sa carrière dans le secteur privé". Là encore, les hommes sont plus nombreux que les femmes (20% contre 12%), de même que les sympathisants de la droite parlementaire (26% contre 14% des sympathisants de la gauche seulement). 14% des sondés pensent qu'il faut "renforcer les pouvoirs de décision des services locaux des ministères" et 14% également qu'il faut "développer la mobilité des fonctionnaires".
Enfin, 10% seulement des jeunes de 15 à 30 ans estiment qu'il faut "diminuer le nombre de fonctionnaires" pour rendre la fonction publique plus efficace et améliorer son fonctionnement (14% des sympathisants de la droite et 7% seulement des sympathisants de la gauche).
Au final, les résultats de cette étude révèlent un véritable attrait des jeunes pour la fonction publique, même si quelques barrières subsistent, montrant ainsi la nécessité d'entreprendre certaines réformes (la question des conditions de recrutement se pose particulièrement). Mais ces résultats montrent surtout la nécessité d'améliorer l'information et la communication relatives aux métiers de la fonction publique.