Les jeunes parents : une parenthèse enchantée ?
Alors que leur pessimisme en matière économique atteint des sommets, les Français confirment, avec un indicateur de fécondité de 1,99 enfant par femme (INED), leur place de champions d’Europe de la natalité. Un dynamisme remarquable à l’heure où la plupart des pays européens sont confrontés à une importante crise démographique. L’occasion de faire le point, à partir des Observatoires menés par Ipsos, sur la population des « jeunes parents »*, et quelques-unes des grandes caractéristiques qui les distinguent du reste de la population française. *Par « jeunes parents » on entend ici les individus ayant un ou des enfants dont l’âge ne dépasse pas 3 ans. Ils sont âgés de 31 ans en moyenne.
Le bonheur est dans la bulle
Premier constat : l’arrivée du premier enfant correspond à la période la plus épanouie dans la vie des individus. L’analyse par étapes de vie d’indicateurs comme le niveau de bonheur ou la perception de l’avenir conduit à enregistrer un pic de satisfaction et d’optimisme auprès des jeunes parents. Ainsi, 60% d’entre eux estiment par exemple qu’ils « vivent actuellement leurs plus belles années », contre 24% qui pensent que le meilleur est à venir et 16% qui, déjà, regardent avec nostalgie dans le rétroviseur. Aucune autre population n’est à ce point centrée sur le bonheur du temps présent.
Particulièrement heureuse, cette période de la vie se caractérise par un repli important sur la sphère privée. Les jeunes parents tendent à mettre entre parenthèses un certain nombre de leurs activités antérieures : ils sortent moins (cinéma, restaurant, bars…), lisent moins, voient moins leurs amis… etc. 44% d’entre eux ont l’impression de voir de moins en moins de gens, contre 34% pour la moyenne des Français. Leur mode de vie se recompose presque exclusivement autour des activités domestiques et des moments passés en famille.
Toutefois, ce surinvestissement de la sphère privée les conduit à mettre la dimension citoyenne au second plan. Sans se couper totalement du monde, ils s’informent moins sur l’actualité et sont nettement moins attirés par l’engagement social que la moyenne des Français. Leurs craintes majeures sont essentiellement d’ordre privé : elles concernent avant tout l’avenir de leurs enfants et la précarité économique. En revanche, les peurs « sociales » (les guerres, la faim dans le monde, le terrorisme…etc) sont nettement moins prégnantes auprès de cette population. Il en est de même en ce qui concerne la problématique écologique : si les jeunes parents disent s’en préoccuper, ils se montrent peu disciplinés en ce qui concerne la pratique des petits éco-gestes du quotidien (éteindre la lumière, faire des économies d’eau…). De tous les Français, ce sont, avec les lycéens, les plus mauvais élèves en la matière.
Le bonheur, mais pas l’insouciance
Pourtant, les jeunes parents sont bien loin de vivre un bonheur en « apesanteur », dans une bulle hors du temps. Au contraire, le principe de réalité et ses contraintes sont bien au centre de leur vie. Ils apparaissent ainsi tout à la fois comme les plus heureux des Français, mais aussi comme les plus anxieux et les moins insouciants (seulement 22% d’entre eux déclarent « vivre la vie comme elle vient, sans se poser de question »). A cela deux raisons majeures.
Tout d’abord, les jeunes parents subissent la pression de l’horloge. Actifs pour la grande majorité d’entre eux, ils mènent de front une double vie, professionnelle et parentale, caractérisée par une course contre la montre permanente. Ainsi, il s’agit de la population qui souffre le plus du manque de temps : 46% d’entre eux déclarent ne jamais trouver le temps de faire ce qu’ils veulent. De même, 41% estiment que la vie va trop vite et disent se sentir de plus en plus dépassés. Ce rythme de vie soutenu associé à un sentiment de perte de maîtrise n’est pas sans provoquer un surcroît de fatigue et un besoin important de relaxation : si la journée était plus longue de 2 heures, les jeunes parents souhaiteraient bien plus que tous les autres dormir, se détendre, ou simplement prendre le temps de ne rien faire. A noter que plus de la moitié d’entre eux (53%) rêveraient de pouvoir faire une sieste tous les jours !
Deuxième contrainte : l’argent. Les jeunes parents doivent faire avec les implications budgétaires que suppose l’arrivée d’un enfant, alors même que près des trois quarts d’entre eux ont par ailleurs un ou plusieurs crédits (immobilier, automobile…) à honorer. Particulièrement angoissés par l’idée d’être endettés (75%), ayant toujours besoin de savoir la situation de leurs comptes bancaires (79%), nombre d’entre eux disent avoir du mal à joindre les deux bouts. Ils apparaissent ainsi de loin comme la population la plus prudente en ce qui concerne la gestion de son argent : 66% d’entre eux (contre 50% pour la moyenne des Français) envisagent plutôt d’épargner dans les mois à venir, quand seulement 34% pensent ne rien changer à leurs habitudes ou se faire plaisir en dépensant plus.
Des consommateurs stratèges
Face à cette double contrainte, les jeunes parents sont en quête de solutions pour optimiser à la fois leur temps et leur argent. Pour éviter de sacrifier leur envies, ils tendent ainsi à se muer en consommateurs stratèges : 69% d’entre eux admettent consacrer beaucoup d’énergie à chercher les bonnes affaires (meilleurs prix, bons de réduction, échantillons gratuits…). C’est beaucoup plus que la moyenne de la population française (50%).
Dans cette optique, Internet constitue pour eux une ressource majeure leur permettant de répondre au mieux à cette double contrainte. Les jeunes parents sont ainsi la population qui fréquente le plus les sites discount, les sites d’enchères comme ebay, les ventes privées, ou les sites de location et d’échange. Ce sont aussi ceux qui font le plus leurs courses alimentaires en ligne. Très actifs sur la toile, ils donnent et demandent des avis sur les produits plus régulièrement que la moyenne, apparaissant ainsi également comme des influenceurs de premier ordre et une cible à suivre pour les marques.