Les mots du spectacle et le spectacle des mots
En tous cas sur le champ précis de la politique, il est frappant d’entendre dans les focus groupes qualitatifs traitant de sujets politiques, les Français parler en chœur de « théâtre », s’agissant des hommes politiques et de leurs faits et actes, un théâtre qu’on ne regarde plus ou que l’on regarde sans que plus rien n’imprime.
Il faut préciser à leur décharge que cette interpénétration entre réalité et scène politique devient omniprésente, et que le cinéma y joue aussi son rôle : à titre emblématique, citons l’objet métafilmique « Pater », ou Emmanuelle Devos jouant un biopic anthume de Simone Veil…
Dans le même temps, et à défaut d’action, le spectacle politique se nourrit de mots qui enflent pour eux-mêmes des polémiques, et deviennent des os que le personnel politique s’acharne à ronger : « analphabètes », « apartheid », « arme nucléaire du 49.3 », « Français de souche », « islamo-fascisme »…
Bien sûr, « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde », mais après les railleries sur les « petites phrases », qui fleuraient bon l’entre-soi, le spectacle des mots, en lieu et place du spectacle des actes, accentue l’impression d’hommes et de femmes politiques « hors sol », et accélère les ruptures et divergences entre l’opinion et les autorités.