Les prélèvements obligatoires et la fiscalité environnementale vus par les chefs d’entreprise européens

Dans un contexte marqué par le retour de la croissance dans la plupart des pays européens, Ipsos a réalisé pour le compte de la CCIP la troisième vague de l’enquête sur la fiscalité auprès de chefs d’entreprise de dix pays de l’UE. Cette nouvelle étude comporte une partie barométrique reprenant un certain nombre d’indicateurs mis au point lors des enquêtes menées en 2005 et 2006, portant sur l’attractivité des différents pays en termes de fiscalité des entreprises et un deuxième volet thématique, consacré cette année à la question de la fiscalité environnementale.

Les résultats de cette étude confirment les différences significatives de perception, observées lors des vagues précédentes, en matière de pression fiscale sur les entreprises dans les dix pays étudiés. La Pologne, le Royaume-Uni et, dans une moindre mesure, la Hongrie et les Pays-Bas apparaissent toujours parmi les plus attractifs, alors que la France, la Belgique et l’Italie restent moins séduisantes que leurs voisins européens. Quant à l’Allemagne, on y observe cette année un regain d’optimisme très significatif, reflet du redressement de ses principaux indicateurs économiques.

L’enquête révèle par ailleurs que les entrepreneurs européens ne sont pas opposés au principe des taxes environnementales sur les entreprises. Mais ces chefs d’entreprise soulignent également que les taxes vertes ne sont pas destinées à devenir un « outil budgétaire ».

La note qui suit présente les principaux enseignements de l’enquête.

I- Les prélèvements obligatoires

Nouvelle amélioration de la perception de la pression fiscale en Europe

Pour la deuxième année consécutive, la perception de la pression fiscale exercée sur les entreprises s’améliore en Europe. Si les chefs d’entreprise européens s’accordent toujours pour affirmer que les prélèvements obligatoires (impôts, taxes, cotisations sociales) pratiqués dans leur pays sont élevés (avis partagé par 94% des dirigeants interrogés), la proportion d’entre eux les jugeant « très élevés » régresse une nouvelle fois pour se situer désormais à 35%, soit une baisse de 5 points par rapport à 2006 et de 13 points par rapport à il y a deux ans.

Le retour de la croissance dans l’Union européenne (2,9% en 2006, soit le taux le plus élevé depuis six ans) et son impact sur le moral des chefs d’entreprise ne sont certainement pas étrangers à cette évolution. Cependant, cette tendance globale masque des évolutions contrastées selon les pays. Ainsi, l’allègement de la pression fiscale est tout particulièrement ressenti en Pologne (35% des dirigeants polonais affirment aujourd’hui que les prélèvements obligatoires sont très élevés dans leur pays, soit -23 points en un an), en Suède (14%, soit -21 points par rapport à 2006 et -27 points par rapport à 2005) et, dans une moindre mesure, en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. Dans le cas de la Pologne, ces résultats s’expliquent pour beaucoup par une conjoncture économique très favorable qui conjugue croissance supérieure à 6%, afflux des investissements directs étrangers et chute du chômage. Quant à la Suède, la situation économique florissante et les nouvelles mesures de dérégulation sociale inscrites au budget présenté fin septembre, semblent renforcer la tendance amorcée il y a un an avec l’arrivée au pouvoir de la coalition de centre-droit. Ces deux pays se rapprochent ainsi du Royaume-Uni et des Pays-Bas, dont les dirigeants d’entreprise apparaissent, tout comme en 2006, comme les moins mécontents en la matière.

A l’autre extrême, les chefs d’entreprise italiens (63% jugent la pression fiscale de leur pays très élevé), français (61%) et belges (61%) restent particulièrement critiques sur ce point. Le fossé se creuse même légèrement avec les pays les mieux classés puisque la situation se dégrade encore en Italie (+11 points) ainsi qu’en France (+5 points) où, pour l’instant, le « paquet fiscal » adopté cet été par le Parlement et notamment l'exonération partielle des heures supplémentaires ne semblent pas avoir eu d’impact positif sur cet indicateur.

Pour la majorité des chefs d’entreprises européens (62%), la pression fiscale dans leur pays est non seulement élevée dans l’absolu mais elle est aussi ressentie comme étant plus forte que généralement ailleurs en Europe. Ce score global enregistre une très légère hausse par rapport à 2006 (+2 points), hausse due essentiellement à l’évolution observée en Italie, au Royaume-Uni et, dans une moindre mesure, en Hongrie. En effet, la part des chefs d’entreprise italiens partageant cet avis fait cette année un bond (+24 points), ce pays atteignant désormais la première place du classement (86%), suivi là encore de la Belgique (77%, +5 points) et de la France (76%, +2 points). Ces perceptions sont par ailleurs cohérentes avec les taux de prélèvements obligatoires des entreprises (TPOE) effectivement pratiqués dans ces trois pays, taux de prélèvements à chaque fois supérieurs à la moyenne européenne, les entrepreneurs français étant même ceux qui subissent la pression fiscale la plus élevée (le TPOE pour 2006 est de 19% pour la France, 14,4% pour l’Italie et 14,2% pour la Belgique, contre une moyenne de 12,2% pour l’UE 15). La forte dégradation de cet indicateur en Italie ne surprend pas, au regard donc de la pression fiscale pratiquée, mais aussi d’une croissance parmi les plus faibles de l’Union et d’une crise de confiance de plus en plus marquée, partagée même par le vice-ministre de l'économie, qui a récemment décrit son pays comme un pays « en déclin et qui risque d'imploser ». En ce qui concerne le Royaume-Uni (48%, +18 points), signalons qu’il s’agissait jusqu’ici du seul pays où une majorité relative de chefs d’entreprise déclarait que le niveau de prélèvements obligatoires pratiqué était moins élevé que chez ses voisins européens. Enfin, dans un contexte de crise politique et de net ralentissement de la croissance, les patrons hongrois se montrent plus mécontents qu’auparavant : deux tiers d’entre eux (66%, +6 points) s’estiment pénalisés par une pression fiscale plus élevée qu’ailleurs en Europe.

 

A l’inverse, les chefs d’entreprise polonais et néerlandais sont désormais plus indulgents lorsqu’il est question de comparer le niveau de leurs prélèvements obligatoires à ceux des autres pays de l’Union. Ainsi, « seuls » 50% d’entre eux pour la Pologne (soit une baisse de 11 points) et 57% pour les Pays-Bas (-11 points également) s’estiment désormais pénalisés par la fiscalité qui leur est appliquée. Dans le cas des Pays-Bas, la réduction de l’impôt sur les sociétés, étalée de 2004 à 2007, semble ici être à l’origine de cette évolution.

L’attractivité fiscale de la Pologne et du Royaume-Uni confirmée ; nette amélioration de la perception de l’Allemagne

Comme l’illustre le tableau ci-dessous, la perception que les chefs d’entreprise ont de l’attractivité de leur propre pays en matière de prélèvements obligatoires (« attractivité vue par soi-même ») est très proche de la vision qu’ont l’ensemble des chefs d’entreprise européens de l’attractivité de chacun des pays concernés par l’enquête (« attractivité vue par les autres »). Il n’existe donc pas ici de décalage majeur entre l’image que les entrepreneurs se font de leur propre réalité fiscale et l’image que leur pays véhicule dans ce domaine à l’étranger. Ainsi, sur ces deux classements, la Pologne et le Royaume-Uni apparaissent comme les plus attractifs et, à l’autre extrême, la France, la Belgique et l’Italie restent, comme lors des enquêtes précédentes, en queue de peloton.

Tableau récapitulatif n°1 :
« Perception de l’attractivité des différents pays »

CLASSEMENT L’attractivité
« vue par soi-même »(1)
L’attractivité
« vue par les autres »(2)
1er Pologne Pologne
2ème Royaume-Uni Royaume-Uni
3ème Pays-Bas Hongrie
4ème Suède Pays-Bas
5ème Hongrie Allemagne
6ème Espagne Espagne
7ème Allemagne France
8ème Belgique Suède
9ème Italie Belgique
10ème France Italie

(1) Perception de l’attractivité de son propre pays (Classement selon % de réponses « attractif »)
(2) Pays européen le plus attractif (Classement selon les réponses données par l’ensemble des chefs d’entreprise)

En effet, les chefs d’entreprise polonais (69%) et britanniques (63%) sont les plus nombreux à considérer leur propre pays comme attractif en matière de prélèvements obligatoires pour une entreprise étrangère souhaitant s’y implanter. Mieux, ces scores sont en nette progression par rapport à 2006, de 21 points pour la Pologne, de 9 points pour le Royaume-Uni. Dans deux autres pays, les dirigeants d’entreprise sont également majoritaires à juger leur propre pays comme étant attractif : il s’agit des Pays-Bas (55%, contre 43% qui sont de l’avis contraire) et, malgré un taux de prélèvements obligatoires sur les entreprises (TPOE) objectivement très élevé, la Suède (51%, contre 48% qui ne partagent pas cette opinion).

Assez logiquement, le fossé persiste également sur ce point avec les pays dont les entrepreneurs jugent très élevé le niveau des prélèvements obligatoires. Seule une faible minorité des chefs d’entreprise italiens (19%) et français (15%, malgré une hausse de 7 points) juge son environnement fiscal séduisant. Même constat en Belgique où, dans un contexte marqué par une crise politique et identitaire sans précédent, cet avis n’est désormais partagé que par 20% des chefs d’entreprise, soit une baisse de 21 points par rapport à 2006. Signalons enfin le cas de l’Allemagne, jusqu’ici classée parmi les pays les moins attractifs, où l’on observe cette année un regain d’optimisme très significatif : 26% des dirigeants d’entreprise d’Outre-Rhin jugent leur pays attractif, soit une progression de 23 points par rapport à novembre 2006. La nette amélioration des indicateurs économiques (retour de la croissance en 2006 et début 2007, baisse du chômage, redressement des comptes publics, boom des exportations) et surtout l’annonce d’une baisse de l’impôt sur les sociétés à compter de 2008 expliquent pour beaucoup ces résultats.

Les pays aux modèles économiques les plus libéraux (la Pologne, le Royaume-Uni) sont donc également en haut du classement d’attractivité établi par l’ensemble des chefs d’entreprise européens (« attractivité vue par les autres »). Ainsi, 23% de l’ensemble des dirigeants européens interrogés situent toujours la Pologne en tête du palmarès (-1 point par rapport à 2006), suivie d’assez loin par le Royaume-Uni (14%, stable) et la Hongrie (10%, +2) qui retrouve la troisième place au détriment des Pays-Bas (7%, -2 points par rapport à l’an dernier). Soulignons ici que la Pologne arrive en première place auprès des chefs d’entreprise de tous les pays concernés par l’enquête à l’exception des britanniques, des français et… des polonais qui lui octroient la deuxième place, juste derrière le Royaume-Uni. Par ailleurs, l’enquête confirme une nouvelle fois l’attractivité exercée par la fiscalité pratiquée outre-Manche sur les entrepreneurs français : ceux-ci placent le Royaume-Uni largement en tête (27%, mais en baisse 7 points), devant les deux pays de l’Europe de l’Est qui réalisent cette année une percée remarquée (19%, + 7 points pour la Pologne et 11% , +8 points pour la Hongrie).

Tout en bas de l’échelle d’attractivité, les chefs d’entreprise européens classent une nouvelle fois la France avec 4% des réponses (+1 point), la Suède (3% des citations), la Belgique (3%) et l’Italie avec seulement 1%.

Ainsi, les trois groupes de pays identifiés lors des vagues précédentes selon des critères d’attractivité fiscale se confirment. Seule l’évolution de l’Allemagne est à souligner, celle-ci intégrant désormais le groupe de pays jugés « moyennement attractifs ».

  • Le premier groupe, celui des pays jugés attractifs, à la fois dans le pays même et à l’étranger est constitué de la Pologne, du Royaume-Uni et, dans une moindre mesure, de la Hongrie et des Pays-Bas.
  • Le deuxième groupe comprend les pays considérés les moins attractifs, là encore aussi bien par les chefs d’entreprise « nationaux » qu’« étrangers ». La France, dont le TPOE est effectivement le plus lourd de l’UE-15, la Belgique et l’Italie appartiennent toujours à cette catégorie.
  • Enfin, l’Espagne et la Suède, restent à un niveau intermédiaire entre les deux groupes précédents et sont désormais rejoints par l’Allemagne, qui affiche cette année une amélioration de l’ensemble des indicateurs présents dans l’enquête. Ainsi, la perception de l’Allemagne est désormais plus en phase avec son TPOE (taux de prélèvements obligatoires sur les entreprises), depuis plusieurs années inférieur au TPOE moyen de la zone étudiée.

Une réglementation fiscale toujours de plus en plus complexe

Si la perception de la pression fiscale s’améliore par rapport à l’an dernier, les chefs d’entreprise européens estiment toujours que la réglementation en la matière est de plus en plus complexe dans leur pays. En effet, cet avis est partagé par trois quarts d’entre eux (75%), contre une minorité de 18% (+1 point par rapport à 2006) qui considère à l’inverse qu’elle est de plus en plus simple.

Cette stabilité d’ensemble masque cependant des évolutions contrastées selon les pays. En Suède, la part de ceux qui trouvent que la réglementation y est « de plus en plus simple » a progressé une nouvelle fois pour atteindre 48%, soit une hausse de 7 points en un an et de 31 points depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition de centre-droit « Alliance pour la Suède ». La Suède est désormais le seul pays où les chefs d’entreprise estiment majoritairement que la réglementation se simplifie d’année en année. Comme pour l’ensemble des indicateurs testés dans cette enquête, les répondants polonais (19%, en hausse de 17 points) et allemands (10%, +6 points) se montrent là aussi moins insatisfaits qu’auparavant. Quant aux dirigeants français, ils se situent toujours parmi les plus critiques (seuls 10% d’entre eux estiment que le système se simplifie) devant les belges (6%), les italiens (3%) et le Royaume-Uni (1% seulement de satisfaits).

Services publics : amélioration du rapport qualité / prix

La majorité des chefs d’entreprise européens (56%) déclare que le niveau des prélèvements obligatoires pratiqué dans leur pays ne correspond pas à une bonne qualité de service public. Cependant, les entrepreneurs qui à l’inverse se disent satisfaits sont plus nombreux que lors des vagues précédentes (43%, +5 points par rapport à 2006 et 2005). Cette évolution est observée dans la totalité des pays concernés par l’enquête, à l’exception des Pays-Bas (–2 points) qui affichent néanmoins un taux de satisfaction toujours exceptionnellement élevé (73%, dont 26% de très satisfaits). Ainsi, l’allégement ressenti en matière de prélèvements obligatoires se traduit ici en une amélioration de la perception du « rapport qualité/ prix » des services publics. Soulignons plus ponctuellement les hausses de satisfaction enregistrées en Suède (71%, +11 points) où l’annonce de plus d’exigences de résultats envers l’administration semble porter ses fruits, ainsi qu’en Allemagne 38% (+12 points), malgré les grèves répétées dans le secteur ferroviaire. En dépit d’une légère amélioration, les entrepreneurs satisfaits du rapport qualité / prix des services publics restent très minoritaires dans les pays de l’Est (28% pour la Hongrie, 22% pour la Pologne) et en Italie (19%), les français se situant légèrement en dessous de la moyenne européenne (39%, + 2 points par rapport à 2006).

Les charges sociales, l’aspect fiscal clef, selon les entrepreneurs européens

Après une courte parenthèse en 2006, les chefs d’entreprise européens situent à nouveau les charges sociales (43%, +8 points) en tête des aspects fiscaux déterminants dans le choix d’un pays pour une éventuelle implantation à l’étranger, suivies de la stabilité juridique et réglementaire (40%, en baisse de 6 points) et de l’impôt sur les sociétés qui progresse pour la deuxième année consécutive et atteint désormais 40% des citations (+4 points en un an, +8 points depuis 2005).

Le recul enregistré en 2007 par la question de la stabilité juridique et réglementaire - dont le score particulièrement élevé de 2006 s’expliquait en bonne partie par la tenue d’élections ou par le climat d’instabilité dans plusieurs pays (Suède, Pays-Bas, Hongrie) - permet ainsi de retrouver la hiérarchie établie en 2005. Les charges sociales arrivent en tête en France (67%, -1 point), mais également, avec des scores certes plus modestes, en Espagne (57%), en Belgique (57%), en Allemagne (50%) et en Suède (41%). Quant à l’impôt sur les sociétés, il est cité en premier au Royaume-Uni, pays où l’IS est effectivement supérieur à la moyenne de l’UE des 15.

L’impôt sur le revenu (cité par 24% des entrepreneurs européens), la qualité des relations entreprises-administrations fiscales (23%) et la fiscalité locale (21%) apparaissent toujours loin derrière dans le classement.

II- La fiscalité environnementale

Des entrepreneurs très partagés sur la compatibilité des objectifs de rentabilité et de respect de l’environnement

Les chefs d’entreprise européens sont très partagés sur la question de la compatibilité entre rentabilité économique et respect de l’environnement. Certes, plus de la moitié d’entre eux (52%) estime que ces deux objectifs sont difficilement conciliables, mais une forte minorité (46%) est de l’avis contraire. Ces derniers sont d’ailleurs largement majoritaires dans certains pays tels que la Suède (66% des dirigeants) et, dans une moindre mesure, l’Allemagne (57%) et l’Espagne (56%). Ces trois pays, rappelons-le, affichent effectivement aujourd’hui des taux de croissance significatifs tout en étant d’ores-et-déjà en bonne voie pour atteindre les objectifs de réduction d’émissions de CO2 fixés par le Protocole de Kyoto pour la période 2008-2012. Les chefs d’entreprise hollandais, britanniques, hongrois et polonais se montrent en revanche plus pessimistes : a peine plus d’un tiers d’entre eux jugent faible l’impact des démarches respectueuses de l’environnement sur la rentabilité de l’entreprise. La France, la Belgique et l’Italie se situent ici dans la moyenne européenne. On notera par ailleurs que l’on n’observe pas de différences significatives sur cette question en fonction de la taille de l’entreprise ou de son secteur d’activité, les dirigeants des sociétés de transports notamment ne se démarquant pas des autres.

La fiscalité, le moyen jugé le plus efficace pour encourager le respect de l’environnement

Interrogés sur le moyen le plus efficace pour inciter les entreprises à adopter des démarches respectueuses de l’environnement, les entrepreneurs penchent majoritairement pour l’adoption de mesures fiscales incitatives et dissuasives (61%) plutôt que pour l’établissement de règles strictes par le biais de lois et de réglementations (35%). L’outil fiscal est privilégié par les chefs d’entreprise de la plupart des pays concernés par l’enquête, à commencer par le Royaume-Uni (79%), l’Allemagne (78%) et la France (71%). A l’inverse, les Suédois se démarquent là encore en rejetant pour la plupart d’entre eux l’utilisation de la fiscalité comme outil de protection de l’environnement. Dans ce pays, aujourd’hui en avance du point de vue de l'environnement, les chefs d’entreprise semblent moins gênés par le caractère imposé des lois et des règlementations : ils sont ainsi 55% à opter pour l’établissement de règles strictes.

Les avis des Européens sont nettement moins tranchés lorsqu’il s’agit de déterminer le type de fiscalité le plus efficace pour faire évoluer les comportements vers un plus grand respect de l’environnement. A niveau de prélèvement global constant, 47% des entrepreneurs considèrent qu’il vaut mieux sous-taxer les comportements vertueux plutôt que surtaxer les gestes polluants, cette dernière option ayant été retenue par 46% des répondants. Cet équilibre au niveau européen entre partisans d’une fiscalité incitative d’une part et dissuasive de l’autre se reproduit au sein de chacun des pays concernés par l’enquête. Seules trois exceptions sont à souligner : la Suède, qui affiche là encore une préférence assez nette pour l’option la plus « sévère », c'est-à-dire la sur-taxation des comportements non respectueux de l’environnement (56%, contre 46% en moyenne pour les dix pays) et l’Italie et l’Espagne qui penchent clairement (respectivement, 60% et 55%, contre 47% en moyenne) pour la sous-taxation des comportements vertueux. On notera également que, en termes de secteurs d’activité, les chefs des entreprises de transport donnent leur préférence à la fiscalité incitative.

Enfin, concernant plus spécifiquement les émissions polluantes liées au transport routier de marchandises, la majorité des entrepreneurs (55%) considère que le moyen le plus efficace pour les réduire est d’aider au développement d’offres de transport alternatives (rail, eau…). Presqu’un tiers des chefs d’entreprise lui préfère une réglementation stricte sur le niveau des émissions des poids lourds (30%), seuls 11% citant le système de redevance kilométrique frappant les poids lourds. Cette hiérarchie des préférences se reproduit dans chacun des pays concernés par l’enquête (à l’exception de la Belgique où l’établissement d’une réglementation stricte arrive légèrement en tête), ainsi que chez les chefs d’entreprise du secteur du transport, même si ceux-ci sont plus nombreux que la moyenne à citer l’application de règles sur le niveau des émissions des poids lourds (39%, contre 30% pour l’ensemble des répondants).

Des entrepreneurs conscients de la nécessité de participer à l’effort collectif pour la protection de l’environnement…

Même si concilier rentabilité économique et respect de l’environnement n’est pas toujours évident, les entrepreneurs européens ne sont pas pour autant opposés au principe des taxes environnementales sur les entreprises. Bien au contraire, une large majorité d’entre eux (79%) estime que celles-ci sont « tout à fait » (21%) ou « plutôt » (58%) justifiées, contre une minorité de 19% seulement qui affiche son opposition. L’avis majoritaire est partagé par les dirigeants de tous les pays concernés par l’enquête, y compris par ceux estimant que la pression fiscale globale pratiquée dans leur pays est très élevée. Ainsi, sans atteindre le score espagnol (92% jugent ces taxes justifiées) ou néerlandais (91%), les entrepreneurs belges (83%), italiens (82%) et français (68%) trouvent eux aussi normal que les entreprises aient à s’acquitter de taxes environnementales. Aucun secteur d’activité ne déroge par ailleurs à cette opinion.

Si les entrepreneurs jugent légitime de devoir payer des taxes environnementales, c’est aussi parce qu’aujourd’hui celles-ci n’alourdissent pas de façon trop significative des prélèvements obligatoires jugés déjà très élevés. En effet, presque deux tiers des répondants (64%) déclarent que les taxes vertes représentent actuellement pour leur entreprise un poids faible, un tiers les jugeant en revanche élevées (32%). Le classement des pays est ici cohérent avec les données publiées sur ce sujet par Eurostat. Les chefs d’entreprise français et espagnols sont les moins critiques sur le niveau de ces taxes ; la part des recettes fiscales environnementales dans le PIB de ces états est en effet en-dessous de la moyenne européenne. A l’inverse, aux Pays-Bas où les « taxes vertes » sont proportionnellement plus onéreuses, les chefs d’entreprise sont effectivement plus nombreux à les juger « élevées ». Signalons enfin que le secteur d’activité s’avère ici être un critère discriminant : seulement 24% des entreprises de services et 27% de celles du BTP supportent des taxes environnementales « élevées » alors que ce score grimpe à 38% dans l’industrie et à 45% pour les entreprises de transport, la taxe sur les produits pétroliers occupant une place centrale dans la fiscalité verte en Europe.

… mais qui estiment que les taxes environnementales n’ont pas vocation à devenir un outil budgétaire

Autre enseignement de cette enquête : pour les chefs d’entreprise, les taxes vertes ne sont pas destinées à devenir un « outil budgétaire ». Les entrepreneurs européens estiment que les recettes provenant des taxes vertes doivent être affectées en priorité « à la protection de l’environnement en général » (40%) ou plus spécifiquement à « la création d’infrastructures favorables à l’environnement », comme par exemple de voies d’eau (30%). La recherche et le développement (21%), l’allègement des impôts et taxes pesant sur le travail (16%) et surtout l’allégement du déficit public (6%) n’arrivent en effet que loin derrière. Cette primauté accordée à la protection de l’environnement est valable pour les dix pays concernés par l’enquête.

Moins d’une entreprise européenne sur cinq concernée par les incitations fiscales liées au respect de l’environnement

Seulement 56% des entrepreneurs européens ont aujourd’hui connaissance de l’existence dans leur pays d’incitations fiscales encourageant les entreprises à adopter des démarches respectueuses de l’environnement. Cette proportion est tout de même plus élevée dans certains pays tels que les Pays-Bas (71%), la Suède (68%) et la Belgique (65%) ainsi que dans les entreprises européennes de plus de cent salariés (63%) ou encore dans celles appartenant au secteur des transports (65%), plus directement concernées. Mais ce score reste encore en-dessous de la barre des 50% en France (47%), en Italie, en Pologne ou encore au Royaume-Uni.

La proportion d’entreprises européennes déclarant aujourd’hui bénéficier de ces incitations fiscales s’élève à 18%, dont 36% des entreprises de transport et 31% des industries. Ce score européen est par ailleurs très variable selon les pays : situé entre 25% et 30% pour la Suède, les Pays-Bas, la Pologne et la Belgique, il chute à moins de 10% dans les quatre principales économies européennes. Ainsi, seulement 9% des entreprises britanniques déclarent bénéficier de telles incitations fiscales ; elles sont également 9% en Allemagne, 6% en France et 3% en Italie.

En matière d’incitations fiscales dans le domaine environnemental, les attentes des entrepreneurs européens se centrent principalement sur les investissements destinés à l’utilisation de sources d’énergies renouvelables (41%), suivi de l’acquisition de véhicules industriels et commerciaux moins polluants (32%), les investissements dans les installations industrielles et commerciales économes arrivant en dernière place avec 24% des citations. Signalons ici que ces derniers arrivent en tête en Pologne et en Italie, de même que l’acquisition de véhicules moins polluants en Allemagne, en Espagne et, logiquement, chez les entreprises européennes du secteur des transports.

Fort soutien à une eco-taxe sur les produits des pays n’ayant pas ratifié le protocole de Kyoto

Les chefs d’entreprise européens sont catégoriques : 80% d’entre eux s’accordent pour affirmer qu’il existe des distorsions de concurrence entre les entreprises de l’Union européenne et celles des pays ne respectant pas le Protocole de Kyoto qui limite les émissions de CO2. Cet avis est partagé par l’ensemble des entrepreneurs interrogés, quels que soient leur pays d’implantation, leur secteur d’activité ou la taille de leur établissement. Une large majorité d’entre eux (86%), les Français en tête (100%), sont par ailleurs favorables à la proposition récemment évoquée à ce sujet lors du Grenelle de l’environnement : l’instauration d’une éco-taxe européenne pour taxer à la frontière les importations en provenance des pays n’ayant pas ratifié ce protocole (parmi lesquels les Etats-Unis, l’Australie ou encore la Turquie). Rappelons toutefois que si certains des pays qui ont ratifié le protocole de Kyoto ont sensiblement réduit leurs émissions de CO2 depuis 1990, d’autres, l’Italie en tête, sont encore très loin d’atteindre les objectifs fixés pour la période 2008-2012.

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