Les sondages, pour comprendre les tendances , non pour prédire le résultat

Depuis dimanche dernier, les sondages sont accusés d’avoir favorisés l’élimination de Lionel Jospin du second tour de l’élection présidentielle et d’avoir fait le jeu de Jean-Marie Le Pen. Leurs censeurs, hommes politiques ou représentants des médias sont souvent les premiers ces derniers jours à s’inquiéter en privé de l’évolution de nos résultats.

Depuis dimanche  dernier, les  sondages sont accusés d’avoir  favorisés l’élimination de  Lionel  Jospin du second tour de l’élection présidentielle  et d’avoir fait le jeu de  Jean-Marie  Le Pen.  Leurs censeurs,  hommes politiques ou représentants des médias sont souvent les premiers ces derniers jours à s’inquiéter en privé de l’évolution de  nos résultats. Ils n’en demandent  pas moins l’interdiction  des sondages entre les deux  tours  « au nom du  combat  contre  l’extrêmisme» et de la mobilisation générale  contre  Jean-Marie Le Pen. Après  concertation  Le  Figaro, Europe1 et Ipsos, ont décidé de ne pas suivre ces multiples injonctions et les  décisions de certains de nos confrères. Au-delà  de  la nécessité de poursuivre  une  mission d’information sur l’état de l’opinion, voici ce  que  nous  répondons  aux différents  arguments  développés  depuis  une  semaine.

« Les sondages  n’ont rien  vu venir  avant le premier  tour, ils  ne verront rien avant le second tour.  La  vocation  de nos enquêtes n’est  pas de  prédire  au point  près  le  résultat du  vote.  Le Figaro n’a jamais cessé de le rappeler. Mardi 16 avril, nous titrions en « une » : « Les sondages sens dessus-dessous », sans rien dissimuler des difficultés nouvelles à photographier une opinion hésitante, fluctuante et rêtive à l’interrogation. Vendredi 19 avril, avant-veille du premier tour, nous consacrions notre titre de première page non pas à l’ordre d’arrivée des différents candidats mais aux « 41% des Français  qui n’ont pas choisi».   Délibérément nous attirions l’attention de  nos lecteurs sur l’exceptionnel niveau  d’indécision du corps  électoral. Et partant sur l’impossibillité de  prévoir avec certitudes les résultats.

Quant à parler de « faillite des sondages » comme le font certains, c’est  ignorer la réalité.  Tout  au long de  la campagne de  premier tour nos enquêtes ont fort bien mesuré  les  percées  et les phénomènes d’érosion de  Jean-Pierre Chevènement et d’Arlette  Laguiller. Le niveau des « petits candidats », censés pourtant se situer dans la zone d’imprécision statistique, a été justement  apprécié, de même que la dégradation continue des positions de Lionel Jospin et de Jacques Chirac, mais aussi la progression  impressionnante  de Jean-Marie  le Pen et la montée  en puissance du  vote potentiel en faveur des extrêmes.  Le choc psychologique du premier tour fausse la perspective : on croit que les sondages ont eu « tout faux » parce qu’ils n’ont pas vu que la courbe de Jean-Marie Le Pen  croiserait celle de Lionel Jospin, mais si l’on compare les dernières enquêtes au résultat final, on constate que le différentiel demeure dans les limites strictes de la marge d’erreur statistique, que nous n’avons jamais cessé de mettre en avant.

Il ne s’agit pas bien sûr de nier  la  difficulté, réelle,  à capter  l’intention de vote favorable  à Jean-Marie Le Pen.  Mais ceux qui  exigent  plus, c’est  à dire un pronostic  à coup sûr  nient la nouvelle  situation de  volatilité  électorale et  par la même la liberté ultime des électeurs.

« L’instrument ne serait  plus en mesure de cerner  la  tendance  pré-électorale » : Pour  pouvoir  être  aussi  sûr d’une telle  affirmation, quelle  meilleure  solution que  de  continuer   à mener  des enquêtes ? Les  équipes  d’Ipsos  ont enregistré dans le  sondage  que nous publions aujourd’hui une nette  baisse  du niveau de refus opposé  à l’interview. A ceux qui considèrent qu'il n’est  plus possible d’interroger  sérieusement les  Français, une question s’impose : en quoi serait-ce  plus  facile  à l’approche des législatives, la plus complexe de toutes  les élections ? Personne  bien sûr ne  doute des limites de  l’instrument d’intention de  vote. Il reste  néanmoins la meilleure  clarification face  à  toutes  les rumeurs de ces derniers  jours. Il  a par ailleurs toujours  été  accompagné depuis  quatre mois  d’éléments  d’information  sur le  climat de  campagne, l’image et  la  crédibilité des  candidats, l’impact des enjeux de campagne. La  richesse  des données  publiées  aujourd’hui  va  dans  le même  sens

« Un sondage  donnant  l’impression d’une  défaite  assurée  de  Jean-Marie Le  Pen  est  dangereux. » Un sondage d’intentions de  vote  ne peut pas  avoir  comme  fonction ultime l’incitation au vote, moins encore au vote en faveur de tel ou tel. Il n’est en  rien  une prédiction et s’il devait offrir une  garantie  absolue, le choix  démocratique  par le  vote  en serait  singulièrement dévalué. Et que  diraient  les partisans  de  la censure  si  des enquêtes  sérieusement conduites mais non-publiées faisaient  apparaître  une  progression forte  du président  du Front National en  fin de semaine ? Faudrait-il  alors changer  une nouvelle  fois la  règle  sous prétexte de  mobiliser les  indécis ? L’obsession de  « l’effet sondage » apparaît  en réalité  comme  une  manifestation singulière d’absence de  confiance dans  les  électeurs.

Source d’information précieuse  en  campagne  électorale,  notre baromètre n’en demeure pas  moins soumis à  une obligation de  prudence dans son interprétation.  Au-delà des  indicateurs de  volatilité du choix, nous avons voulu renforcer ces dispositions jusqu’aux législatives. La nouvelle tendance d’intentions de vote sera désormais « encadrée » par des  niveaux  minimum et maximum calculés  à partir du niveau d’hésitation des  électeurs en faveur des solutions alternatives : le vote pour l’adversaire, le  vote  blanc, nul et l’abstention. Pour qu’il soit bien clair aux yeux de tous qu’un sondage ne saurait être autre chose que ce qu’il prétend être : un instrument imparfait mais irrempaçable, au service d’une démocratie adulte. 

Le  Figaro, Europe 1  et  l’Institut Ipsos

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