L''euro, pour rapprocher les peuples
Par delà les conséquences économiques, l''arrivée de l''euro va rapprocher les Européens. Les résultats de l''enquête Ipsos-Observatoire Thalys montrent que l''instauration de la monnaie unique, en facilitant et développant les échanges, devrait posera les jalons de relations plus étroites entre les habitants de l''Euroland. A plus long terme se profile même un consommateur d''abord européen.
Proximité culturelle asymétrique
Interrogés sur leur sentiment de "proximité culturelle" à un autre pays que le leur, les Européens regardent d'abord au sud. La France est le pays le plus souvent cité (17%), devant l'Italie (12%) et l'Espagne (10%). Outre l'attraction latine, le sentiment de proximité est également régi par des rapports de voisinage géographique : l'hexagone par exemple se partage à parts quasi égales entre quatre voisins proches : l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne et la Belgique. Le channel semble en revanche constituer une frontière peu perméable à la proximité des sentiments (seulement 5% des Français se sentent proches des Britanniques). Le phénomène s'observe de façon analogue en Allemagne et aux Pays Bas, même si l'attrait du Sud joue un rôle plus important qu'ailleurs. La réciproque à la théorie du voisinage n'est pourtant pas forcément vraie : les Britanniques, qui répartissent leur proximité culturelle sur plus de 15 pays, choisissent plus souvent la France (19% de réponses)… point de vue que les Français n'épousent qu'à 5%. Les Espagnols, qui citent l'Italie au premier chef de leur ressemblance (33%) ne se voient rendre la pareille qu'à 21% par les Italiens, qui se sentent plus proches des Français (32%). Dans un paysage finalement assez éclaté en terme de perceptions de proximité culturelle, plus d'un Européen sur trois voient dans l'euro une opportunité de rapprochement entre eux. Ils pensent toutefois plus volontiers à un rapprochement économique sous l'impulsion d'échanges entre pays (39%), qu'à la création d'une culture paneuropéenne (20% de suffrages malgré tout). Moins de trois Européens sur dix jugent aujourd'hui que l'euro créera essentiellement des difficultés Sur toutes ces questions, les divergences de point de vue pays par pays sont toutefois assez nettes.
L'exception française : le "Francoptimisme" Les résultats observés auprès des Français sont particulièrement symptomatiques de ces contrastes : devançant tous les autres pays interrogés sur les bénéfices de l'euro, les Français se montrent les plus convaincus de l'impact de la monnaie unique sur le rapprochement des Européens (54%), en particulier sur le développement des échanges économiques (64%). Parallèlement, ce sont aussi les plus optimistes quant à l'avènement d'une culture commune (36%).
L'attentisme des Pays Bas: Si la moitié des Hollandais croient au rapprochement économique, ces derniers se démarquent par leur scepticisme quant aux rapprochements entre Européens, tout en se sentant plus souvent que leurs voisins à l'abri de difficultés liées au passage à l'euro ; 16% estiment même spontanément que euro ne changera rien.
La circonspection : du point de vue sévère des Allemands…Les Allemands, à l'inverse, appréhendent particulièrement les difficultés consécutives au passage à la monnaie unique (43%), devançant sur ce point tous les autres pays interrogés. Ils arrivent en quatrième place quant à leur perception d'un bénéfice commercial (37%), croient modérément au rapprochement des Européens (35%) et moins encore au développement d'une culture commune (17%).
… à la réserve des Espagnols, Belges et Italiens L'Espagne, la Belgique et l'Italie constituent un quatrième pool de pays, dont les réponses s'avèrent assez proches de celles des Allemands : assez partagés quant au développement d'une culture paneuropéenne, environ un tiers investissent l'euro d'une fonction fédératrice entre les peuples. Si les Belges partagent la perception des Allemands quant au développement des échanges économiques (41%), les Italiens (34%) et plus encore, les Espagnols (28%) font montre d'une plus grande réserve.
Le Royaume Uni sur le banc de touche Non directement concernés par la prochaine échéance de janvier 2002, les Britanniques font montre d'une anticipation assez négative : seul un quart des interviewés juge que l'euro aura un impact sur les relations entre Européens ou sur les échanges économiques, et près de la moitié anticipent des difficultés (40%). Très rares sont encore ceux qui pensent que la monnaie unique aura une incidence sur l'essor d'une culture paneuropéenne (7%).
Les prémisses du consommateur européen ?
Quoiqu'imaginant volontiers des échanges économiques entre les pays, les Européens s'avèrent partagés quant aux facilités développées grâce à la monnaie unique. Les réponses recueillies, peu consensuelles, tendraient à montrer que "l'euroconsommateur" n'en est encore qu'à sa genèse. Une personne sur cinq estime pourtant d'ores et déjà qu'elle achètera plus de produits qu'avant dans les autres pays de l'Union. Par ailleurs, la moitié des interviewés s'accorde sur le bénéfice théorique de comparaison des prix entre pays et ils sont encore un quart à imaginer que la monnaie unique aura une véritable incidence sur les achats dans l'Euroland. De même, les voyages seraient facilités pour un tiers des Européens, permettant les départs à l'improviste (31%) ou une meilleure estimation des dépenses à l'étranger (30%). Du coup, un cinquième des sondés sont d'avis que l'euro aura une incidence sur leurs propres habitudes de consommation et de déplacement : 22% pensent en profiter pour voyager davantage et 20% pour acheter plus de produits hors frontières.
Sur ce thème également, les disparités entre pays sont fortes :
Les Français confortent leur optimisme : ils sont prioritairement convaincus de l'impact de l'euro sur la facilité à appréhender les prix dans l'Euroland (71%) et sur le développement des achats (60%). Ce sont encore les plus convaincus de l'impact de l'euro sur le développement des voyages (58%), le contrôle des dépenses à l'étranger (56%), ou les départs à l'improviste (55%). Les Français, pourtant moins Internautes que les Européens (environ 30% des Français disposent d'une connexion à Internet contre 44% pour l'ensemble des pays interrogés), sont les plus acquis à l'idée que la monnaie unique développera les achats en ligne (39% contre 16% de citations de l'ensemble).
Les Pays Bas, l'Allemagne et la Belgique se montrent également plutôt acquis aux bénéfices de euro sur les facilités à consommer à l'étranger et à se déplacer dans l'Euroland. Toutefois, les réponses se répartissent diversement : les Néerlandais comme les Belges, se montrent après les Français les plus convaincus de l'impact de euro sur les départs à l'improviste, résultat à rapprocher de leurs fortes habitudes de déplacements. Les Allemands se montrent moins acquis à l'idée de voyages improvisés, mais 36% d'entre eux misent sur la monnaie unique pour globalement faciliter les déplacements et le contrôle de leurs dépenses lorsqu'ils voyageront. Enfin, plutôt sceptiques quant au développement des échanges économiques entre pays grâce à l'euro, les Espagnols se montrent également peu convaincus de son impact sur les comportements d'achat et les déplacements à l'étranger (tous les items proposés recueillent des scores inférieurs à 30%). Cette relative réserve est peut-être à rapprocher de leurs habitudes de déplacement ; ils sont, de toutes les nationalités interrogées, les plus sédentaires.
La prochaine étape : comprendre et se faire comprendre…
Interrogés sur ce qu'ils perçoivent comme la prochaine étape du rapprochement des pays membres, les Européens indiquent que la barrière à laquelle ils se heurtent encore le plus est celle de la langue : quitte à choisir une mesure favorisant le rapprochement des Européens, les interviewés optent pour l'optimisation des connaissances linguistiques (38%) et culturelles (28%) des autres pays. Les voyageurs en particulier préconisent une meilleure connaissance de la langue des pays voisins pour assurer la cohésion de l'Union (43%). Dans une moindre mesure, près d'un Européen sur cinq favoriserait plus pragmatiquement la suppression des frontières géographiques (17%). L'idée d'élire un président commun ne convainc qu'une minorité (6%). Les résultats recueillis dans les différents pays s'avèrent, contrairement aux questions précédentes, assez homogènes.
L'euro apparaît aux Européens comme un outil de développement des échanges économiques entre pays membres et de rapprochement des populations. Un cinquième partage même l'idée qu'il pourra constituer l'objet de création de référents identitaires communs. A moins de 100 jours de la prochaine échéance calendaire, l'accueil à la monnaie unique est donc jugé favorablement par la majorité des Européens interrogés et il n'est guère qu'un cinquième d'entre eux à anticiper des difficultés à venir. La perception des bénéfices de euro et de ses éventuels inconvénients n'est pas pour autant antinomique car plus on investit d'espoirs dans la fonction de développement des échanges économiques par le biais de euro et plus les craintes semblent fortes quant aux difficultés à naître.
Pour autant, la vision des Européens demeure assez macro-économique : s'ils s'accordent relativement sur le bénéfice théorique de comparaison des prix dans l'Euroland, l'intention effective de modifier leurs comportements de consommation ne concerne pour le moment qu'un cinquième d'entre eux. Ce résultat mérite toutefois d'être relativisé, à la lumière des comportements de déplacements des Européens à l'étranger : près de la moitié d'entre eux ne se déplacent jamais à l'étranger, ni à titre professionnel, ni à titre privé. Dans ce contexte, l'idée que euro puisse constituer une facilité lors des déplacements dans l'Euroland leur semble relativement acquise. Si de la théorie à la pratique subsiste toutefois un pas, un cinquième des personnes interrogées voit déjà dans l'arrivée de l'euro une incitation personnelle à davantage voyager. Ainsi, ces résultats semblent indiquer que la monnaie unique constituera pour une frange d'Européens sédentaires un déclencheur et pour ceux déjà acquis aux voyages à l'étranger, un encouragement à le faire plus souvent. Pour les plus assidus des voyages enfin, la monnaie unique pourrait inciter à profiter de leurs déplacements, pour inaugurer l'ère d'un euroconsommateur.