L’impossible équilibre entre vie personnelle & vie professionnelle ? Retour sur l’exception féminine à la française

L’étude FleishmanHillard « Women Power and Money » conduite par Ipsos donne la parole aux femmes à travers le monde et analyse leur rapport à la famille, au couple, à la carrière, à l’économie et aux marques.

Comment concilier, en 2013, les responsabilités de la vie professionnelle, les contraintes de la vie privée et familiale, et des aspirations plus personnelles ? C’est la question à laquelle de nombreuses femmes à travers le monde cherchent à répondre. D’un pays à un autre, le contexte économique, l’état des infrastructures, l’évolution des mentalités, le rôle des hommes et la culture nationale à proprement parler, jouent autant sur les possibilités que sur les difficultés à concilier tous les rôles.

L’étude menée par Ipsos pour FleishmanHillard, agence de communication internationale, apporte de précieux éclairages sur les spécificités de la situation des femmes françaises aujourd’hui. À travers une étude portant sur un échantillon national représentatif de femmes de 21 à 69 ans dans cinq pays (France, Allemagne, Grande-Bretagne, Etats-Unis et Chine), c’est un portrait tout en nuances qui est donné de la femme française. Surtout, cette étude inédite permet une mise en perspective internationale qui permet de prendre la vraie mesure de certaines tendances.

Ainsi se confirme chez les Françaises l’impression très forte d’un retard dans leur avancement en termes de responsabilités professionnelles : en majorité, les femmes françaises se sentent toujours autant dominées par les hommes dans les cercles du pouvoir, malgré des performances scolaires équivalentes, voire supérieures. Surtout, l’enquête permet de confirmer l’exception familiale française. Non seulement les femmes françaises figurent parmi celles qui font le plus d’enfants en Europe, mais elles sont aussi celles qui sont les plus préoccupées par l’avenir de leurs enfants et qui, en conséquence, s’investissent le plus dans la sphère familiale. Ce surinvestissement se fait souvent au détriment de leur épanouissement personnel.

Enfin, dans le contexte économique international, la femme française apparaît comme une consommatrice soucieuse de qualité, exigeante et attachée à la société de consommation.

1. Des frustrations professionnelles amplifiées par la crise

Comparées aux autres femmes en Amérique du Nord ou en Europe, les Françaises se distinguent par l’étendue de leurs frustrations. La crise les a fragilisées financièrement. Ce sentiment de vulnérabilité accrue vient renforcer une insatisfaction professionnelle. Malgré leurs bonnes performances scolaires et universitaires, elles ont le sentiment que certains domaines restent difficiles d’accès, et leurs revenus ne sont toujours pas en ligne, à position égale, avec ceux des hommes.

Frustrations financières

Les Françaises sont celles qui disent éprouver le plus le contrecoup de la crise sur leur situation. Elles ont le sentiment d’avoir été fragilisées financièrement depuis 2008. 72% déclarent que leur situation financière s’est dégradée contre respectivement seulement 47% aux USA et 41% en Allemagne. Leur cas se rapproche de celui des Britanniques (65%).

Insatisfaction professionnelle

Cette fragilisation amplifie probablement l’insatisfaction exprimée quant à leur carrière. Même si l’insatisfaction des femmes est manifeste quel que soit le pays étudié, les Françaises se distinguent en obtenant les scores les plus bas de l’ensemble des pays. À la question de savoir si elles sont satisfaites de leur carrière, seulement 26% en conviennent contre 28% en Chine, 32% en Grande Bretagne, 35% en Allemagne et 41% aux USA.

Les inégalités hommes/femmes dans la vie professionnelle et la vie privée

Cette insatisfaction est avivée par l’impression persistante que les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes demeurent importantes. De fait, comme une grande majorité des femmes dans les quatre autres pays étudiés, 93% des femmes françaises considèrent que « les hommes sont souvent mieux payés que les femmes à mission égale. »

Cette inégalité persistante explique que les femmes continuent majoritairement de voir certains domaines comme dominés par les hommes. Car si une courte majorité de femmes reconnait que les hommes et les femmes réussissent aussi bien dans la société en général (53%), les chemins de la réussite ne suivent pas la même pente ascendante.

C’est le cas des champs du pouvoir traditionnel : celui des affaires et celui de la politique. Si les femmes reconnaissent souvent mieux réussir dans leurs études, elles considèrent que les hommes réussissent mieux dans le domaine des affaires (59%) et la politique (53%).

Cette prédominance des hommes n’est pas perçue comme légitime, car les compétences requises pour réussir dans ces domaines sont tout aussi bien remplies par les hommes que par les femmes. Ainsi sont-elles 72% à considérer qu’hommes et femmes sont tout aussi aptes à « diriger une équipe », et 58% à « avoir de l’assurance pendant les négociations ».

Une des faiblesses que les femmes reconnaissent elles-mêmes : elles ont du mal à « demander activement des hausses salariales ». 52% considèrent que les hommes sont meilleurs dans ce domaine.

Cette inégalité persiste également dans le couple. 70% des femmes françaises interrogées ont des revenus inférieurs à ceux de leur conjoint, alors que nombreuses sont celles qui disposent d’un niveau d’éducation équivalent à celui-ci.

De fait, les mentalités semblent évoluer lentement. Il faut souligner que 50% des Françaises estiment que « de nombreux hommes ont du ressentiment face à l’avancement des femmes ces dernières années ».

2. Priorité à la famille au détriment de son épanouissement personnel

Un surinvestissement dans la sphère familiale au sens large (enfants et parents âgés)

Une spécificité des Françaises réside dans leur investissement au sein de la sphère familiale. Elles font montre d’une prédisposition « sacrificielle » nettement plus franche quand elles évoquent leurs enfants. Ainsi sont-elles beaucoup moins nombreuses que les femmes interrogées dans les autres pays à admettre : « Je ne vois pas d’inconvénient à faire passer à l'occasion mes besoins avant ceux de ma famille ». Seules 31% des Françaises n’y voient pas d’inconvénient, contre 75% des Américaines, 70% des Britanniques, 58% des Allemandes ou… 95% des Chinoises. L’écart est très important, ce qui confirme qu’en France, la famille revêt une dimension symbolique extrêmement forte. Ce surinvestissement est à mettre en relation avec le surinvestissement scolaire auquel nous assistons depuis plusieurs années dans la société française (écoles privées, cours particuliers, succès des offres de soutien scolaire…).

Les enfants d’abord

Ce surinvestissement se traduit par une attention très forte portée au développement de leurs enfants. Les Françaises sont très soucieuses de la sécurité alimentaire de leurs enfants. La succession de scandales alimentaires ces dernières années a amplifié ce qui reste une caractéristique française. C’est la préoccupation numéro 1 des Françaises à 95%, loin devant les autres femmes occidentales : 75% pour les Américaines, 69% pour les Anglaises, 60% pour les Allemandes. Seules les Chinoises devancent les Françaises d’un petit point. D’une manière générale, on observe chez les femmes françaises une appréhension sur les questions de sécurité que l’on ne retrouve pas au même degré dans les autres pays. En revanche, elles se sentent parmi les moins concernées par les grands enjeux internationaux et leur impact : 63%, c’est le score le plus faible, ex-aequo avec les Allemandes.

Les enfants ne sont d’ailleurs pas les seuls à faire l’objet de l’appréhension des Françaises : ce sont les plus inquiètes des femmes interrogées pour leurs propres parents : 46% se disent « inquiète que mes parents n'aient pas les ressources financières nécessaires pour vivre de façon autonome ».

Une vie privée en demi-teinte

Cette implication très forte pour ses enfants et sa famille ont des répercussions manifestes sur leur propre épanouissement personnel. Les Françaises sont les plus nombreuses à exprimer une insatisfaction en ce qui concerne leur temps de loisir. Au sein des pays occidentaux, elles sont également les moins satisfaites s’agissant de leurs relations sociales. Tout se passe comme si le temps leur manquait pour réussir à combiner de façon harmonieuse l’ensemble de leurs aspirations professionnelles et personnelles.

3. Une consommatrice exigeante en quête de simplicité, fiabilité et qualité de service

En matière de consommation, la femme reste au sein du couple celle qui tient les cordons de la bourse et prend les décisions, notamment pour les produits d’hygiène, les vêtements, l’alimentation, les appareils ménagers… Les hommes sont rarement seuls à décider, même dans des secteurs traditionnellement associés à la gent masculine tels que l’automobile ou la technologie. Une majorité de femmes disent le faire ensemble, et, signe des temps, en matière technologique 26% le font seules.

Dans leurs comportements d’achats, la recherche du bon plan fait désormais partie de la norme pour l’écrasante majorité d’entre elles. A noter néanmoins que les Françaises prisent moins les premiers prix que les Américaines ou les Allemandes. Les Françaises sont prioritairement attachées au rapport qualité / prix (94%) plutôt qu’au prix le plus bas. Les cosmétiques par exemple restent mieux préservés de la tentation low cost. C’est dans ce secteur qu’elles reconnaissent plus que les autres acheter des produits de luxe.

Les Françaises se déclarent à 47% submergées face à un choix pléthorique de produits qui varie selon les catégories. Seules les Chinoises se sentent davantage perdues (53%), puis viennent les Allemandes (45%), les Anglaises (36%) puis les Américaines (32%). La simplification des gammes et des canaux de distribution semble importante pour aider les Françaises dans leurs décisions d’achats.

Les Françaises se montrent plus exigeantes que les autres. Pour de nombreuses catégories (vacances, bijoux, produits d’hygiène, automobile,…), elles expriment un taux de satisfaction nettement moins important que dans les autres femmes.

Lorsqu’il s’agit de choisir une marque, les Françaises vont privilégier celles qui lui paraissent fiables (83%), qui lui inspirent confiance (77%) et lui offrent la meilleure qualité de service (73%).

Indice de qualité ou de solidarité et patriotisme économique ? Les produits fabriqués dans leur pays sont davantage plébiscités que dans les autres pays : 68% des Françaises déclarent extrêmement ou très important, lorsqu’il s'agit de choisir une marque, que les produits soient fabriqués en France. C’est la préférence nationale la plus élevée parmi les femmes interrogées dans le monde.

© Kheel Center for Labor-Management Documentation and Archives,Cornell University Library (Creative Commons / Usage commercial autorisé)


Fiche technique :

L’enquête « Women, Power and Money » a été réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 750 femmes âgées de 21 à 69 ans par pays en France, Allemagne, Grande Bretagne et Chine, et de 1008 femmes aux Etats-Unis, interrogées en février 2013, via l’Access Panel Online d’Ipsos. Méthode des quotas (âge, profession de la personne interrogée, région et catégorie d’agglomération).

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