Lycéens / chefs d’entreprise : regards croisés sur les métiers « porteurs d’emplois »

Ipsos a traité les résultats d’une consultation lancée en 2008 par l’Association Jeunesse et Entreprises auprès de lycéens en classe de 1ère (générale, BTS ou CFA) et de chefs d’entreprises, sur « les métiers porteurs d’emploi ». L’idée était de confronter les perceptions des jeunes à une étape cruciale de leur orientation professionnelle à celles des dirigeants d’entreprises en ce qui concerne le marché du travail et plus spécifiquement les secteurs d’activité et les métiers porteurs d’emploi.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
  • Federico Vacas Directeur de département - Public Affairs
Get in touch

Les Lycéens se montrent à la fois réalistes et ambitieux dans leur perception du marché du travail

L’un des premiers enseignements de cette enquête est que les lycéens donnent une définition à la fois réaliste et ambitieuse des « métiers porteurs d’emploi ». Si 86% des lycéens répondent que c’est un métier qui offre des débouchés (seuls 8% pensent le contraire), ils sont tout de même 73% à déclarer qu’un métier porteur d’emploi est un métier d’avenir (18% ne sont pas d’accord).
Les lycéens ne s’inscrivent donc pas dans la seule logique de l’immédiat et du résultat même s’ils restent conscients de la conjoncture économique défavorable du marché du travail en France, en particulier pour les jeunes : il est en effet difficile de ne pas établir un lien entre les 86% de répondants qui définissent le métier porteur d’emploi comme « un métier qui offre des débouchés » et le chômage contre lequel le seul fait de suivre des études ne semble plus prémunir. Travailler, éviter le chômage devient donc un but en soi, et c’est ce qui explique un taux aussi important de réponses en faveur d’un métier offrant des débouchés. Malgré tout, les lycéens gardent leur optimisme et leurs ambitions quand ils parlent de « métier d’avenir » : ainsi ils s’inscrivent aussi dans une logique à moyen terme et font du métier porteur d’emploi un métier utile s’intégrant dans une société aux besoins et aux enjeux nouveaux. Plus individuellement, un métier d’avenir est aussi un métier qui promet une carrière et une évolution professionnelle : il ne s’agit donc pas simplement d’éviter le chômage mais bien de se construire un parcours professionnel épanouissant. Cette idée est confirmée par la proportion relativement faible de lycéens estimant qu’un métier porteur d’emploi est un métier qui offre la sécurité de l’emploi (46%). Les jeunes semblent ainsi être conscients des difficultés qu’ils sont susceptibles de rencontrer sur le marché du travail mais ils ne les perçoivent pas comme des obstacles insurmontables. Ils définissent donc un métier porteur d’emploi comme un métier offrant des débouchés mais aussi des perspectives de carrière intéressantes.  

Lycéens et entreprises se rejoignent dans leurs perceptions des secteurs et des métiers porteurs d’emploi… même si des ajustements importants restent nécessaires

Interrogés sur les secteurs d’activité dans lesquels se trouvent les métiers porteurs d’emploi, les lycéens placent en tête du classement le BTP, le génie civil et l’urbanisme (cités par 54% des jeunes). Les entreprises appartenant à ce domaine d’activité se montrent quant à elles plutôt optimistes en ce qui concerne les perspectives d’évolution du secteur d’ici 5 ans. Viennent ensuite, dans le classement établi par les jeunes, quatre secteurs d’activité qui bénéficient de perspectives d’évolution très favorables selon les chefs d’entreprise concernés : les services à la personne (cités par 53% des lycéens), les activités relatives à l’eau, les déchets et l’environnement (53%), celles liés à l’énergie et l’électricité (51%) ou encore celles relevant de la santé et des sciences humaines (49%).
Les lycéens citent également parmi les secteurs dynamiques en matière d’emploi le tourisme, l’hôtellerie et la restauration (47%), l’informatique (46%), la télécommunication (41%) et la banque (39%) alors que, à l’exception de la télécommunication, leurs perspectives d’évolution ne sont jugées de façon favorable que par une courte majorité des dirigeants d’entreprise concernés.

En dixième position de la hiérarchie des secteurs porteurs d’emploi établie par les lycéens apparaît la communication, l’audiovisuel (36%), seul domaine d’activité du TOP10 perçu comme moyennement dynamique par les chefs d’entreprises qui lui prédisent une stabilité d’évolution d’ici 5 ans. 
Les lycéens semblent ainsi avoir une bonne connaissance d’un grand nombre de secteurs. Cependant, d’autres secteurs d’activité relevant principalement de l’industrie et affichant des perspectives d’évolution très prometteuses selon les dirigeants ne sont que très peu cités par les jeunes. Tel est le cas par exemple des secteurs des équipements industriels, des établissements de formation, des matériels de transport ou encore des matériaux de construction. 

Nouvel indicateur de réalisme, les lycéens déclarent globalement être tentés de s’orienter vers des secteurs d’activité qu’ils considèrent comme ayant un grand potentiel en termes de métiers porteurs d’emploi. Huit secteurs d’activité apparaissent ainsi à la fois dans le TOP10 des « secteurs porteurs d’emploi » et dans le TOP10 des « secteurs vers lesquels ils souhaiteraient eux-mêmes s’orienter ». Cependant, la hiérarchie dans ces deux classements diffère quelque peu, les jeunes envisageant de s’orienter surtout vers des secteurs bénéficiant non seulement d’un bon potentiel en termes d’emplois mais aussi d’une image relativement favorable notamment en termes de conditions de travail. Ainsi, c’est le secteur de l’informatique qui arrive en tête avec un score très élevé (19%), suivi de la santé et les sciences humaines (17%), la communication et l’audiovisuel (14%), l’économie, la comptabilité, les finances (14%) et la banque (13%). A l’inverse, le secteur du BTP, génie civil, urbaniste, pourtant considéré par les jeunes comme le plus prometteur des secteurs en termes de perspectives d’emploi, n’arrive ici qu’en dixième position avec « seulement » 9% des citations.
Enfin, signalons que certains secteurs considérés comme porteurs par les dirigeants d’entreprises sont pratiquement ignorés par les jeunes. Il s’agit là encore des secteurs des équipements industriels (qui n’attire que 2% des lycéens), des établissements de formation (2%), des matériels de transport (1%) et des matériaux de construction (1%).

En ce qui concerne plus spécifiquement les métiers (et non plus les secteurs) porteurs d’emploi, c’est le métier d’infirmier qui attire le plus grand nombre de lycéens, suivi de près par celui d’ingénieur et de médecin. On retrouve donc une prédominance du secteur de la santé. Très logiquement, ce sont ensuite les métiers de l’informatique qui attirent le plus les jeunes (administrateur réseau, ingénieur informatique). Les métiers de commercial, ceux liés à la comptabilité (expert-comptable, comptable) et au service public (professeur, enseignant) apparaissent également parmi les plus cités.  

On retrouve là encore des points de converge mais également certains écarts lorsqu’on s’intéresse aux besoins des entreprises et on les compare aux métiers qui attirent les jeunes. Ces écarts, qui s’expliquent en partie par le fait que seuls les jeunes inscrits dans des lycées ont participé à cette consultation (ceux dont la formation s’est arrêtée au collège n’étaient pas concernés), mettent également en évidence une vision très générale chez les jeunes du marché du travail et des métiers offerts.  

Ainsi les trois premières fonctions qui seront, d’après les chefs d’entreprises, en développement sensible dans les cinq prochaines années sont la fonction commercial / animation ventes (citées par 36% des chefs d’entreprises), la fonction production / méthodes / fabrication (34%) et la fonction développement durable / environnement (32%). Notons que certains des secteurs d’activité ou des métiers cités par les lycéens peuvent se rapprocher de ces fonctions. Tel est le cas du métier de commercial qui ressort ainsi de façon explicite chez les lycéens comme un métier attractif (à relier à fonction commercial / animation ventes) et plus largement du métier d’ingénieur (également attractif pour les lycéens) qui peut être rattaché à la fonction production / méthodes / fabrication. Il en est de même pour les deux fonctions citées respectivement par 29% des chefs d’entreprises, qualité / normes et direction technique / bureau d’études qui peuvent englober le métier d’ingénieur. Vient ensuite la fonction achat / logistique indiquée par 24% des dirigeants d’entreprises et qui attire également un nombre non négligeable de lycéens. A l’inverse, d’autres fonctions présentant selon les dirigeants d’entreprise de très bonnes perspectives de développement dans les cinq prochaines années ne trouvent pas d’écho chez les lycéens. C’est notamment le cas des fonctions liées au développement durable et à l’environnement.  

Le constat est le même lorsqu’on interroge plus spécifiquement les chefs d’entreprise sur les métiers transversaux ou de base porteurs d’emploi. En matière de métiers transversaux, les dirigeants citent d’abord le métier de comptable (18%), celui de secrétaire / assistante de direction (16%) puis celui de gestionnaire RH (11%). Si l’on retrouve ces métiers quand on interroge les lycéens sur les métiers porteurs d’emploi vers lesquels ils seraient le plus tentés de s’orienter, ils n’apparaissent pas nécessairement en tête de liste. Il en est de même pour les métiers de base porteurs d’emploi. Le métier de commercial est le premier cité par les chefs d’entreprises (23%, 10% citant le métier de vendeur, de chef de vente) mais il est moins bien placé dans le classement issu des réponses des jeunes. Plus significatif, des métiers associés à l’industrie, comme « ouvrier » (18% chez les dirigeants) mais aussi « technicien » (14%) font partie des principaux besoins des dirigeants alors qu’ils apparaissent en fin de liste chez les lycéens.

Il existe donc bien des convergences mais aussi des décalages de perception entre les dirigeants d’entreprises et les lycéens que seule une meilleure information pourrait combler. 

L’enjeu : une meilleure diffusion de l’information et un travail accentué sur l’image des secteurs et des métiers porteurs d’emploi

Interrogés sur les freins qui empêchent les jeunes de se diriger vers de métiers porteurs d’emploi, les chefs d’entreprise citent en premier les problèmes d’image et de valorisation des métiers (31%), devant le manque d’information et la méconnaissance des métiers (20%) et les mauvaises conditions de travail (19%). Loin derrière apparaissent des questions telles que le niveau des salaires (11%), les horaires de travail (9%) ou le fait que ces métiers nécessitent de longues études (8%).
Du côté des lycéens, les principaux critères d’attraction – rejet face à un métier porteur d’emploi restent, logiquement, les critères pratiques et directement liés à l’activité professionnelle. Un bon niveau de rémunération est le premier critère qui attirerait les lycéens vers un métier (85%) tandis qu’un niveau de rémunération pas assez élevé les en détournerait (68%). L’intérêt personnel pour le travail arrive en deuxième position comme facteur attractif (pour 77% des lycéens) et le manque d’intérêt constitue le premier critère détournant les lycéens d’un métier. Conditions de travail et perspectives d’évolution attirent 76% des lycéens, mais si de mauvaises conditions de travail détournent 74% des lycéens, des perspectives d’évolution limitées n’en détournent que 56%.
Plus significatif, on remarque par ailleurs que l’image du secteur et du métier compte aussi beaucoup dans le choix d’un métier porteur puisque plus de la moitié des lycéens (55%) reconnaissent qu’une image valorisante les attirerait vers un métier porteur et 41% d’entre eux ne choisiraient pas un métier à cause d’une image dévalorisante. Les jeunes ne prennent donc pas seulement en compte les aspects concrets de leur activité professionnelle future mais pensent aussi à l’image qu’ils pourraient véhiculer une fois en poste.

Face à ces difficultés et au diagnostic réalisé, les dirigeants d’entreprises estiment assez logiquement que, pour inciter les jeunes à se diriger vers des métiers porteurs d’emploi, il faut avant tout mettre l’accent sur une meilleure information et davantage de communication (cité par 28% d’entre eux) et sur les stages et les formations en entreprises (23%). De même, 10% déclarent qu’il faut communiquer davantage dans les écoles et 9% qu’il faut développer les opérations « journées portes ouvertes » dans les entreprises. Les dirigeants d’entreprises plébiscitent ainsi une accentuation des échanges entre les jeunes et le monde de l’entreprise. Cette accentuation des échanges va par ailleurs de pair avec une valorisation des métiers (citée par 10% des chefs d’entreprises). Les suggestions concernant plus directement la vie professionnelle leur paraissent moins essentielles : l’ouverture de poste et les possibilités d’évolution de carrière ne sont respectivement citées que par 5% des chefs d’entreprises ; l’amélioration des conditions de travail, les augmentations de salaires et les avantages internes respectivement par 4% ; et enfin la mobilité interne ne retient que 3% des chefs d’entreprises et la prise de responsabilité 2%.  

Les lycéens sont eux aussi très demandeurs d’informations et d’échanges avec les entreprises. Plus de deux tiers d’entre eux (68%) estiment que le choix d’un métier porteur d’emploi est primordial dans le choix de l’orientation ou du parcours professionnel. Pour connaître ces métiers, 78% des lycéens plébiscitent les stages comme moyen d’accéder à la connaissance des métiers porteurs d’emploi (ce en quoi ils rejoignent les chefs d’entreprise), 65% citent les forums, 63% les visites d’entreprises et 52% les sites internet des entreprises. Signalons enfin qu’ils sont tout de même 64% à attendre des informations directement de leur établissement scolaire et 45% à en attendre de leur famille.


Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
  • Federico Vacas Directeur de département - Public Affairs

Société