Moderniser défense et sécurité civiles: les acteurs s'interrogent

Ipsos a réalisé pour le compte de la direction de la Défense et de la Sécurité civiles une consultation des différents acteurs concernés par le débat sur la modernisation de la défense et de la sécurité civiles en France, préfets, PCASDIS, et autres interlocuteurs du Ministère de l'Intérieur. Ces derniers jugent que la mise en place de pré-formation au secourisme dans le cursus scolaire ou lors du passage du permis de conduire serait particulièrement utile.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
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1. Le rôle des pouvoirs publics en matière de défense et de sécurité civiles

En matière d'organisation de la Sécurité civile, les répondants accordent à chaque échelon un domaine de compétence bien spécifique. Ils attribuent principalement à l'Etat un rôle de coordination (36% des interviewés et 51% des préfets), de conception de la politique générale (16% des interviewés) ou encore de soutien opérationnel et financier (15%). La région est perçue comme une collectivité devant intervenir au niveau du financement (24% des répondants) mais aussi de la coordination. On enregistre sur ce dernier point des différences sensibles selon la catégorie des personnes interrogées. Si 18% des interviewés estiment qu'elle devrait intervenir dans ce cadre, seulement 8% des préfets partagent cette opinion. En ce qui concerne le département, 26% des répondants et 42% des PCASDIS considèrent que le financement constitue son champ d'intervention prioritaire. La commune quant à elle se voit attribuer un rôle opérationnel au niveau local (12% des enquêtés) mais, surtout, de contact avec la population et d'information (27% des interviewés et 42% des préfets).

En ce qui concerne plus spécifiquement la commune, une courte majorité des enquêtés (52%) considère que, compte tenu des pouvoirs de police du maire, elle devrait avoir une place aussi importante qu'aujourd'hui dans l'organisation opérationnelle du système de sécurité civile. Il reste que les avis varient en fonction de la catégorie des personnes interrogées. Ainsi, les préfets sont tout de même 36% à estimer que cette place devrait être plus importante de ce qu'elle l'est actuellement. Presque la moitié (47%) des acteurs privés, syndicaux ou associatifs sont du même avis. En revanche, les PCASDIS penchent massivement pour le maintien du statu quo (81%) ou, à défaut, pour une réduction de la place de la commune dans ce domaine (19%).Quant aux structures de coopération intercommunale, elles apparaissent comme un élément important en période de crise. Cette opinion est largement majoritaire chez les préfets (64%) et, surtout, chez les acteurs privés, membres d'associations ou syndicats (72%). Là encore, les PCASDIS se démarquent du reste : ils sont seulement 38% à partager cette opinion contre une majorité de 62% qui est de l'avis contraire.

Enfin, la coopération au niveau de l'Union européenne devrait être axée essentiellement sur les échanges d'experts (96%), les exercices conjoints (66%) ou encore la mise en place de centres opérationnels européens (63%).

2. Les acteurs

La majorité des personnes interrogées (66%), et notamment des préfets (83%), considère que le monde associatif joue aujourd'hui un rôle important, au quotidien et en période de crise, en matière de sécurité civile. Seul les PCASDIS sont plus partagés à ce sujet : seulement 46% d'entre eux partagent cette opinion contre 54% qui sont de l'avis contraire. Par ailleurs, afin de mieux l'intégrer à la sécurité civile, les répondants proposent entre autres d'associer le monde associatif aux exercices de crise (23%) ou de le fédérer dans une structure de coordination (13%). Pour 13% des interviewés et 19% des préfets, l'aide financière aux associations serait également utile à cet effet.

En ce qui concerne plus spécifiquement les bénévoles, la majorité des enquêtés signale que leurs interventions lors des catastrophes récentes ont révélé un déficit important au niveau de leur formation (52% contre 30% de l'avis contraire), de leur encadrement (59% contre 23%) et, surtout, de leur information (63% contre 19%) et de leur coordination (63% contre 20%). Les PCASDIS sont sensiblement plus critiques en ce qui concerne l'encadrement (92% l'ont considéré déficitaire) et la coordination (92%). En revanche, ils sont plus nombreux (38%) que l'ensemble des répondants (30%) à qualifier leur formation de " suffisante ". Quant à l'encadrement et la coordination des bénévoles en période de crise, plus des trois quart des personnes interrogées (77%) considèrent que cette fonction doit être assurée par le commandant des opérations de secours plutôt que par le Maire. On note par ailleurs qu'une partie non négligeable des préfets (13%) évite de se prononcer à ce sujet.Enfin, selon les répondants, l'intégration des bénévoles (hors monde associatif) à la sécurité civile passe surtout par la formation (20%) mais aussi par l'information (11%) ou encore par leur indemnisation (9%).

C'est également la formation (55%), qu'elle soit scolaire, en partenariat avec l'Education nationale ou à travers les associations, qui apparaît comme le meilleur moyen de développer une véritable culture de sécurité civile accessible à tous. Les actions médiatiques (18%) d'une part, et les conférences lors des journées citoyennes (9%) de l'autre, sont également citées comme des moyens utiles à cet effet.Afin de faciliter l'accès à la formation aux techniques de secourisme et de permettre à la population dès l'âge scolaire d'être sensibilisée à ces questions, les répondants plébiscitent à 91% l'idée de mettre en place une pré-formation de ce type dans le cursus scolaire. Plus de six interviewés sur dix (65%) seraient également favorables à une pré-formation au secourisme lors de la préparation du permis de conduire. Enfin, même si l'idée d'instaurer une pré-formation lors des journées citoyennes est moins populaire (32% des enquêtés y sont favorables), il reste que presque la moitié (47%) des acteurs privés, syndicaux ou associatifs y adhère.Par ailleurs, plus de sept répondants sur dix (74%) estiment qu'une formation spécifique en matière de sécurité civile, menant à des filières professionnelles, ouverte à l'ensemble de la population et validée par un diplôme scolaire ou universitaire se justifie. Cette initiative reçoit le soutien de l'ensemble des interviewés, toutes catégories confondues.

24% des interviewés et 40% des préfets voient dans la formation le moyen de développer une culture de sécurité civile partagée auprès des acteurs publics. La pratique d'exercices réguliers et l'information permettraient également de développer une telle culture pour, respectivement, 20% et 11% des répondants. Interrogés sur les moyens, les interviewés citent en premier une formation à caractère interministériel (20% des répondants et 35% des PCASDIS). La réalisation d'exercices communs (16% des répondants et 23% des préfets) et l'organisation de colloques, conférences et séminaires (9% des enquêtés) seraient également utiles à cet effet. Enfin, la majorité des répondants (62%), et notamment des PCASDIS (85%), estime que la création de postes salariés à mi-temps permettrait également d'améliorer la qualité de la sécurité civile.

3. L'organisation de la prévention et la planification

Cité par 83% des interviewés, le risque de sécurité publique apparaît comme le plus redouté par la population. Le risque de sécurité civile quant à lui, n'est en effet situé qu'en quatrième position (63% de citations), juste derrière le risque alimentaire (76%) et le risque de sécurité sanitaire (70%).

Par ailleurs, la majorité des personnes interrogées juge utile le développement des formations de gestion de crise (69% des répondants), la mise en œuvre d'exercices communs (60%) ou encore la création d'une délégation interministérielle à la Sécurité civile (58%), dans le but d'assurer une meilleure coordination interministérielle dans le domaine de la prévention et de la prévision. En revanche, seuls 38% des interviewés jugent utiles l'organisation de réunions régulières des responsables des différents ministères concernés. Ce pourcentage s'élève pourtant à 47% chez les seuls préfets.

La grande majorité des répondants (73%) estime prioritaire de renforcer les missions de conception, d'expertise et de conseil exercées par le Ministère de l'Intérieur au profit de l'ensemble des administrations centrales et déconcentrées. Même si aucune catégorie ne déroge à cet avis, les préfets sont les plus enclins à partager cet avis (85%). En ce qui concerne les axes de cet éventuel renforcement, les personnes interrogées citent notamment la formation (12%), le développement de l'interministérialité à tous les échelons (9% des répondants et 15% des préfets) ou encore la diffusion du savoir (7% des interviewés et 17% des préfets).

Presque la totalité des répondants (98%) estime par ailleurs important - et 76% même très important -d'intégrer davantage les retours d'expérience des différents partenaires. De même, 93% des interviewés considèrent important - et 48% même très important - de mieux prendre en compte les attentes de ces différents partenaires.

En ce qui concerne concrètement le domaine de la prévention, de la prévision et de la gestion de crise, la région se voit attribuer un rôle de financement des actions préventives (16% des réponses), de coordination (15%) ou encore, de façon plus générique, de mise à disposition des moyens (14%). Il reste que 16% des interviewés (27% des PCASDIS et 21% des préfets) signalent que la région n'est pas un échelon pertinent en matière de gestion de crise. La mise à disposition des moyens, le relais d'information et la préparation des plans de secours constituent les domaines d'intervention du département pour, respectivement, 12%, 12% et 10% des enquêtés. Enfin, la commune devrait assurer l'information préventive (18% des répondants et 23% des préfets), arrêter les mesures locales de prévention (13% des interviewés et 17% des préfets) ou encore mettre en place les plans de secours (11% des répondants). Il reste que, pour cette question, on enregistre un taux de non réponse spécialement élevé, de l'ordre de 35%.

L'idée de revoir les plans d'intervention et d'organisation des secours - compte tenu de l'évolution des risques et de la société - est quant à elle plébiscitée par 86% des enquêtés. Cela dit, elle suscite tout de même quelques résistances chez les préfets : 23% s'y déclarent opposés, contre seulement 11% pour l'ensemble des interviewés.

En matière de planification, la majorité des interviewés (57%) se prononce, en termes d'adaptabilité et de modularité des plans, pour un schéma général, décliné selon les cas de figure. Cette modalité fait l'objet d'une forte adhésion chez les préfets : ils sont 72% à pencher pour cette option. En revanche, les acteurs privés syndicaux ou associatifs optent en majorité (56%) pour une planification prévoyant différents plans, déclinés selon les différents types de risques.

Par ailleurs, la plupart des enquêtés (70%) - toutes catégories confondue - considère souhaitable de décliner la planification à un niveau différent du niveau départemental : pour 56% des interviewés, cela devrait se faire au niveau du bassin de risques. Moins nombreux sont ceux qui penchent pour une déclinaison au niveau de la zone de défense (41%) ou encore de la commune (37%).

4. L'information de la population

La très large majorité des personnes interrogées (95%) se déclare favorable (et 74% même très favorable) à l'idée d'informer la population et les associations pendant le déroulement d'une crise. La diffusion des plans d'intervention à la population et aux associations en dehors des périodes critiques reçoit le soutient de 73% des répondants. Il reste que les préfets y sont un peu moins favorables (" seulement " 62% se déclarent pour). En revanche, 88% des acteurs privés, syndicaux ou associatifs soutiendraient une telle initiative. Par ailleurs, plus de huit répondants sur dix (87%) se disent favorables à l'idée de communiquer à la population tout événement susceptible de la mettre en danger et ce, qu'elle que soit la catégorie d'interviewé considérée.

Enfin, la très grande majorité des enquêtés (84%) juge que, compte tenu de l'évolution des types de risques et des attentes de la population, il est aujourd'hui nécessaire d'étendre le champ de la planification à la gestion post-accidentelle. Si aucune catégorie d'interviewé ne déroge à cet avis, on note cependant que les PCASDIS sont spécialement favorables à une telle mesure : ils y adhèrent à 92%.

5. L'organisation et les moyens de la Sécurité civile

Les catastrophes naturelles qui ont frappé la France au cours des dernières années ont permis de tirer plusieurs enseignements en matière d'organisation et de distribution des secours. Les interviewés citent entre autres le besoin d'améliorer la coordination (26% des répondants et 42% des PCASDIS), la communication (16% des interviewés et 25% des préfets) et l'organisation (12% des répondants et 25% des préfets).

Par ailleurs, l'enquête met en évidence un certain regroupement des champs de compétence des différents acteurs publics en matière d'organisation et de distribution des secours. Ainsi, si le secours au quotidien est globalement perçu comme appartenant au champ de compétence du seul département (79% des interviewés citent le département contre moins de 3% pour les autres " intervenants potentiels "), la mise à disposition de renforts et la mise à disposition de moyens spécialisés sont perçus comme des domaines d'intervention du département (respectivement, 52% et 48%) mais, surtout, de la zone de défense (83% et 80%) et du Ministère de l'Intérieur (respectivement, 60% et 84%). La mise à disposition d'experts quant à elle est perçue comme un domaine qui relève essentiellement du champ d'intervention du ministère (81%) et de la zone de défense (73%).

La très grande majorité des enquêtés (79%) estime qu'il faudrait élargir le schéma départemental d'analyse et de couverture de risques à l'ensemble des risques potentiels de toutes natures du département et à sa couverture par tous les acteurs qui concourent aux missions de défense et de sécurités civiles. Cette idée, partagée par l'ensemble des enquêtés, suscite néanmoins quelques résistances minoritaires chez les préfets :19% s'y déclarent opposés.

De même, 77% des interviewés estiment qu'il serait souhaitable d'élargir l'analyse et la couverture des risques à d'autres niveaux que le niveau départemental. Si les PCASDIS (92%) sont spécialement favorables à une telle initiative, il reste qu'une partie non négligeable des préfets (30%) s'y déclare opposée. D'après 68% des répondants, cela devrait se faire au niveau du bassin des risques ; 46% (et 62% des PCASDIS) penchant pour un " élargissement " au niveau de la zone de défense.

Par ailleurs, la majorité des personnes interrogées (54%) adhère à l'idée de créer une réserve de sécurité civile dans le but de pouvoir disposer d'unités locales susceptibles de renforcer les services territoriaux de secours. L'idée de développer des colonnes de renfort est quant à elle soutenue par 48% des répondants et suscite une adhésion remarquable chez les PCASDIS : 81% s'y déclarent favorables. Enfin, tant la création d'unités permanentes de renforts que le maintien des petites unités reçoivent l'approbation de 41% des interviewés.

La très grande majorité des enquêtés (91%) et la totalité des PCASDIS se disent favorables et souvent même très favorables (51% de l'ensemble des répondants) à la mutualisation de certains moyens à un niveau supra-départemental. Pour la majorité des répondants (54%), et notamment des préfets (66%), celle-ci devrait intervenir au niveau de la zone de défense. La mutualisation au niveau du bassin de risques ou encore de la région reçoit également l'adhésion d'une partie significative des enquêtés : respectivement, 39% et 38%.

Presque huit interviewés sur dix (76%) estiment que la mise en place d'un réseau de transmission serait un moyen qui permettrait aux différents acteurs concourant à la défense et la sécurité civile de communiquer entre eux. L'idée d'une cartographie commune est quant à elle plébiscitée par deux tiers des répondants (66%) et suscite notamment l'adhésion de 72% des préfets. Enfin, la moitié des personnes interrogées (50%) considère que le regroupement autour d'une plate-forme commune d'un numéro unique d'appel d'urgence serait utile à un tel effet.

Enfin, la très grande majorité des répondants (84%), toutes catégories confondues, se dit favorable - et plus d'un répondant sur deux (52%) se dit même très favorable - au remboursement des frais de secours engagés à l'occasion d'accidents consécutifs à la pratique d'activités sportives ou de loisirs à risques.

6. Le rôle des opérateurs

Compte tenu de la place cruciale qui revient aux opérateurs en charge d'un réseau de communication, de transport ou de distribution d'énergie en période de crise, la très grande majorité des interviewés (88%) et la totalité des PCASDIS estiment que leur activité devrait être encadrée par l'autorité publique dans de telles circonstances. De même, 96% des répondants jugent que, en cas d'événements susceptibles d'avoir un impact sur la sécurité de la population, il devrait y avoir, pour les opérateurs, des obligations en matière de sécurisation des réseaux.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

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