Nicolas Sarkozy : la fin de l’état de grâce

Le baromètre Ipsos/Le Point du mois de janvier marque la fin de l’état de grâce du Président. Réalisée trois jours après sa conférence de presse à l’Elysée, cette vague enregistre sa plus forte baisse de popularité depuis son entrée à l’Elysée au point que sa côte passe pour la première fois sous la barre des 50% de jugements favorables. De son côté, le premier ministre connaît une érosion plus lente de sa côte de popularité mais son solde d’image – c'est-à-dire la différence entre jugements favorables et jugements défavorables – devient négatif pour la première fois depuis sa nomination à Matignon.

La popularité de Nicolas Sarkozy sous le seuil des 50 %

Force est de constater que la prestation présidentielle du 8 janvier n’a pas enrayé la chute de popularité enregistrée depuis des mois par l’hôte de l’Elysée. En effet, sa côte de popularité subit ce mois-ci sa plus forte baisse depuis mai (- 6 points de jugements favorables), atteignant son niveau le plus bas depuis huit mois. Pour la première fois depuis le début de son mandat, moins d’un Français sur deux (49%) juge favorablement son action, soit la même proportion que ceux qui la jugent défavorablement (49%, +7 points) – 2% des répondants ne se prononçant pas.
Avec cette quatrième baisse consécutive depuis septembre, sa côte a donc perdu 15 points en quatre mois : de 64 à 49% de jugements favorables. Certes, elle reste supérieure à celle qu’affichait à la même époque Jacques Chirac lors de son premier mandat (38% en janvier 1996) mais celui-ci avait subit de plein fouet les grandes grèves de décembre 1995.
Le plus préoccupant pour le président est que, parallèlement à cette chute de jugements favorables, il est confronté à une hausse encore plus forte des jugements défavorables à son égard : + 7 points en un mois, + 19 points en quatre mois. Ainsi, lorsque l’on suit l’évolution de son indice d’image, la dégradation est encore plus nette : de + 34 en septembre, son solde est passé à + 29 en octobre, + 20 en novembre puis + 14 en décembre avant de tomber à 0 en janvier. Après cette perte de 14 points en un mois – soit 34 points en quatre mois –, son solde d’image est désormais nul.

Un décrochage des couches les plus âgées et les plus modestes

Dans un contexte dominé par les questions de pouvoir d’achat et la médiatisation de sa vie privée, Nicolas Sarkozy voit son image se détériorer fortement au sein des couches les plus âgées et les plus modestes de la population.
En effet, alors qu’en décembre, son solde d’image était largement positif au sein des catégories les plus modestes, il chute brutalement en l’espace d’un mois : chez les foyers aux revenus les plus faibles (moins de 1200 € nets mensuels), il passe de +17 en décembre à – 21 en janvier ; chez ceux au revenus légèrement supérieurs (de 1200 à 2000 € nets), il passe de +25 à +1. Ainsi, pour la première fois depuis son entrée à l’Elysée, son côte de popularité est étroitement corrélée au niveau de revenu des Français : 39% de jugement favorables chez les foyers aux revenus mensuels inférieurs à 1200 € nets, 49% chez les foyers aux revenus compris entre 1200 et 3000 € nets, 53% chez les foyers aux revenus de 3000 € et plus. A noter qu’en termes de catégories socioprofessionnelles, cette tendance se retrouve au sein des ouvriers – le solde d’image présidentiel y passe de +12 à -4 – et des employés (où il passe de +13 à +1).
L’image du Président se détériore aussi fortement au sein des tranches d’âges qui avaient le plus voté pour lui au second tour de l’élection présidentielle. C'est le cas au sein des jeunes âgés de 25 à 34 ans où son solde d’image passe de +15 en décembre à -9 en janvier. C'est surtout le cas au sein des personnes âgées de 60 ans et plus où son solde d’image passe en un mois de +31 à +13. Et cette tendance se retrouve chez les retraités où il perd 19 points en un mois (de +28 à +9). Les personnes âgées n’en restent pas moins les plus forts soutiens du Président mais son assise au sein de ces couches privilégiées de l’électorat de droite s’est pour le moins érodée.
A noter qu’une autre tendance sociopolitique est à relever dans cette vague de janvier. Alors qu’en décembre, le clivage Public / Privé était encore très fort autour de l’image de l’action présidentielle – jugée favorablement par une majorité du Privé (56%), défavorablement par une majorité du Public (56%) –, son indice d’image devient négatif au sein des salariés du privé (-2 en janvier contre + 15 en décembre).

Des défections dans les rangs centristes et lepénistes

Politiquement, le principal enseignement de cette vague est la restriction de son assise politique aux seuls sympathisants UMP. En effet, avec toujours plus de neuf sympathisants sur dix (91%) qui lui apportent leur soutien, l’ancien Président de l’UMP conserve une solide assise sur les principaux piliers de sa majorité.
Par contre, il subit d’importantes pertes à la gauche et à la droite de son espace politique. Avec une chute de 25 points de jugements favorables (passant de 71% à 46%), son solde d’opinion chez les sympathisants du Modem devient négatif : -8 en janvier contre +42 en décembre. Et il en est de même chez les sympathisants du FN où son indice passe en un mois de +13 à – 11.
Tout aussi significatif est l’évolution de son solde d’image chez les sympathisants d’aucun parti : - 25 points en un mois (de +29 à +4). Sachant que sa côte de popularité chez les sympathisants socialistes est deux fois plus faible qu’en octobre (18% de jugements favorables contre 37% il y a quatre mois), le Président dispose donc d’une assise beaucoup plus réduite dans l’opinion et notamment dans l’opinion de gauche où son solde d’image est désormais inférieur (-64) à celui de son Premier ministre (-50).

Un Premier ministre moins touché mais avec un solde d’image négatif

Il faut dire que ce dernier est moins touché par la vague d’impopularité qui touche la tête de l’exécutif. D'une manière générale, sa côte de popularité connaît une érosion plus lente même si, après sa troisième baisse consécutive, elle est passée en trois mois de 54 à 45% de jugements favorables.
Avec une baisse de 2 points des jugements favorables (à 45%) et une hausse de 3 points des jugements défavorables (+à 46%), son solde d’image connaît, ce mois-ci, une chute trois fois moins forte que celle du Président de la République : - 5 points d’indice en un mois contre - 14 points pour Nicolas Sarkozy.
Par contre, son solde d’image devient pour la première fois négatif (-1), en particulier au sein des sympathisants du Modem (-9 en janvier contre +15 en décembre) et du Front national (-13 en janvier contre +16 en décembre). Il passe aussi dans le rouge au sein des jeunes (- 11 chez les moins de 35 ans) et des ouvriers (-1).
Il faut toutefois souligner que son solde d’image est désormais plus solide que celui du Président au sein de certains pans de l’opinion. C'est le cas des foyers aux revenus inférieurs à 1 200 € nets par mois ou compris entre 1200 et 2000 € au sein desquels il conserve un solde d’image positif. C'est aussi le cas des retraités au sein desquels son solde est supérieur (+15) à celui de Nicolas Sarkozy (+9).

Des personnalités en baisse, surtout à droite…

Dans l’élan de la chute de popularité qui touche le couple exécutif, plusieurs personnalités de droite subissent une détérioration de leur image, en particulier celles qui se situent les plus à droite.
En effet, le solde d’image du ministre de l’Immigration, de l’Intégration et de l’Identité nationale perd 9 points à cause d’une forte hausse des jugements défavorables (+8 points, à 42%). Autre leader à droite sur l’échiquier politique, Philippe de Villiers voit aussi son solde se détériorer mais seulement d’un point.
Mais d’autres personnalités de droite subissent également un regain d’impopularité. C'est tout particulièrement le cas de Roseline Bachelot – sur le devant de la scène lors de l’interdiction du tabac dans les lieux publics – qui subit une dégradation de son image (-9 points d’indice), là aussi après une forte hausse de jugements défavorables (+8 points, à 42%). C'est aussi le cas du Ministre de la Défense, Hervé Morin (-3 points d’indice), ou celui de l’Education, Xavier Darcos (-3 points d’indice), qui enregistrent tous deux 6 points de hausse d’impopularité.
Cependant, certains leaders de gauche voient aussi leur solde d’image se dégrader. C'est très net pour Jack Lang (- 5 points d’indice), notamment au sein des sympathisants PS (- 11 points d’indice). Cela l’est aussi pour le Maire de Paris, Bertrand Delanoë, qui reste numéro deux dans le cœur des Français (avec 60% de jugements favorables) mais perd la première place dans celui des sympathisants socialistes : - 7 points de jugements favorables, - 9 points d’indice.

Ségolène Royal, de nouveau numéro un dans le cœur des sympathisants socialistes…

Il y est remplacé par Ségolène Royal qui connaît un spectaculaire regain de popularité au sein des sympathisants socialistes : + 9 points de jugements favorables, - 8 points de jugements défavorables. Avec un solde d’image en hausse de 17 points chez les sympathisants socialistes, elle redevient leur personnalité préférée (à 73% jugements favorables). Sans doute que son récent positionnement en leader potentiel du PS et ses premiers pas dans la campagne pour les élections municipales n’y sont pas étrangers. En tous cas, elle est la personnalité de gauche qui connaît l’amélioration la plus forte de son image chez l’ensemble des Français : +7 points d’indice dont + 4 points de jugements favorables (à 44%).
Mais d’autres femmes se distinguent ce mois-ci par leurs gains de popularité chez l’ensemble des Français. C'est tout particulièrement le cas de la jeune secrétaire d’Etat chargée des Droits de l’Homme, Rama Yade, qui monte à la cinquième place (53% de jugements favorables, +16 points) mais dont la progression est  plus sensible chez les sympathisants du PS (+16 points) que chez ceux de l’UMP (+5 points). C'est aussi le cas de Rachida Dati (+6 points, à 48% de jugements favorables) et de Christine Lagarde (+7 points, à 36% de jugements favorables) mais qui regagnent surtout des points perdus ces derniers mois.

De même, si Fadela Amara occupe désormais la septième place du classement (avec 51% de jugements favorables, ses gains de popularité (+5 points) sont à relativiser par une hausse d’impopularité de même ampleur.



Fiche technique :

Popularité de l'exécutif
Palmarès des leaders politiques

Auteur(s)

  • Stéphane Zumsteeg - Directeur Opinion et Recherche Sociale, Public Affairs
    Stéphane Zumsteeg
    Directeur du Département Opinion et Recherche Sociale, Public Affairs

Articles liés

  • Ipsos | Sun'Agri | Agrivoltaïsme
    Energie Evènements

    Événement 24/02 | Ipsos et Sun'Agri au Salon de l'Agriculture 2025

    A l'occasion du Salon de l'Agriculture, Ipsos et Sun'Agri présenteront les résultats du Baromètre Agrivoltaïsme 2025.
  • Ipsos partenaire du Forum du Commerce Durable
    Société Evènements

    ÉVÉNEMENT - 21/01 | Ipsos partenaire du 1er Forum du Commerce Durable 2025

    Le mardi 21 janvier, le Palais de la Bourse à Lyon accueillera la première édition du Forum du Commerce Durable. Cet événement rassemblera 250 marques et plus de 50 experts du commerce durable. Ipsos, partenaire de l'événement, tiendra à cette occasion une conférence sur l'accompagnement stratégique en matière de développement RSE et business.
  • Ipsos Médias en Seine
    Société Evènements

    ÉVÉNEMENT - 14/01 | Ipsos partenaire de Médias en Seine 2025

    Ipsos participe à la 7ème édition de Médias en Seine qui se tiendra le 14 janvier à la Maison de la Radio et dans les locaux des Echos-Le Parisien. Cet événement rassemble experts, journalistes et spécialistes des médias pour débattre autour des enjeux du secteur. Cette année, le thème "Médias : l'ère des défis" interroge ses acteurs sur le rôle qu'ils jouent dans les dynamiques démocratiques, économiques et technologiques.