Nouvelle économie : pas de e-krach des opinions

L'enquête internationale menée par Ipsos pour Sofinco montre que la pénétration d'internet en Europe poursuit sa progression. Parallèlement, l'étude révèle que le commerce électronique dispose d'un réel potentiel de développement, tant les internautes de toute l'Europe semblent intéressés.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
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Malgré la chute du Nasdaq, l'indicateur boursier des entreprises de la nouvelle économie, et la tendance des investisseurs au repli vers les entreprises des secteurs 'traditionnels', plus de huit européens sur dix (82%) considèrent à présent que la nouvelle économie est un 'secteur d'activité qui va se développer durablement', contre seulement 12% qui jugent plutôt que c'est 'un phénomène de mode qui tendra à disparaître'. Les Allemands sont les plus confiants (92% d'entre eux croient au développement durable du secteur), suivis des Belges et des Hollandais (84%), des Portugais et des Français (82%). Les Espagnols (79%), les Italiens (76%) et les Britanniques (74%) sont à peine moins convaincus.
La confiance est largement majoritaire quelle que soit la catégorie de population étudiée, mais c'est auprès des catégories traditionnellement les plus proches de la nouvelle économie, via le web, que ce secteur obtient ses meilleurs niveaux d'image : les Européens les plus jeunes (86% des moins de 45 ans croient à la pérennité du secteur), les managers cadres (87%), les foyers les plus aisés (91%) ou les internautes (88%).

Une autre preuve de la résistance ou de la durabilité du système réside dans l'évolution du taux d'équipement comme des intentions d'équipement des Européens, que ce soit au foyer ou en entreprise. La pénétration d'Internet en Europe ne cesse en effet de progresser : de fin 1999 à début 2001, soit en un peu plus de douze mois, le taux d'équipement déclaré des Européens est passé de 28 à 39%, une progression de près de 40%. On constate que les Anglo-saxons sont toujours nettement en tête des pays européens les plus connectés. Aux Pays-Bas, les internautes sont même majoritaires (57% des Hollandais disposent d'au moins une connexion, +9 points par rapport à février 99). Malgré le nombre croissant de personnes équipées, ce n'est pas encore le cas en Grande-Bretagne (47% de connectés, +11 points) ou en Allemagne, où l'on enregistre toutefois une très forte progression (47%, +15 points). La France reste en retrait malgré une progression de près de 50% du nombre de connectés. Les progressions les plus fortes concernent enfin l'Espagne (78%) et l'Italie (57%), dont les taux d'équipement plus bas attestent néanmoins toujours d'une coupure Nord-Sud.

La progression du taux de pénétration de l'internet en Europe a été soutenue en priorité par l'augmentation du nombre de personnes équipées au domicile (31%, +14 points), deux fêtes de fin d'année étant passées par là. En France particulièrement, le taux d'équipement à la maison a doublé en un peu plus d'un an.
Malgré des évolutions favorables au profil de population traditionnellement moins équipées - femmes, plus de 45 ans, revenus modestes - le profil des internautes reste encore typé. L'internaute européen est toujours majoritairement jeune (47% des connectés ont moins de 35 ans contre seulement 5% de seniors - 65 ans et plus) et plutôt masculin (55% des connectés sont des hommes).

Par ailleurs, les cadres supérieurs sont les champions incontestables de l'accès à internet : plus des trois quarts d'entre eux disposent d'une connexion (77%), dans une proportion équivalente à la maison (55%) et au bureau (51%). De même, le niveau de revenu apparaît toujours comme le facteur le plus discriminant : 76% des foyers les plus aisés disposent d'une connexion alors qu'à l'inverse, les foyers les plus démunis ne sont que 22% à être connectés.

Les équipements internet ont donc fortement progressé, principalement dans les foyers, sans pour autant que l'on ait atteint un seuil de saturation. Le potentiel de progression du taux d'équipement reste en effet encore élevé. Près du tiers des personnes n'étant pas connectées au réseau des réseaux ont en effet 'l'intention de s'équiper' (30%). Ainsi, la progression du niveau d'équipement depuis novembre 1999 s'accompagne parallèlement d'une augmentation des 'intentions de s'équiper'. Ces intentions se sont même renforcées, que ce soit pour un achat 'au cours de l'année' (13%, +2 points) comme 'à plus long terme' (17%, +1 point). C'est en France que le potentiel d'équipement est aujourd'hui le plus élevé (concerne 38% des interviewés), juste devant l'Allemagne (36%). Les autres pays sont un peu moins enthousiastes : 27% d'intentions d'achat en Grande-Bretagne et en Italie, 26% aux Pays-Bas, 24% en Espagne, 21% au Portugal et 15% en Belgique.
Le profil de ces 'intentionnistes' devrait par ailleurs permettre de corriger le biais socio-économique d'internet, sans toutefois amener la population à une vraie représentativité globale avant quelques années encore. Par exemple, les intentions d'équipement des plus âgés restent faibles (seulement 9%).

Le taux d'internautes ayant déjà eu recours au e-commerce est globalement en forte progression depuis novembre 99 (25%, +9 points). On observe cependant une incroyable diversité des situations et des évolutions de comportements. Les choses sont en effet très différentes entre la Grande-Bretagne ou l'Allemagne, où environ le tiers de la population connectée a déjà effectué des achats en ligne, et l'Italie, le Portugal, ou même la France, où l'on ne constate pas de progression significative malgré l'augmentation des taux d'équipement. Dans cette méfiance latine vis-à-vis notamment de la sécurité des transactions, l'Espagne fait figure d'exception.
On note également que le profil des e-acheteurs est encore plus marqué que celui des internautes en général : jeune, masculin, diplomé, actif, disposant de revenus importants. On peut penser qu'il s'agit là d'internautes '1ère génération', plutôt que d'adeptes plus récents.
En revance, en ce qui concerne le potentiel du commerce électronique chez les internautes qui n'ont pas encore essayé, on remarque que les intentions d'achat via le web se sont quelque peu refroidies en un an. C'est particulièrement le cas en France, où la crainte de l'insécurité des transactions marque la population internaute.
Pour mieux qualifier le monde du e-commerce, et tenter de donner des explications à cette crise potentielle de l'intention d'achat, l'étude Ipsos-Sofinco présente les types de produits qui paraissent aux internautes les plus adaptés à ce mode de consommation et de vente. La majorité des européens interrogés juge aujourd'hui qu'internet est 'très bien' ou 'assez bien adapté' pour l'achat d'un billet d'avion ou de train (61%, +4 points), pour l'achat de livres, disques ou cassettes (58%, +4 points), de vacances (49%, sans changement) ou de titres en bourse (44%, +3 points). Internet semble également à une large minorité être un bon outil pour acheter ordinateurs (39%, +1 point), matériel de bricolage (36%, +4 points) ou équipements TV / Vidéo (35%, sans changement). Les Européens sont en revanche un peu plus dubitatifs sur l'intérêt du Net pour se procurer les autres produits testés : pour l'achat d'une voiture (28%, +4 points), de mobilier d'intérieur (27%, +4 points), de vêtements (26%, +4 points), de produits alimentaires (25%, +4 points), d'un crédit à la consommation (24%, +1 point), d'un appartement ou d'une maison (23%, +3 points), le Net n'est un moyen adéquat que pour une minorité de sondés. Globalement, il n'y a pas là d'évolution majeure dans la perception des produits en achat sur internet : en un an, la hiérarchie est restée la même. Les Français sont plutôt plus nombreux que les autres Européens à estimer qu'internet est un outil adéquat pour réaliser ses achats. Même si cette proportion a quelque peu diminué depuis novembre 1999, la 'culture minitel' est certainement pour quelque chose dans cette singularité française. Si les entreprises parviennent à supprimer les freins liés aux craintes quant à la sécurité des transactions, nul doute que l'hexagone deviendra un terrain particulièrement favorable au développement du commerce électronique.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

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