Nouvelles fractures françaises, résultats et analyse de l’enquête Ipsos / Steria

Début janvier 2013, Ipsos mettait en évidence le repli et la crispation identitaire de la société française ainsi que l’exacerbation de la défiance en son sein. Presque un an jour pour jour, les résultats de la deuxième édition de l’enquête « Fractures Françaises » confirment l’essentiel des tendances observées l’année dernière. « Fractures Françaises - 2014 - vague 2 » est une enquête Ipsos/Steria réalisée pour Le Monde / France Inter / Cevipof / Fondation J. Jaurès. 

Auteur(s)
  • Vincent Dusseaux Directeur d'études, Ipsos Loyalty
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BEAUCOUP DE CONFIRMATIONS…

1/ Confirmation du niveau de défiance à l’égard d’autrui ou du monde extérieur qui atteint un niveau inégalé. Pour 79% des Français, on n’est jamais assez prudent quand on a affaire aux autres (+1 contre 23% pour qui on peut faire confiance à la plupart des gens). Pour 58%, la France doit se protéger davantage du monde d’aujourd’hui (=, contre 42% qu’elle doit s’ouvrir davantage).

2/ Confirmation du rejet du système politique et médiatique. Le lien de confiance entre les Français et un grand nombre d’institutions politiques s’est durablement brisé. 72% des Français n’ont pas confiance dans l’Assemblée nationale, 73% dans le Sénat. Pour 88% des personnes interrogées, les hommes et les femmes politiques ne s’occupent pas de ce que pensent les gens. Les médias sont très vivement critiqués : 77% des personnes interrogées ne leur font pas confiance. Pour 74% des Français, les journalistes ne parlent pas des vrais problèmes des Français.

3/ Confirmation de l’hostilité parfois massive à l’égard des étrangers. 66% des Français sont d’accord avec l’idée selon laquelle il y a trop d’étrangers en France. 47% pensent que pour réduire le nombre de chômeurs en France, il faut réduire le nombre d’immigrés. Bien qu’en recul, le rejet de l’Islam est toujours majoritaire : 63% (-11) des Français considèrent que cette religion n’est pas compatible avec les valeurs de la société française (-15 à gauche à 46% et -10 à l’UMP à 72%).

4/ Confirmation de la forte demande d’autorité. Le climat de défiance et de repli s’accompagne comme dans la vague précédente d’une forte demande d’autorité. L’Armée et la Police font partie des rares institutions auxquelles une majorité de Français accordent encore leur confiance (à respectivement 79% et 73%, contre 46% à la Justice, 31% aux syndicats, etc.). Parallèlement, une très large majorité de personnes interrogées (84%, -3) s’accordent à dire qu’on a besoin d’un vrai chef en France pour remettre de l’ordre. Le rétablissement de la peine de mort a été testé pour la première fois dans cette vague. Près d’un Français sur deux (45%) s’y montre favorable (64% des ouvriers, 60% des sympathisants UMP et 79% au FN).

Dans ce contexte, le Front national séduit, au-delà de ses sympathisants, une partie significative de la population. 32% des Français disent que ce parti est proche de leurs préoccupations (38% des employés et 41% des ouvriers). Ses propositions sont perçues comme réalistes par 34% des Français (42% à l’UMP). Il incarne une alternative politique crédible pour 34% des sondés (40% à l’UMP).

…MAIS AUSSI DE NOUVEAUX ENSEIGNEMENTS

Cette nouvelle vague du dispositif ne valide pas seulement des tendances vues l’an passé, elle fait aussi apparaitre une aggravation des jugements dans certains domaines et un renforcement du clivage social qui traverse la société française.

1/ Une coupure de plus en plus profonde entre les Français et la politique. L’adhésion aux critiques contre la vie politique, pourtant déjà très élevée en 2013, gagne encore du terrain. Pour 65% (+3) des Français, la plupart des hommes et des femmes politiques sont corrompus. 84% (+2) pensent les hommes politiques agissent principalement pour leurs intérêts personnels. La progression la plus spectaculaire concerne l’idée selon laquelle « le système démocratique fonctionne mal, mes idées ne sont pas bien représentées » (+6 points à 78%). La hausse est particulièrement nette chez les moins de 35 ans (+12 à 84%) et auprès des sympathisants socialistes (+11 à 50%). 

2/ L’Europe de plus en plus contestée. A quatre mois des élections européennes, le repli et la défiance de l’opinion exacerbent les crispations à l’égard de l’Europe. Pour faire face aux grands problèmes des années à venir, une large majorité de Français (70%, +5) plaide pour un renforcement des pouvoirs nationaux au détriment de ceux de l’UE (67%, +10 à l’UMP). La contestation de la monnaie unique est également en nette progression. 33% (+5) des Français souhaitent que la France sorte de la zone Euro et repasse au Franc (contre 67%, -5 qu’elle reste dans l’Euro). Cette idée est désormais majoritaire chez les ouvriers (à 52%, +8 soit l’une des plus fortes progressions). En outre, seuls 45% des Français (34% des ouvriers) estiment que l’appartenance de la France à l’EU est une bonne chose, contre 40% pour qui c’est une mauvaise chose.

3/ Le clivage entre les catégories populaires et les plus aisées s’accentue. Sous l’apparente stabilité de certains indicateurs, de fortes évolutions sont à l’œuvre au sein des différentes catégories de population. Là où l’opinion des cadres s’améliore, celle des ouvriers se dégrade assez nettement. Pour 68% (+7) des cadres, la mondialisation est une opportunité alors qu’elle est perçue comme une menace par 74% (+4) des ouvriers. De même, pour près de trois cadres sur quatre (72%, +16), la France doit s’ouvrir davantage au monde d’aujourd’hui alors que 75% (+13) des ouvriers pensent qu’elle doit s’en protéger. La coupure avec le politique est encore plus nette chez dans les classes populaires. 87% des ouvriers pensent que le système démocratique fonctionne mal et que leurs idées ne sont pas bien représentées (+8, alors que cette idée est stable chez les cadres à 65%, +1). La demande d’autorité est beaucoup plus forte chez les ouvriers : 64% sont favorables au rétablissement de la peine de mort (contre 26% des cadres). A noter également que 74% des ouvriers estiment qu’on ne se sent plus chez soi comme avant (+7, contre 38% -12 chez les cadres) et que pour 39%, les immigrés qui s’installent en France prennent le travail des Français (+7, contre 9% -13 chez les cadres).


Fiche technique :

Cette Enquête a été réalisée du 8 au 14 janvier 2014 auprès d’un échantillon de 1 005personnes constituant un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Echantillon interrogé par Internet grâce au Panel online d’Ipsos. Méthode des quotas : sexe, âge, profession de la personne de référence au sein du ménage, régionet catégorie d’agglomération.

Auteur(s)
  • Vincent Dusseaux Directeur d'études, Ipsos Loyalty

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