Parti Socialiste : les Français ont du mal à suivre
Un an après la défaite aux législatives, les Français esquissent l'avenir de la gauche et du Parti Socialiste. L'enquête Ipsos - France 2- Le Monde, fil rouge de l'émission 100 minutes pour convaincre diffusée le 12 juin sur France 2 (avec François Hollande), montre que, même pour les sympathisants de gauche, l'exercice est particulièrement difficile.
Le travail reste la valeur que la gauche doit à l'avenir défendre en priorité. Cité par une personne sur trois, cet item arrive légèrement en tête d'une liste des valeurs que les Français aimeraient voir traiter par la gauche en priorité. En tête des préoccupations au moment de la campagne présidentielle, "la sécurité" est moins souvent citée comme dossier prioritaire pour la gauche (28%). On retrouve ensuite, avec des taux assez proches, les notions de "justice" (24%), "égalité" et "civisme" (22% chacun). La hiérarchie dressée par les sympathisants socialistes ne diffère qu'à la marge : le travail (38%) et l'égalité (26%) sont un peu plus souvent choisis, la sécurité (26%) reste un dossier majeur, la notion de "solidarité" est également mise en avant (24%).
Les Français ont en revanche plus de mal à définir à qui s'adresse aujourd'hui le PS. Le tiers des sympathisants socialistes estime que, "de part ses prises de positions, il défend avant tout les classes moyennes". Ces derniers sont presque deux fois plus nombreux que ceux qui citent "les milieux défavorisés" (18%) ou "les ouvriers" (17%).
La question posée à l'ensemble de l'échantillon paraît plus difficile encore : aucune catégorie proposée ne recueille plus du quart des citations. Pour 23% des sondés, le PS défend avant tout "les fonctionnaires" ; un peu plus d'un sur dix préfère ne pas se prononcer. Le détail des réponses par catégorie socioprofessionnelle est sans concession pour le Parti Socialiste, avec des scores souvent plus faibles chez les intéressés. Seulement 7% des salariés se sentent aujourd'hui défendus par le PS (4% chez les salariés du public) ; les trois-quarts des ouvriers choisissent une autre catégorie.
L'explication se trouve au moins pour partie dans la volonté affichée par la moitié des sympathisants de gauche - et 42% des Français - de voir le PS se rapprocher de leurs préoccupations : ce souhait arrive en tête des réponses concernant les priorités du PS dans les années à venir, devant la mise en place "d'un programme de gouvernement crédible" (cité par le tiers des Français, des proches de gauche et des sympathisants socialistes), et l'émergence d'une "nouvelle génération d'hommes et de femmes politiques" (23% chez les proches du PS).
La comparaison des résultats avec ceux enregistrés sur la même question en novembre dernier montre que l'attente d'un programme de gouvernement alternatif à celui proposé par la majorité progresse assez nettement (+ 8 points). Alors que les échéances électorales sont encore lointaines, cette volonté traduit peut-être aussi un manque de lisibilité sur la ligne et les positions actuelles du PS.
Partagés sur l'orientation d'un tel programme - il pourrait être "plutôt de centre-gauche" selon la majorité des proches du PS (46%) ou de l'ensemble de la gauche parlementaire (39%), voire "franchement de gauche" selon un tiers des personnes, dans chacune des deux catégories - les sympathisants le sont encore plus sur l'opportunité de se rapprocher des syndicats. On dénombre à peu près autant de proches du PS à prôner un rapprochement vers la CFDT ou Force Ouvrière, que de sympathisants à préférer "garder ses distances". L'ovation réservée à Bernard Thibault au congrès de Dijon vaut peut-être une position plus ouverte des proches du PS envers la CGT : 52% pense qu'il faudrait chercher à s'en rapprocher, contre 38% d'avis contraire et 10% qui préfèrent ne pas se prononcer.
Plus globalement, l'idée de création d'un grand parti de gauche est largement soutenue. Plus de 70% des sympathisants de la Gauche parlementaire y sont à présent favorables, soit une progression de 9 points depuis novembre (contre 25% qui y sont opposés, -11 points).
Et si le PS était au pouvoir ? Comme souvent sur ce type de question relatif à la perception du clivage gauche / droite, le "bonnet blanc ou blanc bonnet" l'emporte. Ainsi, la moitié des Français pensent que le PS ne ferait "ni mieux ni moins bien" que le gouvernement actuel sur "la réforme du système de santé", "le dossier de l'Education Nationale", "la lutte contre le chômage", ou "le dossier des retraites". Plus révélateur, les sympathisants de gauche sont équitablement partagés, entre ceux qui pensent que le PS ferait mieux et ceux qui croient que ce serait pareil ; il n'y a que sur la question de l'Education Nationale que l'avantage du "mieux" est significatif (51 contre 41%).
Par ailleurs, on est assez nombreux à gauche à juger que le PS a évolué depuis qu'il n'est plus aux affaires : entre 40 et 50% des sympathisants pensent que le PS a changé de position sur "la lutte contre l'insécurité" (47%), "les retraites" (45%), "les plans sociaux" (39%) ou "la décentralisation" (39%). Mais là encore, des avis très partagés même chez les plus proches mettent en évidence un manque de lisibilité sur la ligne du parti. A la limite, même l'image de François Hollande dans l'électorat de la gauche parlementaire n'est pas vraiment claire : "honnête" (24%) mais "hésitant" (21%), "sympathique" (19%) mais "effacé" (19%), "tolérant" (16%) quoiqu'un peu "démagogue" (11%), "proche des gens" (14%) mais aussi "technocrate" (13%)...
Au final, que les questions portent sur les valeurs, les cibles , la ligne, le positionnement actuel ou futur, jusqu'à l'image du premier secrétaire, aucune majorité nette ne se dégage chez les proches du PS ; a fortiori sur l'ensemble des sympathisants de la gauche ou des Français. Avant toute chose, l'avenir du PS passe par plus de clarté.