Poussée à gauche sur la ligne de départ des européennes
Le climat politique à six mois des élections européennes de juin 1999 est plutôt favorable à la majorité gouvernementale. Une liste d’union RPR-UDF-DL conduite par Philippe Séguin ferait jeu égal avec la seule liste socialiste dirigée par François Hollande. Et la gauche de la gauche semble avoir le vent en poupe.
Sur la ligne de départ d’une compétition européenne qui n’a véritablement commencé que dans les états-majors politiques, la majorité apparaît en position favorable. L’enquête Ipsos-le Point qui examine " le climat politique dans la perspective des élections européennes " de juin 1999 présente un rapport de forces où la gauche domine. Ces intentions de votes doivent naturellement être interprétées avec la plus grande prudence : la configuration exacte des listes est encore loin d’être connue, de même que le nom de certaines des personnalités qui les conduiront. L’incertitude qui pèse sur la participation, traditionnellement faible, à un scrutin qui ne passionne pas les foules complique encore la mesure de l’influence potentielle des uns et des autres. Le pourcentage de personnes qui se déclarent très ou plutôt " intéressées " par les prochaines européennes est en recul de huit points par rapport à l’époque équivalente en 1994. C’est pourquoi Ipsos présente, pour chacune des listes testées dans ce sondage, une fourchette d’intentions de vote.
Les quatre listes de gauche et écologiste totalisent 51% des intentions de vote moyennes. Les trois listes appartenant à la majorité gouvernementale recueillent 46% des suffrages virtuels, à comparer avec les 38% des deux listes de l’opposition républicaine. Au stade actuel, et alors que le climat politique peut encore changer radicalement d’ici juin 1999, l’échéance européenne ne s’annonce pas comme un vote sanction contre l’équipe au pouvoir.
La liste du PS, hypothétiquement emmenée par son premier secrétaire François Hollande, est créditée de 27% des intentions de vote moyennes. Un score bien supérieur à celui de la liste conduite par Michel Rocard (14,5%) en 1994 et qui s’approche même du total des trois listes de la gauche non communiste d’alors (29%). Les sondés ne plébiscitent pas véritablement Hollande comme leur tête de liste socialiste préférée, le numéro un du PS souffrant toujours d’une insuffisante notoriété. Mais Jack Lang ne lui est guère plus souvent préféré. Les sympathisants socialistes sont significativement un peu plus nombreux à choisir Hollande plutôt que l’ancien ministre de la Culture de François Mitterrand.
La bonne tenue du parti communiste est un autre enseignement de cette enquête. Avec une fourchette allant de 8 à 10,5% de suffrages intentionnels, la formation de Robert Hue améliorerait très sensiblement ses piètres résultats de 1994 (6,9%). L’électorat communiste est le plus sûr de son choix à six mois du scrutin. Le PCF retrouve une influence perdue dans les milieux ouvriers (16%) et dans les tranches d’âge moyennes (12% chez les 35-44 ans).
L’extrême gauche semble moins faire de l’ombre qu’elle ne l’espérait au PCF. La liste d’union troskiste conduite par Arlette Laguiller est évaluée autour de 5% des intentions de vote. Là encore, on constate un progrès par rapport au scrutin précédent du même type (2,7%). L’ultra-gauche fait jeu égal avec le PCF dans la tranche des revenus les plus bas et connaît une forte audience auprès des employés. Au total, la " gauche de la gauche " semble avoir le vent en poupe.
Le courant écologiste apparaît, lui aussi, porté par un vent ascensionnel auquel le talent de son médiatique chef de file Daniel Cohn-Bendit n’est pas étranger. Les Verts se situent, en point moyen, à 10%, mais on remarque que leur fourchette d’intentions de vote est particulièrement large. C’est la liste pour laquelle la " fermeté de choix " est la plus faible. Un signe de fragilité qui ne garantit pas aux écologistes de retrouver au fond des urnes l’influence que leur promettent les sondages préélectoraux. Pour le moment, " Dany " perce chez les électeurs les plus jeunes : dans la tranche des 18-24 ans, les Verts devancent le PS. Il attire aussi particulièrement les personnes dotées d’un revenu et d’un niveau d’éducation élevés.
A droite, une liste d’union RPR-DL-UDF emmenée par Philippe Séguin égaliserait celle du PS avec 27% d’intentions de vote. Elle recueillerait un score légèrement supérieur à celui de la liste d’union conduite par Dominique Baudis en 1994 (25,5%). Comme il y a cinq ans, la dissidence " nationaliste " coûtera électoralement cher aux principales formations de l’opposition. La liste annoncée par Charles Pasqua est estimée, sur la ligne de départ, à 11%. C’est un peu moins que le résultat obtenu par Philippe de Villiers à l’époque (12,4%). La personnalité du sénateur des Hauts-de-Seine est une motivation majoritaire dans son électorat. Celui-ci est nettement plus diversifié socialement que celui de la liste officielle de la droite.
A l’extrême droite, la situation demeure confuse. Testées toutes les deux avec l’étiquette " Front national " qu’elles se disputent, les listes de Jean-Marie Le Pen et de Bruno Mégret totaliseraient 11%, soit pratiquement autant que la liste FN de 1994 (10,6%). Le chef historique de l’extrême droite dominerait son ancien lieutenant sans pour autant l’écraser. Mais, de ce côté-ci de l’échiquier tout particulièrement, les rapports de force sont encore loin d’être figés. Et l’éclatement du FN risque de lui être plus dommageable qu’il ne l’apparaît aujourd’hui.