Première percée de l'extrême-droite en Allemagne
Lors d'un scrutin régional, le 26 avril, l'extrême-droite a battu son record électoral depuis 1945 en Allemagne. Le parti chrétien-démocrate s'est effondré en Saxe-Ahnalt.
Pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, l'extrême-droite a enregistré, dimanche 26 avril, une percée électorale dans un scrutin significatif en Allemagne. L'Union du peuple allemand (DVU), parti ouvertement xénophobe, a obtenu 12,9% des suffrages exprimés à l'élection régionale de Saxe-Anhalt. C'est la première fois que cette formation, fondée en 1987 par un milliardaire munichois, Gerhard Frey (65 ans), qui ne cache pas son antisémitisme, réussit à se faire élire dans l'ancienne RDA. La DVU était jusque-là seulement représentée dans deux régions de l'Ouest, Brême et Schelswig-Holstein.
Formation d'extrême-droite plus ancienne, le Parti républicain n'avait jamais réussi à sortir de la marginalité électorale en RFA. Axant ses campagnes sur l'opposition à l'immigration et à l'euro, la DVU a aujourd'hui plus de succès. Son leader a investi plus de trois millions de marks dans la campagne de Saxe-Anhalt, ciblant sa propagande à la fois sur les plus jeunes et les plus âgés des électeurs. L'extrême-droite a réussi à exploiter le désarroi de la population dans ce land le plus pauvre d'Allemagne: 22,6% de taux de chômage et seulement 0,6% de croissance économique l'année dernière. Selon certaines enquêtes, un quart des électeurs de la DVU ont moins de 30 ans...
La CDU du chancelier Helmut Kohl est la principale victime de l'émergence de la droite extrême. Le parti chrétien-démocrate au pouvoir à Bonn recule de douze points par rapport à 1994: 22% des voix contre 34,4% il y a quatre ans. Pour sa part le SPD, au pouvoir en Saxe-Anhalt, progresse de deux points: 35,9% au lieu de 34%. Notons encore que le PDS (post-communistes) se maintient à 20% des suffrages exprimés tandis que les Verts, plongeant à 3,2%, se retrouvent sous la barre des 5% nécessaires pour avoir des élus, de même que les libéraux du FDP (4,2%).
Ce test électoral cinq mois avant les élections régionales du 27 septembre 1998 augure mal de l'avenir pour Helmut Kohl. Tous les sondages s'accordent sur le perspective d'une défaite cuisante pour le chancelier sortant. La dernière enquête en date est celle du baromètre politique de la chaîne de télévision ZDF. Réalisée dans la semaine précédent sa publication, le 17 avril, auprès de 1250 électeurs, elle attribue 43% des intentions de vote au SPD (plus deux points par rapport à mars) et seulement 35% à l'alliance CDU-CSU (moins un point). Les Verts sont crédités, toujours au niveau national, de 8%, le FDP de 5% et le PDS de 4% des intentions de vote. L'écart de popularité entre le SPD (52% de bonnes opinions) et la CDU-CSU (30%) est encore plus favorable à l'opposition d'aujourd'hui. Pis encore pour le réunificateur de l'Allemagne, seulement 26% le préfèrent aujourd'hui comme chancelier à son adversaire social-démocrate Gerhard Schröder qui l'écrase littéralement avec 66% de choix.
La sensible amélioration du climat politique, dont se fait également l'écho ce sondage, ne profite nullement au pouvoir en place. Comme si le rejet de Kohl, qui dirige le gouvernement depuis seize années, était essentiellement d'ordre politique. Le baromètre de la ZDF montre d'ailleurs que 75% des Allemands estiment que "le temps est venu pour d'autres partis politiques de prendre les rênes du gouvernement". Ce sentiment est même partagé par 35% des électeurs CDU-CSU. Il est vrai qu'au sein de la majorité sortante, de plus en plus nombreux sont ceux qui souhaitent que Kohl cède la place, pour mener le prochain combat électoral, au populaire leader du groupe chrétien-démocrate au Bundestag, Wolfgang Schaeuble. Mais celui-ci se refuse, jusqu'à présent, à entrer dans des questions "personnelles" tandis que le chancelier, bien décidé à se battre à nouveau, a averti ses concitoyens dés samedi 25 avril: "Le résultat de l'élection de dimanche est une chose, les élections générales en sont une autre".