Présidentielle 2007 : le paradoxe des intentions de vote
Très favorables à la droite au premier tour, équilibrées au second, les mesures d'intentions de vote de la dernière vague du baromètre Ipsos-Le Point peuvent sembler surprenantes. L'attractivité de la candidature de Nicolas Sarkozy, mais aussi une certaine mobilisation contre lui dans l'hypothèse d'un second tour l'opposant à Ségolène Royal, de la part de la quasi-totalité des sympathisants de gauche et de la majorité de l'électorat de François Bayrou, expliquent pour beaucoup ce paradoxe.
Les dernières mesures d'intentions de vote Ipsos-Le Point pour la présidentielle de 2007 laissent apparaître un rapport de force nettement favorable à la droite parlementaire au premier tour : 46%, contre 32,5% pour la gauche parlementaire, soit un différentiel de 13,5 points. En observant les enquêtes pré-électorales* réalisées à l'automne précédent les scrutins de 1981, 1988, 1995 ou 2002, on constate qu'il n'y a qu'en 1994 où l'écart était supérieur (de 17,5 points en faveur de la droite parlementaire). Plus près de nous, le rapport de force aux derniers scrutins nationaux était lui aussi plus équilibré, et favorable à la gauche. Loin des 46% mesurés aujourd'hui, la droite parlementaire a obtenu 37,5% des voix aux Européennes de 2004 (contre 43% pour la gauche parlementaire), et 35% au premier tour des régionales de 2004 (40,5% pour la gauche).
Le score atypique de la droite parlementaire dans ces intentions de vote premier tour doit évidemment beaucoup à l'attractivité de la candidature de Nicolas Sarkozy. Bien qu'en baisse de deux points, à 34%, le Ministre de l'Intérieur recueille toujours plus d'intentions de vote que les trois forces de la gauche parlementaire réunies. L'hypothèse alternative d'une candidature de Dominique de Villepin est mesurée à 14% d'intentions de vote, pour un total droite parlementaire à 33%. Autre comparaison, Jacques Chirac oscillait entre 24 et 27% à l'automne 2001, selon les mesures des principaux instituts.
Pour être à ce niveau, Nicolas Sarkozy est soutenu par 80% des proches de l'UMP, 30% de l'électorat UDF, 20% de celui du Front National, et même 10% des sympathisants de gauche. Les autres indicateurs, de popularité ou de potentiel électoral, confirment le phénomène. Nicolas Sarkozy reste le plus populaire des membres du gouvernement, et des personnalités de droite en général. Dans un contexte pourtant difficile (Cachan, polémiques sur les interventions médiatisées des policiers en banlieue), il perd en octobre 5 points de bonnes opinions, mais conserve une majorité de "jugements favorables sur son action", 55% sur l'ensemble de l'échantillon et 87% chez les sympathisants de droite. Il bénéficie en outre d'un "potentiel électoral présidentiel" – la part d'électeurs se déclarant prêts à voter pour lui s'il était candidat – de 95% chez les sympathisants UMP. Avec surtout 53% des proches de l'UMP d'ores et déjà "certains de voter pour lui" s'il était investit, il n'a pas pour le moment de concurrence à ce niveau.
Pourtant, la nette avance de la droite parlementaire au premier tour, le score obtenu par Nicolas Sarkozy, ne trouve pas de traduction dans les intentions de vote second tour. Sous l'hypothèse d'un duel Sarkozy / Royal, on obtient même un match nul, à 50% chacun. Tout se passe comme si la personnalité de Nicolas Sarkozy jouait là encore un rôle prépondérant. Par exemple dans la mobilisation contre lui de l'électorat des candidats de gauche et d'extrême gauche au premier tour, avec des reports de voix quasi parfaits, proches des 100%, vers Ségolène Royal. Ou encore dans les reports de voix de l'électorat de François Bayrou, dont près de 60% choisiraient Ségolène Royal au second tour. Avec encore une "perte" de 20% des électeurs qui choisissent Philippe de Villiers ou Jean-Marie Le Pen au premier tour, on obtient au final ce rapport de force équilibré.
Dans le même temps, l'enquête ne minimise surtout pas le rôle de Ségolène Royal dans cet équilibre de second tour, au contraire. Même si elle tend à se réduire, son avance à gauche est presque aussi nette que celle de Sarkozy à droite. La Présidente de Poitou-Charentes est encore ce mois-ci la personnalité politique la plus populaire chez les Français, avec 59% d'avis favorables. Elle reste aussi en tête chez les sympathisants de gauche, malgré une baisse de six points par rapport au mois dernier (80%). Dans un contexte là aussi plus difficile, elle est toujours devant en terme de potentiel électoral, avec 88% (-1 point) des proches du PS prêts à voter pour elle (36% en sont déjà "certains").
L'écart se resserre toutefois avec Dominique Strauss-Kahn, qui fort d'une progression de 16 points en un mois, affiche aujourd'hui un potentiel à 71%. DSK est également la personnalité qui progresse le plus au baromètre de popularité, avec 43% d'avis favorables sur l'ensemble de l'échantillon (+8 points), et 65% chez les sympathisants de gauche (+11). On n'observe pas en revanche de dynamique d'opinion aussi forte en faveur de Laurent Fabius. Malgré un léger sursaut, ce dernier reste en retrait sur les critères de popularité et de potentiel électoral. Il ne recueille que 28% d'avis favorable sur l'échantillon représentatif des Français, et 48% (+6) chez les sympathisants de gauche. A 53% (+4), son "potentiel électoral" chez les sympathisants PS est également le plus bas des trois candidats à l'investiture socialiste.
Les progressions en termes de popularité et de potentiel électoral, nettes pour Dominique Strauss-Kahn ou plus faibles pour Laurent Fabius, ne trouvent toutefois pas leur traduction dans les intentions de vote pour les primaires du PS. Les deux tiers des sympathisants socialistes choisissent toujours Ségolène Royal (-2 points), contre 22% (-1) qui voteraient pour Dominique Strauss-Kahn, et 12% (+3) pour Laurent Fabius. Même si ces sympathisants ne sont pas à confondre avec les militants qui voteront le 16 novembre prochain, ce socle électoral sera important pour le candidat investit. Son ralliement n'est d'ailleurs pas automatique, comme en témoigne la sociologie du vote de 2002 : 53% des sympathisants socialistes avaient alors choisi un autre candidat que Lionel Jospin, un chiffre qui expliquait au moins en partie la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour. Aujourd'hui, le leader frontiste est pointé à 12% d'intentions de vote (contre 7,5% à l'automne 2001) ; et 22% des Français portent un jugement favorable sur son action, soit exactement le score que l'on enregistrait pour lui dans le baromètre... d'avril 2002.
(*) Automne 1980 : 50% / 46% en faveur de la droite parlementaire (BVA/Paris Match -8/10 oct. 1980)
Automne 1987 : 42,5% / 45,5% en faveur de la gauche parlementaire (Sofres/PQR 7/12 nov. 1987)
Automne 1994 : 52,5% / 35% en faveur de la droite parlementaire (Sofres/Nouvel Obs. 4/6 oct. 1994)
Automne 2001 : 38,5% / 46,5% en faveur de la gauche (Ipsos/Le Point 9/10 nov. 2001
Fiche technique :
Popularité de l'exécutif
Palmarès des leaders politiques
Palmarès Potentiel électoral présidentiel
Intention de vote présidentielle
Primaires au PS