Présidentielle 2022 | Enquête électorale - Vague 5
La cinquième vague de l'Enquête Électorale 2022 réalisée par Ipsos / Sopra Steria pour le Cevipof, la Fondation Jean Jaurès et Le Monde propose, en marge des traditionnelles mesures de climat électoral et d'intentions de vote, un volet sur les traits d'image des différents candidats. Si Emmanuel Macron distance ses concurrents en terme de "présidentialité", Marine Le Pen se démarque par sa capacité à incarner le changement et à comprendre les problèmes des Français.
Le pouvoir d'achat, enjeu majeur de la Présidentielle
Dans un contexte de recul de la crise sanitaire et de baisse du chômage, le pouvoir d'achat s'impose comme l'enjeu majeur de la Présidentielle. C'est le sujet le plus souvent cité parmi les trois "qui préoccupent le plus en pensant à la situation du pays", par plus d'un Français sur deux. Surtout, cette préoccupation a nettement augmenté sur les deux derniers mois - 40% de citations en décembre, 44% en janvier pour 52% aujourd'hui - au point de devancer assez nettement "le système de santé" (30%), "l'environnement" (29%) et "l'immigration" (28%) dans la hiérarchie. Le pouvoir d'achat est devenu l'enjeu n°1 dans tous les électorats, sauf chez les partisans de Yannick Jadot où il arrive deuxième derrière l'environnement, et ceux d'Eric Zemmour où il est devancé par l'immigration et la délinquance.
Les traits d'image : pour Emmanuel Macron, la présidentialité
En dépit des efforts gouvernementaux en la matière (suppression de la taxe d'habitation pour 80% des foyers, augmentation du minimum vieillesse ou plus récemment prime inflation de 100€), l'intensité croissante de la préoccupation pour le pouvoir d'achat semble témoigner d'un certain désarroi dans l'opinion, qui a peut-être terni l'image du Président sortant.
Certes, Emmanuel Macron devance très nettement tous ses concurrents en terme de présidentialité : 60% des Français considèrent "qu'il a l'étoffe d'un Président", pour 38% de cet avis concernant Valérie Pécresse, 35% concernant Marine Le Pen, et moins de 25% pour tous les autres. Presque autant (57%) jugent "qu'il donne une bonne image de la France à l'étranger" (41% pour Valérie Pécresse, 25% pour Marine Le Pen, moins de 25% pour les autres). Mais Emmanuel Macron n'incarne plus vraiment le changement (40% des Français estiment "qu'il veut vraiment changer les choses", pour 58% d'avis contraires), il "inquiète" une part importante des Français (40%, pour 55% d'avis contraire) et surtout, paraît s'être éloigné de leur quotidien : à peine un électeur sur quatre (25%) considère qu'Emmanuel Macron "comprend bien les problèmes des gens comme nous", pour 73% d'avis contraire.
Pour Marine Le Pen : le changement et la proximité
Bien plus que le Président, la proximité est aujourd'hui l'apanage de Marine Le Pen (42% des Français estiment "qu'elle comprend bien les problèmes des gens comme nous") et, à un degré moindre, de Jean-Luc Mélenchon (35%) et Eric Zemmour (33%). Ces trois candidats sont aussi ceux qui incarnent le plus le changement, avec près de six Français sur dix (58%) qui estiment que Marine Le Pen "veut vraiment changer les choses", pour 54% en ce qui concerne Eric Zemmour et 47% pour Jean-Luc Mélenchon. En négatif, ils sont aussi jugés les plus inquiétants : Eric Zemmour "inquiète" près de deux Français sur trois (63%), Jean-Luc Mélenchon (55%) et Marine Le Pen (53%) un peu plus d'un sur deux.
Comparativement, les traits d'images de Valérie Pécresse ou de Yannick Jadot sont plus lisses. Ni l'une ni l'autre ne dispose de vrais atouts, hormis en creux l'avantage de n'inquiéter "que" 30% des Français pour Valérie Pécresse, 28% pour Yannick Jadot, soit les deux meilleurs scores sur cet indicateur.
Si l'on se fie aux traits d'images, Marine Le Pen comprend bien les problèmes des Français, veut vraiment changer les choses, est au même niveau que Valérie Pécresse sur la présidentialité… Certes elle inquiète un peu plus, mais au final son image constitue peut-être un avantage comparatif en vue de la qualification pour le second tour. Et ce d'autant plus que si les partisans d'Eric Zemmour ont une très bonne image de la candidate du Rassemblement National, l'inverse est moins vrai et il est plus facile pour un électeur de Zemmour de basculer sur un vote Le Pen que de faire le chemin dans l'autre sens.
Intentions de vote : derrière Emmanuel Macron, Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Éric Zemmour dans un mouchoir
Les mesures d'intentions de vote montrent qu'on n'en est toutefois pas là. A un mois du premier tour, Valérie Pécresse (15,5%), Marine Le Pen (15%) et Eric Zemmour (14,5%) sont toujours au coude à coude, à distance d'Emmanuel Macron (24%). Le Président de la République reste ancré sur un socle électoral particulièrement solide, les deux tiers de ceux qui ont voté pour lui au premier tour en 2017 le soutiennent à nouveau cette année.
Eric Zemmour a retrouvé une dynamique favorable après une période de baisse, ce qui est assez rare dans les trajectoires électorales. Il progresse d'1,5 points par rapport au mois dernier, en mobilisant un peu plus son électorat (+0,5 points) et en grignotant des intentions de vote chez Marine Le Pen (+0,5) et chez Valérie Pécresse (+0,5). Cette poussée fragilise le socle électoral de Marine Le Pen, qui ne bénéficie plus que du soutien de 55% de ceux qui avaient voté pour elle au premier tour en 2017 ; près d'un sur trois ont l'intention de choisir plutôt son rival d'extrême droite cette année. La situation est tout aussi délicate pour Valérie Pécresse, qui conserve moins de la moitié (47%) de l'électorat 2017 de François Fillon : 18% s'échappent sur sa droite vers Eric Zemmour, 27% sur sa gauche vers Emmanuel Macron.
A gauche, on relèvera l'absence d'effet "primaire populaire" pour Christiane Taubira, stable à 5% d'intentions de vote. Jean-Luc Mélenchon est à 9% (+1 par rapport à la mesure de janvier), Yannick Jadot à 7% (stable). Fabien Roussel progresse également d'un point pour atteindre 3,5% d'intentions de vote, et double Anne Hidalgo (2,5%). Pour l'anecdote, le PC serait donc en mesure de devancer le PS pour la première fois depuis bien longtemps (1969 si l'on se réfère aux élections Présidentielles).
Les Français partagés sur la règle des 500 parrainages
Sans compter l'extrême gauche à 1,5% (1% pour Philippe Poutou, 0,5% pour Nathalie Arthaud), la gauche totalise 27% d'intentions de vote. A un mois du scrutin, l'hypothèse d'une dynamique qui rapprocherait l'un ou l'autre candidat de la seconde place qualificative est toujours envisageable. Cela nécessiterait certainement une clarification de l'offre électorale, qui viendra peut-être du système de parrainages. Avec 47 parrainages validés au 10 février, Christiane Taubira semble par exemple en difficulté.
Les Français sont partagés sur les avantages et les inconvénients de ce système. Une courte majorité (53%) considère que "c'est un bon système, car il permet d'éviter un nombre trop important de candidats ainsi que des candidatures marginales ou fantaisistes", mais presque autant (47%) estiment "qu'il est mauvais, car il peut conduire à ce que certains candidats qui représentent les idées d'un nombre important de Français ne puissent pas se présenter". Les opinions sont clivées en fonction des difficultés que pourraient avoir les candidats à obtenir leurs 500 parrainages : 81% des électeurs potentiels d'Emmanuel Macron, les deux-tiers des électeurs d'Anne Hidalgo ou de Yannick Jadot trouvent que c'est un bon système, quand 82% de ceux qui ont l'intention de voter pour Marine Le Pen, 65% de ceux qui ont l'intention de voter pour Eric Zemmour ou 60% de ceux qui pensent choisir Jean-Luc Mélenchon jugent qu'il est mauvais.
Dans le détail, on constate que la non qualification de ces trois candidats poserait quand même un problème à une majorité de Français. Près de 60% des Français pensent que si Marine Le Pen ne parvenait pas à recueillir les 500 signatures, "cela poserait véritablement la question de la légitimité des résultats de cette élection Présidentielle" (35%) ou "que ce serait vraiment regrettable, bien que ce soit la règle", contre 32% d'avis que "cela ne poserait pas de problème particulier" et 9% qui ne savent pas ou préfèrent ne pas se prononcer. Pour Jean-Luc Mélenchon, 53% jugeraient qu'une non-qualification délégitimerait l'élection (28%) ou serait regrettable (25%), pour 36% pour qui cela ne poserait pas de problème. Quant à Eric Zemmour, on a encore une majorité relative de 49% de Français qui trouveraient son éviction illégitime (28%) ou regrettable (21%), pour 41% d'avis contraires. Verdict le vendredi 4 mars 2022 à 18 heures, date limite pour le dépôt des parrainages au Conseil constitutionnel.
Retrouvez notre dossier spécial Présidentielle 2022
Fiche technique : enquête Ipsos-Sopra Steria menée pour le Cevipof, la Fondation Jean Jaurès et Le Monde auprès de 12 499 personnes inscrites sur les listes électorales, représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus, interrogées en ligne du 3 au 7 février 2022.
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