Présidentielle : la course d'obstacles de Nicolas Sarkozy
L’impopularité de Nicolas Sarkozy est, on le sait, historique. Non seulement les jugements favorables s’établissent à un niveau particulièrement faible – 35%- mais ils ne se redressent pas depuis plus de 15 mois et restent de faible intensité (4% de jugements « très favorables » versus 29% de jugements « très défavorables »). Cela renvoie principalement, on l’a souvent dit ici, à une crise du résultat. De fait, s’il s’agissait principalement d’un reproche de gouvernance et d’un rejet de la manière dont Nicolas Sarkozy exerce la fonction présidentielle, la re présidentialisation du Président, incontestable depuis maintenant de longs mois, que ce soit dans sa manière d’être, une plus grande rareté de sa parole et des succès qui, comme la Libye, viennent traditionnellement la renforcer, aurait dû payer et sa courbe a minima frémir. Or ce n’est pas le cas. Indice supplémentaire que la crise du résultat est bien la cause principale de la faible popularité de Nicolas Sarkozy, sa popularité, testée par TNS Sofres à partir d’une question qui porte sur l’action - « faites-vous confiance à Nicolas Sarkozy pour résoudre les problèmes qui se posent actuellement en France » - et non pas sur un jugement global, comme dans la question Ipsos, fait apparaître un niveau d’approbation encore plus faible : 24% de confiance, 72% de défiance...
Au-delà de la crise du résultat, la deuxième difficulté pour Nicolas Sarkozy tient à l’idée d’alternance qui, dans la foulée des élections intermédiaires et du basculement du Sénat, est en train de s’installer dans le pays, tant en terme de pronostic que de souhait. Cela est si vrai que certains leaders de la majorité tentent de la limiter en soulignant qu’il peut y avoir « alternance sans alternative ». Un bien curieux argument car politiquement, il entérine la bascule et, en terme d’opinion, va à l’encontre de l’idée d’un danger socialiste : si rien ne changera véritablement avec la victoire de la gauche, la mise est au pire…que rien ne change.
La troisième difficulté pour Nicolas Sarkozy est que nous savons enfin qui est le candidat du Parti Socialiste et comment se sont passées les primaires. A l’évidence, très correctement. Et les premières enquêtes le confirment, en dotant François Hollande d’un surcroit d’intentions de vote et de popularité qui ne disent évidement pas que l’atterrissage se fera à ce niveau mais confirment l’effet légitimant du processus de sélection initié par le PS. Par ailleurs et cela est important, ces mêmes primaires ont indiqué trois choses : d’une part, que le candidat en question était plus tenace que d’aucuns le disaient ; d’autre part, que le PS se prenait au centre gauche et non à gauche, ce qui dans la perspective du second tour est important ; enfin que le corps social désavoue une radicalité et des attaques « ad hominem », vite perçues comme de l’agressivité, ce qui explique à la fois que François Hollande l’ai emporté face à Martine Aubry à 57% plutôt qu’à 53% ou 54% et, par exemple, qu’un Jean-Luc Mélenchon ait, jusqu’à maintenant, du mal à décoller autant que son potentiel devrait sur le papier le lui permettre. En conséquence, face à des Français plus méfiants que jamais, saturés d’informations et de décryptages et persuadés qu’on cherche en permanence à les manipuler, il ne sera pas aisé de faire apparaître les éventuelles faiblesses de tempérament d’un François Hollande.
Reste donc la seule véritable bataille, celle de la crédibilité, de l’argumentation sur les mesures et actions proposées et de la preuve qui, dans une société réflexive comme l’est la notre, est et sera décisive. Or, de ce point de vue, les choses sont beaucoup plus nuancées, au moins à ce stade de la campagne.
D’un côté, Nicolas Sarkozy est en très mauvaise posture : le bilan de son action est perçu négativement ; la crise inquiète profondément les Français qui redoutent d’en subir les conséquences à un niveau personnel – et pas seulement pour le pays ; et la crédibilité du Président, qu’il s’agisse de lutter contre les déficits ou de gérer et limiter les effets de la crise en général, est très inférieure à celle de François Hollande (12 à 20 points d’écart), ce qui constitue un handicap lourd et sans précédent. On pourrait y ajouter un niveau de préoccupations à l’égard du financement des retraites qui n’a pas varié malgré la réforme du Gouvernement et de nombreux autres enjeux sur lesquels les problèmes restent aux yeux des Français entiers depuis 5 ans : fonctionnement de l’éducation, système de santé, inégalités, pouvoir d’achat, logement, etc.
Mais d’un autre côté, ce sera à François Hollande de prouver que ses propositions peuvent à la fois améliorer la situation du plus grand nombre sans creuser les déficits, qu’il compte au contraire résorber. Or, de ce point de vue, Nicolas Sarkozy conserve quelques atouts.
Le Contrat de générations de François Hollande est pour l’instant peu mobilisateur et a été vivement critiqué par Martine Aubry, qui n’a cessé d’en dénoncer l’inefficacité, les effets d’aubaine qu’il générerait et le coût. Il permet par ailleurs de séduire « aux 2 bouts de l’omelette » mais ne dit rien à l’ensemble des Français qui ne sont pas directement concernés.
François Hollande a d’ores et déjà annoncé que pour faire mieux face à la crise, la fiscalité devra être revue. Or, tant que les Français ignorent le contenu de cette grande réforme fiscale et pensent que c’est l’autre qui sera sollicité, elle apparaît comme courageuse et séduisante, compte tenu du très grand sentiment d’iniquité perçu. Mais là aussi, le risque est grand pour le candidat socialiste que l’opinion évolue en cours de campagne tant l’allergie fiscale est forte dans notre pays.
Nicolas Sarkozy a par ailleurs réglé la question d’une alternative à droite : les différentes enquêtes menées montrent clairement que ni François Fillon, ni Alain Juppé ne sont en mesure de lui contester son leadership pour 2012. Par ailleurs et même si électoralement parlant, le gain est sans doute faible, le retrait de Jean-Louis Borloo lui évite une contestation sur son flanc droit. Le paysage est donc relativement dégagé pour le Président.
Enfin, avec François Bayrou, Nicolas Sarkozy est le seul candidat à avoir l’expérience d’une campagne présidentielle, tous les autres, sans être des « perdreaux de l’année » en politique, étant néanmoins des primo prétendants. Ce capital d’expérience constitue une ressource politique non négligeable pour un Président candidat qui en aura certainement besoin, tant il apparaît en grande difficulté.